Benzema, l’heure du retour en bleu ?

Plongé dans un tourbillon médiatico-judiciaire en octobre 2015, Karim Benzema n’a pas connu les Bleus depuis. A un an et demi de la Coupe du Monde 2018, et alors que l’affaire de la sextape n’a toujours pas rendu son verdict, KB9 semble de nouveau frapper aux portes de la sélection. Est-ce le bon choix ? Que peut-il apporter ? A t-il encore sa place ? Tentative de démêlés d’une affaire bien plus politique que sportive.

Dieu qu’une sextape n’aura pas fait autant parler depuis celles de Kim K ou de Paris Hilton. Alors que les deux dernières citées avaient érigé un peu bizarrement les deux Américaines au rang de méga stars, celle de Valbuena aura elle eu des effets bien plus néfastes. Elle a notamment coûté l’Euro à Benzema et à Petit Vélo, et forcé Deschamps à revoir ses plans. Face au tourbillon médiatique et à la vindicte populaire, Le Graet et Deschamps ont rapidement déclaré Benzema hors-jeu, pour une durée indéterminée.

Ces deux joueurs semblaient il y a encore peu de temps bien loin de retrouver le château de Clairefontaine. Mais si le foot n’a pas bonne mémoire, la vérité du terrain est elle souvent juge de paix…

Depuis quelques semaines, le vent a semble-t-il tourné dans l’affaire KB9. Pire, à la veille de l’annonce de la liste de Deschamps pour les prochains matchs qualificatifs des Bleus, Rim-K semble ne jamais avoir été aussi proche de revenir. A tour de rôle, Le Graet et Deschamps sont sortis de leur silence, en laissant tous deux la porte ouverte. Mais ce qui a le plus changé, c’est le comportement de KB9 himself. S’il a longtemps pris le parti du « je n’ai rien à prouver », sa communication s’est récemment adoucie, et il affiche aujourd’hui sa volonté de revenir et son amour du pays.

Depuis, deux clans s’affrontent : les anti-Benzema, et la #TeamMaîtreChanteur. A coup d’arguments plus ou moins imparables, tous s’affrontent pour défendre leur camp.

Ce qui peut lui être reproché aujourd’hui

Non, Karim Benzema n’est pas un saint. Oui, Karim Benzema écoute du rap, se tape des poufs et est le prototype du footballeur businessman, un peu bling bling. Oui, Karim Benzema fait partie de la génération 87, la génération sacrifiée comme disait son ex frérot Rohff. Karim, tout comme Hatem, Samir et Jérémy n’a jamais trouvé sa place dans ce système médiatico-sportif. Non, Karim Benzema ne sourit pas toujours, et ne semble pas toujours heureux de jouer le Liechtenstein et Andorre en amical sous le maillot bleu. Oui, Karim Benzema a connu une longue traversée du désert avec l’équipe de France, sans but ni joie. C’est objectivement à peu près tout ce qui est irréfutable.

Ce que la doxa lui reproche

Aujourd’hui, Karim Benzema paie ses erreurs. Il paie ses frasques, de l’affaire Zahia à l’affaire Valbuena, en passant par celle du prétendu crachat pendant la Marseillaise ou encore de ses déclarations sur l’Algérie, « son pays de coeur », comparé avec la France, « son pays de carrière ». Benzema paie aussi Knysna, lui qui n’y était pas, en tant que dommage collatéral d’aînés dont l’exemplarité fut mis à mal.

Aussi, dans un climat social tendu, le football est plus que jamais l’opium du peuple. On l’a vu au travers de l’Euro 2016 ; la France, la vraie, la cosmopolite, s’est retrouvée derrière son équipe le temps d’un mois de trêve, de fête et de ferveur. Il n’y a qu’une fine frontière à traverser pour dire qu’aujourd’hui plus que jamais « il y a 60 millions de sélectionneurs en France ». Alors, il faut certes tempérer ces propos, mais le peuple, avec l’aide des médias, peut, de nos jours, stopper des carrières bien plus vite que ne peut le faire Booba.

C’est tout ça que paie Benzema. Un mélange d’erreurs, de quiproquos, et de faits sociétaux… Des faits qui trouvent parfois leur origine chez le joueur, mais parfois non. C’est en cela que le cas KB9 intrigue.

Ce qui joue en sa faveur

Le talent de Karim Benzema n’est plus à prouver. Le joueur formé à l’OL brille depuis des années à la pointe de l’une des meilleurs équipes du monde. Il enfile les buts, les passes décisives et les trophées plus vite qu’il n’enfile Rihanna et Analicia Chaves. Meilleur buteur français de l’histoire de la Ligue des Champions, il est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs attaquants que la France ait porté, et son manque d’estime n’a d’égale que son absence de poids dans la sélection nationale.

Au delà de ces considérations sportives, Benzema jouit d’un soutien de poids, que peu de joueurs au Monde peuvent se targuer d’avoir : Zizou ! Le crâne chauve le plus puissant du game est en effet un ferveur admirateur de Benzou. Pire, KB9 dit souvent de lui que Zidane est son grand frère. Et quand Zidane prend le micro et appelle Deschamps à sélectionner Karim, forcément ça pèse…

Le groupe France / La concurrence

On touche ici à un des nombreux nœuds du problème, et peut-être l’un des plus importants. Benzema n’était pas à l’Euro. Benzema ne fait donc pas partie du socle de joueurs qui s’est soudé sur les routes françaises l’été dernier. S’il est reconnu à sa juste valeur dans le vestiaire, il n’y est pas forcément apprécié de tous. Et ça, ça peut jouer …

Concernant la concurrence à son niveau intrinsèque, on serait presque tenté de dire que sportivement elle n’existe pas, ou très peu. Détaillons malgré tout :

  • Olivier Giroud : titulaire indiscutable en Bleu, où il brille (toujours à relativiser contre les plus grands). Moins en vue à Arsenal où il semble distancé par à peu près toute la hiérarchie des attaquants, des pros aux U15.
  • Alexandre Lacazette : peu appelé ces derniers temps, il devrait retrouver les Bleus, et pourquoi pas une place de titulaire où sa complémentarité avec Griezmann pourrait faire des dégâts.
  • Kévin Gameiro : de retour au premier plan avec l’Atletico, il a pour lui sa complicité avec Griezmann.
  • André-Pierre Gignac : porté disparu.
  • Kyliann Mbappé : étincelant, un potentiel rarement vu ces dernières années. Le possible 9 du futur. Pas du présent.
  • Moussa Dembelé : grand espoir, jamais appelé, et dont on ne sait pas exactement à quel niveau sa cote de popularité se situe aux yeux de Deschamps.

Que ce soit en matière de profil ou de talent pur, et en mettant de côté l’aspect extra-sportif (qui conditionne aujourd’hui à presque 60-70% une sélection), il est plutôt évident que Benzema peut réintégrer l’Equipe de France.

Parole au sélectionneur

Karim Benzema va t-il un jour réintégrer l’Equipe de France ? Karim Benzema va t-il, dès demain, réintégrer l’Equipe de France ? Ces questions, sur les lèvres des 60M de sélectionneurs, trouveront paradoxalement leur réponse dans la bouche de l’homme sans lèvres, Didier Deschamps. Il est la clé de voûte de tout cet imbroglio. Lui et lui seul. Si on savait Le Graet embêté par la situation, Deschamps lui n’a jamais véritablement semblé gêné. Mieux, elle lui enlevait une épine du pied, tant Benzema semble haï du peuple français.

Deschamps est aujourd’hui un politicien du ballon. Parfois orienté dans ses choix par le marionnettiste du football français Jean-Pierre Bernès, l’ex capitaine des Bleus mène une vie paisible, entre choix faciles et bouclier « c’est pour le bien du groupe ». De par sa stature, de par son talent, de par ses compétences, aucun de ses choix ne sera jamais véritablement discuté. Deschamps le sait, et Deschamps en joue. Pas question ici de tirer à boulets rouges sur une des légendes du football français, un entraîneur touché par la grâce et qui gagne (presque) partout où il passe. Mais il doit être signalé qu’un retour de Benzema remettrait un peu de polémique là où Deschamps aime la sérénité.

Choix compliqué. Le retour de Benzema fragiliserait Deschamps. Tant sur le fond (aveu d’impuissance sportif) que sur la forme (perte de crédibilité). Choix qui, en plus, serait incompris et boudé par une grande partie de la population. Quand on sait l’amour que porte Deschamps aux sondages, aux cotes de popularité et à l’image, difficile de le voir se jeter dans la gueule du loup, sans garantie.

Deschamps n’a que faire de la #TeamMaîtreChanteur, Deschamps n’a que faire des lacunes de Giroud, du statut sportif de Benzema. Ce qui compte pour la Dèche, c’est gagner, asseoir encore un peu plus son poids dans l’histoire du foot français. Ça passera par une grande performance à la Coupe du Monde 2018, où le niveau sera plus relevé et le contexte plus hostile qu’à l’Euro 2016. Deschamps le sait mieux que personne. A lui de voir s’il pense Benzema capable de faire tourner le destin des Bleus, comme il a pu le faire au retour contre l’Ukraine.

Crédits photos : Valéry Hache

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