L’attente, l’espérance, la déception, l’indifférence, puis la renaissance de l’espoir. Un véritable cercle vicieux. Pourtant personne n’a songé à baisser les bras, la passion reste brûlante, incandescente. A l’image du bleu au milieu des flammes. Toute cette chaleur permet d’unir un peuple qui, en dépit des épreuves, continue de crier son amour sur tous les toits. Cet amour pur ne s’est jamais dégradé, Gelsenkirchen respire le football, et rien d’autre. Sans ces dizaines d’années passées à travailler dans les mines où la fraternité était on ne peut plus présente, tout aurait été différent aujourd’hui, mais ce passé est bien là, ancré en eux. Il coule dans leurs veines ainsi que dans celles de leur club. Schalke 04 c’est tout ça à la fois, une vaste famille qui n’en finit plus de lutter.
Aujourd’hui, il faut reprendre la marche vers l’avant afin de revenir titiller les sommets. Cette malchance persistante doit être exorcisée. Il faut à tout prix passer au-dessus de cette instabilité latente, qui rend impossible l’installation dans la durée. Tout le monde sait que les montagnes russes ne sont pas forcément bonnes pour le cœur.
Depuis 2002, les entraîneurs se succèdent à la chaine. On est pratiquement à un par an, ce qui provoque donc une perte d’argent à chaque fois puisqu’il faut bien indemniser ceux dont le contrat a été terminé prématurément. Des sommes qui auraient pu être investies lors du mercato afin de remplacer des postes clés. Encore cet été, Markus Weinzierl a été licencié et remplacé par Dominico Tedesco, débauché de Aue.
Toutefois l’arrivée du jeune entraîneur peut apporter cette fameuse stabilité qui fait tant défaut aux Königsblauen. Avec ses idées modernes, proches de celles de Nagelsemann, l’Italien pourrait faire souffler un véritable vent de fraîcheur sur le football allemand. Lors de sa première – très courte expérience – en 2. Bundesliga il est parvenu à redonner des couleurs à une équipe en grande souffrance. Une véritable cohésion est apparue, défensivement des progrès notables ont été faits tout comme dans les autres secteurs de jeu. Chose qui n’était pas gagnée au vu de l’effectif qu’il avait à sa disposition. En ayant maintenant un groupe supérieur sur le plan qualitatif, il devrait peut-être offrir au public encore un peu plus de spectacle.
Sachant cela, on peut se dire que la direction de Schalke 04 a eu une bonne idée et a pris un risque. Impossible de savoir s’il payera, cependant il faut l’applaudir. Les débuts de cet énième entraîneur n’ont pas tardé à faire parler. En effet, il n’a pas hésité à prendre de suite une décision radicale, que certains considèrent comme une erreur.
Benedikt Höwedes, comme un coup de tonnerre, a perdu le brassard de capitaine au profit de Ralf Rährmann, autre amoureux du club. Ca n’a pas franchement plu à celui qui est au club depuis 2001 puisque visiblement, suite à cette décision, les relations entre les deux hommes se sont dégradées, poussant le défenseur expérimenté à faire ses valises pour Turin et la Juventus où il a été prêté. Cette affaire-là a évidemment déplu aux supporters. Sur le plan sportif, pourtant, cette décision semble loin d’être stupide étant donné que le joueur n’est plus au niveau qu’il avait il y a quelques temps et que son temps de jeu tend à réduire. Mais sur le banc et au sein du groupe il s’agit d’un pilier, il fait partie de ces joueurs qui représentent parfaitement l’identité du club. Il faisait office de ciment. De ce fait, le pousser vers la sortie ne semble pas forcément judicieux au vu de l’expérience qu’il apportait sans parler de son aura qui forçait le respect des autres joueurs.
Encore une fois, difficile de savoir si ce choix portera ses fruits mais il est irrémédiable, surtout si la Juventus lève l’option d’achat. Si elle ne le fait pas, il sera difficile de voir les deux hommes collaborer.
Au-delà du choc émotionnel que ce départ a provoqué, il a contribué à dégarnir encore davantage un effectif déjà clairsemé. Les départs ont été largement supérieurs aux arrivées. Domenico Tedesco doit composer avec un groupe de 22 joueurs. Et connaissant le nombre massif de blessures chaque saison, il sera très certainement dans l’obligation de piocher dans la réserve à un moment donné pour faire le nombre. Cet impératif pourrait être bénéfique à certains jeunes joueurs afin de se développer, toutefois avoir un groupe étoffé avec quelques joueurs en plus n’aurait pas fait de mal.
A ce jour, les Knappen restent tout de même compétitifs et peuvent prétendre à terminer dans la partie haute du classement. Avec une formation disposée en 343 ou 352 (ce qui donne cela globalement: Fährmann/Naldo/Kehrer/Nastasic/Oczipka/Goretzka/Bentaleb/Caligiuri/Konoplyanka/Di Santo/Harit), le résultat a été plus ou moins concluant, avec deux belles victoires face au RB Leipzig et au VfB Stuttgart à domicile et une défaite face à Hannover contre qui ils ont fait pâle figure. Rome ne s’est pas construite en un jour ; il est donc nécessaire de leur laisser du temps afin que tout s’organise.
En revanche, si un joueur nous a sauté aux yeux, c’est bel et bien Amine Harit. Tout juste arrivé de Nantes, il n’a vraisemblablement pas eu la moindre difficulté à s’intégrer. Sur les trois premières rencontres, il est sûrement le meilleur élément offensif des Keonigsblauen. Il a mis à l’épreuve les défenses de par ses accélérations et ses dribbles et, bien que tout ne soit pas parfait, ses performances sont toujours impressionnantes. Avec trois passes décisives à son actif, Harit est d’ores et déjà comme un poisson dans l’eau. Avoir un entraîneur qui parle français doit sans aucun doute l’aider à comprendre ce qui lui est demandé lors des matchs. S’il continue à ce rythme, qu’il purifie son jeu, le jeune international marocain va déchaîner les passions.
La composition ne devrait pas vraiment évoluer dans les journées à suivre, à cause de ce qui été évoqué plus haut concernant l’effectif. En défense comme en attaque, il y a très peu de solutions, bien que Breel Embolo fasse enfin son retour d’ici peu après sa grave blessure à la cheville en octobre dernier. Le jeune Suisse devrait être positionné à la pointe de l’attaque, seul. Il n’est pas impossible qu’il soit associé à Guido Burgstaller au cours de la saison, mais de manière occasionnelle surement. C’est au milieu qu’il y a globalement le plus de solutions mais cela reste juste. En somme, heureusement qu’il n’y a aucune compétition européenne à jouer… Il aurait été bien compliqué d’apporter une once de fraîcheur en cours de match ou encore laisser au repos certains joueurs.
Avec ces multiples éléments, délicat de savoir comment se déroulera la saison de Schalke 04. S’ils ont de vrais atouts, il faudra à tout prix en tirer profit afin de revenir sous le feu des projecteurs. L’attente se fait de plus en plus pressante de la part des supporters, et l’exigence et la passion de ces derniers ne faiblit pas. Ils l’ont encore démontré lors de la première journée de Bundesliga durant laquelle la bière a coulé à flot. Une joie folle a envahi les travées de la Veltins Arena, qui a vibré pendant plusieurs heures, grâce à ces 54.000 personnes qui ont eu du mal à prendre congé… Espérons que les murs continuent de trembler encore et encore pour le plaisir de ce peuple.
Crédit photo: Ina Fassbender/dpa