Italie : L’heure de la classe biberon ? [1/2]

Une page du football italien est en train de se tourner. Parmi les 23 vainqueurs de la coupe du monde 2006, seulement 6 joueurs sont encore en activité dont Totti, Buffon et Pirlo qui sont en fin de carrière. Une vague de très bons joueurs est en train de pointer le bout de son nez. Alors que l’on a longtemps reproché à l’Italie de ne pas faire confiance aux jeunes, la tendance semble enfin s’inverser.

De Donnarumma à Gagliardini en passant par Verratti, Insigne ou Florenzi, ils représentent l’avenir de la Squadra Azzurra. Si le Parisien fait déjà partie des meubles malgré le fait qu’il n’ait jamais joué en Serie A, il existe un panel de joueurs derrière qui attendent le jour de gloire. L’Italie peut remercier un axe insoupçonné, des entraîneurs intelligents et le manque d’argent.

L’axe Bergamo-Torino-Milano

 

Atalanta :

S’il y a bien un club qui fait parler de lui grâce à sa formation, c’est l’Atalanta Bergame. Inconnu en France, le club Bergamesco est considéré comme le plus grand centre de formation d’Italie. Le but du club n’est pas de faire une plus-value monstre comme le Benfica, mais de former un joueur dès le plus jeune âge et de l’amener en équipe première. Un cursus étalé sur 10 ans avec une consécration vers 19-20 ans en général. Le travail en amont a porté ses fruits depuis plus deux décennies, la formation devenant la marque de fabrique des Nerrazurri. Morfeo, Pazzini, Montolivo, Gabbiadini, Bonaventura ont tous été formés à l’Atalanta Bergame avant de faire parler d’eux dans des clubs plus huppés.

Aujourd’hui, c’est Caldara, Sportiello, Grassi, Gagliardini, Zappacosta ou Baselli qui ont eu le privilège de jouer en équipe première puis d’exprimer leur talent ailleurs. Ils représentent l’avenir du football italien et ont tous fait leurs classes au centre Bortolotti de Zingonia. Hormis Sportiello, aucun n’appartient à ce jour à l’Atalanta. Le gardien était considéré comme un des probables successeurs de Buffon ; il vient de perdre 6 mois après un imbroglio entre son club et lui et a fini par rejoindre la Fiorentina dans les dernières heures du mercato d’hiver.

Caldara et Gagliardini ont explosé au point où l’Inter et la Juventus ont sorti le chéquier dès cet hiver pour recruter les deux phénomènes. Le premier est le clone footballistique de Bonucci : facile dans la lecture du jeu et dans la relance, il est vu comme le prochain homme fort de la Squadra tellement son jeu et son attitude sont dignes des plus grands. Plutôt réservé et fan de Fiodor Dostoïevski, Caldara n’a rien du jeune footeux, il en plutôt est tout l’inverse.

Son acolyte est lui plus démonstratif, que ce soit dans la vie ou dans son football. Le géant milieu relayeur (1m88) a reçu le surnom élogieux de « Pogba blanc » par les médias italiens. En effet, il existe de nombreuses similitudes avec l’ancien Bianconero. Au delà de la taille, Gagliardini sait tout faire au milieu. Il récupère, percute, n’est pas embarrassé avec le ballon, aime bien être présent sur les réseaux sociaux (105k abonnés sur Instagram) mais lui même l’avoue, Pogba est trop fort pour qu’il soit comparé  à lui et surtout, il n’a rien prouvé encore. Les deux inséparables cumulent 28 matchs de Serie A à eux deux et sont encore en période d’apprentissage. Si la Juventus a bien voulu laisser sa recrue à la Dea pour qu’il y termine sa saison, l’Inter a décidé de récupérer son nouveau milieu dès le mois de janvier. Le néo-Interiste est déjà un titulaire dans le milieu à trois de Stefano Pioli.

Ces deux transferts ont permis au club de l’Atalanta de récupérer presque 40 millions, une somme record pour deux joueurs aussi jeunes (en attendant la vente record de Frank Kessie cet été sûrement). Des trajectoires qui rappellent celle d’un autre crack bergamesco. Alberto Grassi a 19 ans quand il débute chez les pro de son club formateur. Le milieu de terrain a rejoint la club à 7 ans avant de le quitter à 21 pour rejoindre le Napoli de Maurizio Sarri après seulement 16 matchs en pro. Malgré un talent certain, il serra prêté à l’Atalanta à cause d’un manque de temps de jeu.

Baselli et Zappacosta ont eu la même trajectoire à une différence près : ils n’ont pas eu le privilège de signer directement chez un gros. Si Baselli avait fait deux saisons pleines avec les Nerazzurri avant de quitter le cocon, il aura suffi de seulement une saison pour que Zappacosta devienne une valeur sure de la Serie A au poste de latéral droit.  Flairant la bonne affaire, le Torino va récupérer les deux joueurs pour 10 millions au nez à la barbe de la Roma qui rêvait (et rêve toujours) de signer Baselli.

Torino :

Sous l’impulsion de l’excellent directeur sportif Petrachi et du Président Cairo qui voulaient anticiper le départ de Matteo Darmian et renforcer le milieu, l’occasion était trop belle, il fallait récupérer Zappacosta et Baselli à l’Atalanta. Le Torino est important dans l’exposition des jeunes talents italiens depuis quelques saisons. Reconnus comme étant parmi les meilleurs dirigeants de la botte, Cairo et Petrachi ont fait parler d’eux grâce à leur flair.

Les arrivées de Baselli et Zappacosta, auxquelles on peut ajouter les signatures de Benassi il y a deux ans et surtout Belotti alors qu’il venait à peine de sortir de sa première saison en Serie A à Palerme ont consolidé leurs réputations. Si l’ancien intériste était venu gratuitement après que le club lombard n’ait pas voulu le prolonger, l’attaquant rejoint le Toro en échange de 8 millions, un investissement « massif » pour le club.

La direction  n’hésite pas à investir sur les jeunes italiens pour espérer une revente future comme ils ont pu le faire avec  Cerci, Darmian ou Immobile dans le passé.  Une manière de procéder qui permet au club d’éponger son passif mais surtout de donner la chance à des jeunes italiens qui ne demandent que du crédit et la lumière pour se faire repérer. La doublette Benassi-Baselli plaît à de nombreux clubs plus huppés et Belotti est en train de devenir une des stars du championnat.

Gianpiero Ventura n’a pas eu peur de donner les clés de l’attaque à Belotti en l’encadrant de vieux briscards comme Quagliarella ou Maxi Lopez. Depuis, le vieux Beppe est devenu sélectionneur de l’Italie (pour le plus grand plaisir des jeunes italiens) et Il Gallo est considéré comme le futur grand 9 de la Squadra.

Pour remplacer son futur-ex coach, Petrachi voit d’un très bon œil l’arrivée de Sinisa Mihajlovic. L’ancien défenseur de l’Inter est reconnu comme étant un entraîneur qui fait confiance aux jeunes. Il l’a démontré à la Sampdoria puis à Milan. Si Vasco Regini, Alessio Romagnoli, Manolo Gabbiadini et surtout le duo Giancluca Sansone – Roberto Soriano (qui font les beaux jours de Villarreal maintenant) ont réussi à faire leur trou en Serie A, il y est pour quelque chose. Son arrivée chez les grenats a permis aux tifosi de découvrir Antonio Barreca, arrière gauche né en 95 qui cumule maintenant 18 matchs en pro et titulaire indiscutable sur le flanc gauche de la défense.

Si le centre de formation du Toro n’est pas considéré comme étant un des meilleurs d’Italie, celui du Milan est plus reconnu à l’échelle nationale. Et le disciple de Zdenek Zeman en a profité lors de son passage chez le Diavolo laissant au club et à son successeur, Vicenzo Montella, un héritage exceptionnel.

Milan AC :

En manque d’idées et surtout d’argent, les Rossonneri n’ont plus d’autre choix que de se réorienter vers une politique axé sur les joueurs italiens. Au revoir le parametro zero, bonjour Bonaventura, Bertolacci, Lapadula et Romagnoli.

Le défenseur central est considéré comme le plus talentueux de sa génération. Lancé par Zeman en 2012, le gamin de 18 ans va rapidement faire parler de lui. Comme Caldara, le numéro 46 de la Roma est plus dans l’anticipation et ne tacle qu’en cas de dernière nécessité. Dur sur l’homme, il manie le tacle à la perfection, et la comparaison avec Nesta commence à naître du coté de Rome. C’est finalement à la Sampdoria, sous les ordres du Mihajlovic que le fan de Valentino Rossi va réaliser sa meilleure saison. Alors que son club formateur est en proie au Fair-Play Financier, le Milan flaire le bon coup et le recrute pour 25 millions et le légendaire numéro 13 sur le dos.

En plus de l’ancien Gialorosso, le Serbe va faire confiance à la surprise générale aux jeunes du cru, chose rare à Milan ces dernières années. A part Mattia De Sciglio et à un degré moindre, Ignazio Abate, Milan ne faisait plus confiance à ses jeunes. Jusqu’à ce que trois joueurs viennent taper dans l’œil du coach : Donnarrumma que l’on ne présente plus et qui fera ses premiers matchs à la Audi Cup lors de la préparation estivale, Calabria arrière droit de 19 ans à l’époque et Locatelli qui n’a toujours pas atteint la majorité, rien que ça.

Le renouveau du Diavolo passera par les trois plus Romagnoli. Si le gardien va s’imposer en tant que titulaire au fil de la saison, Calabria va gratter du temps de jeu avec les blessures de De Sciglio et Abate, et Locatelli va s’assoir sur le banc de touche et tranquillement attendre son heure. Malgré le départ de leur mentor, ils continuent à faire leur petit bonhomme de chemin au sein du club milanais avec comme couronnement les premières minutes avec la Squadra pour Gigio et le but vainqueur de Locatelli lors du match face à la Juventus. La politique mise en place par Berlusconi et Galliani porte ses fruits.

C’est peut-être en voyant son cousin réussir son pari que l’Inter s’est mis en tête de faire de même. Le recrutement de Gagliardini est une demi-réponse à la question. Quand on sait que l’Inter a laissé filer Marco Benassi (lancé par Stramaccioni en 2012) au Torino alors qu’il aurait été parfait dans ce projet de jeunes italiens, les regrets peuvent être importants. Si la Juventus a toujours plus ou moins fait confiance aux jeunes, la nouveauté est que les deux Milan commencent (ou recommencent) à donner leur chance aux talents locaux tout en étant patients avec eux. Comme chaque été, on va annoncer Verratti de retour en Italie, la différence est que les moyens sont présents cette fois ci et que les trois grands d’Italie ont besoin d’une grosse recrue pour leur projet. Verratti en serait le parfait porte-drapeau. (Enième prolongation pour le hibou cet été)

Photo credits : Matteo Bottanelli/NurPhoto

+1

« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»