[Tactique] Analyse de Tottenham-Dortmund

En ce mois de septembre, certains sont tristes de la reprise des cours et la fin des vacances d’été. Mais pour d’autres, c’est la joie ultime. Pourquoi ? La Ligue des Champions est de retour !

Après une édition où le Real Madrid a montré toute sa puissance, la saison européenne 2017-2018 ouvre officiellement ses portes, et elle promet d’être alléchante. Le retour de Liverpool, le nouveau standing de Paris, la renaissance du Barça, les arrivants comme Leipzig : tout est fait pour vivre de fortes émotions et des matchs de folie.

Et mercredi soir, on a eu le droit à une rencontre comme on les aime, entre Tottenham et le Borussia Dortmund. Décryptage.   

Les compositions d’équipe :

Des doutes subsistaient quant aux joueurs alignés. Les suspensions ainsi que les blessures auraient pu changer la donne dans la tête des deux entraîneurs.

D’un côté, Pochettino a composé avec l’absence de plusieurs cadres : Rose, Wanyama (blessés), et de Dele Alli, suspendu après son carton rouge reçu contre Genk en Europa League la saison dernière. Malgré tout, le coach argentin dispose d’un effectif de qualité pour potentiellement jouer dans son système préférentiel : le 3-4-3

De l’autre, on retrouve Dortmund qui devait composer sans Reus, Schurrle, Durm, Schmelzer, Guerreiro (blessés), s’ajoutant à l’indisponibilité de Weigl, trop court pour jouer après sa blessure à la cheville. Tout comme pour l’entraîneur de Tottenham, les joueurs à la disposition de Peter Bosz permettent de ne pas chambouler le 4-3-3 cher à l’entraîneur néerlandais.

Dahoud et Kagawa rentrent dans le 11 de départ tout comme Toljan et Yarmolenko, qui connaissent leur première titularisation sous leurs nouvelles couleurs.

Dortmund cueilli à froid dans le premier quart d’heure :

Avant le début de la rencontre, on pouvait se poser une question primordiale concernant l’affrontement tactique supposé rythmer ce match : est-ce que l’équipe de Peter Bosz allait prendre des risques en allant chercher haut son adversaire, comme depuis le début de saison ?

Sur la pelouse de Wembley, les Allemands n’ont pas attendu plus longtemps que le coup d’envoi pour afficher leurs intentions : les joueurs ont mis en place un pressing très haut, pour empêcher la première relance londonienne de se mettre en place.

Les joueurs de Bosz ont adapté leur système selon les séquences de jeu, avec le dézonage des milieux de terrains allemands sur les deux autres milieux adverses lors de leurs phases d’attaque placée.

A l’instar d’une équipe comme Everton, l’idée de Dortmund était d’obliger les Spurs à forcer sur les longs ballons et de les empêcher de jouer court.

Lors des 15 premières minutes, les Jaune et Noir ont réussi à mettre leur idée de jeu en place et les statistiques confirment cela.

Les anglais ont dû allonger le jeu 19 fois durant cette période, et 18 de leurs ballons viennent du back 5 plus Lloris.

Si Dortmund pousse son adversaire à jouer long et l’empêche de poser le ballon pour relancer court, les Allemands se trouvent dans l’obligation de gagner les duels aériens afin de récupérer le ballon. Un pressing sans gagner le ballon, c’est une perte inutile d’énergie ainsi qu’une prise de risque qui peut coûter très cher…

Sur cette séquence, on voit clairement le souci que Dortmund a rencontré en arrivant avec un plan aussi ambitieux. Les joueurs mettent un pressing en place dès la perte de balle de Piszczek, amenant une zone où les joueurs de Dortmund sont 4 dans un petit espace. Pour y répondre, Pochettino a demandé à ses joueurs d’apporter une supériorité sur le côté, où ce genre de situation arrive.

Et avec les qualités techniques intrinsèques de Kane, Son et Eriksen face au jeu, les décalages ont profité ce soir-là à un Tottenham efficace et réaliste (2 tirs cadrés, 2 buts lors de la première mi-temps).

Malgré tout, les Allemands restent entreprenants :

Ayant concédé l’ouverture du score, Dortmund était dans l’obligation de garder les mêmes intentions de jeu sur le terrain.

Face à un bloc bas et avec une grande densité dans l’axe, les joueurs sur les côtés étaient les principaux artilleurs du jeu allemand. Les titularisations de Yarmolenko et Pulisic se sont révélées déterminantes tant leurs profils sont essentiels pour ce genre de match, grâce notamment à leurs qualités de percussion et de vitesse. Les décalages ont principalement eu lieu par ces deux joueurs, en plus de l’apport des latéraux.

Jouant sur les « faux pieds » des deux ailiers, l’entraîneur néerlandais cherche surtout à créer de la largeur et des décalages, par la qualité de leur pied fort. Lorsqu’ils rentrent dans l’axe, les half-spaces sont exploités par les relayeurs, et la largeur reste prise par les latéraux.

L’action sur ce but est typiquement ce quoi Dortmund aurait dû appuyer : avec la qualité de frappe des deux ailiers, la profondeur et les courses, ils pouvaient se créer plus d’occasions ainsi que des décalages.

Si on remarque les zones d’activité des joueurs excentrés, leurs apports ont été différents. On voit, sur le côté gauche de l’attaque allemande, une hauteur assez remarquable des joueurs ayant dû faire face à un Serge Aurier esseulé par le dézonage de Son dans l’axe. De ce fait, Dortmund a appuyé sur ce côté pour se créer le plus d’opportunités possibles en première période.

Le bloc équipe, qui a toujours voulu rester haut sur le terrain pour coincer les Spurs dans leur camp, a tout de même rencontré des difficultés lorsque la largeur était assez maîtrisée.

Comme face à Fribourg le week-end dernier, les attaques placées allemandes n’ont pas permis de créer des différences à cause de plusieurs aspects.

Premièrement, les joueurs axiaux n’ont pas été assez trouvés entre les lignes pour permettre d’accélérer le jeu.

Avec le contrôle des axiaux anglais, l’interligne n’était pas possible par le déplacement des milieux, cherchant un principe de jeu qu’on a eu l’occasion de voir avec l’Ajax l’année dernière : apporter une densité sur l’un des côtés et chercher le plus rapidement possible l’autre, afin de placer l’ailier dans des conditions idéales pour un 1 contre 1.

Le souci est que le côté droit de l’attaque allemande a causé des difficultés dans l’élaboration du jeu. Souvent délaissés par un apport axial, Yarmolenko et Piszczek ont dû prendre des risques dans leurs combinaisons, et donc provoquer des pertes de balles ou une incapacité à créer le décalage.

L’indisponibilité d’Aubameyang dans le cœur du jeu pour trouver un point d’appui a rendu la tâche encore plus compliquée, car Yarmolenko est un pur gaucher qui aime énormément rentrer sur son pied fort (comme on peut le voir sur le but).

De plus, les Allemands ont rencontré des difficultés sur les initiatives des joueurs avec le ballon. L’entrée de Gonzalo Castro est représentative de ce manque de risque qui transforme un jeu de position assez intéressant en possession stérile avec une succession de passes latérales. La prise de risque des Allemands n’a pas été présente durant le match dès la relance, ces derniers préférant faire bouger le bloc équipe dans la largeur au lieu d’utiliser la profondeur dans le déplacement des Anglais. Si on regarde une nouvelle fois la pass-map, c’est marquant par les passes de Sahin, Toprak et Sokratis… (Weigl et Bartra ont énormément manqué dans ces situations).

Des Anglais très pragmatiques

Wembley était un terrain hanté pour Tottenham depuis la rénovation du White Hart Lane, les hommes de Pochettino y enchaînant des performances et résultats décevants. Mais ce soir, ils ont réalisé une performance de qualité européenne, enfin !

Face à un adversaire qui aime le ballon et adepte du jeu de position, les Spurs avaient besoin d’être solides défensivement pour ne pas subir.

Alignant un système en 5-4-1 sans le ballon, Tottenham avait comme intention de densifier un couloir de jeu direct avec deux milieux axiaux capables de récupérer des ballons, comptant sur une puissance athlétique impressionnante. Face à deux profils plus techniques, cela a facilité la récupération des ballons lors des duels directs entre les milieux (Dier avec 5 interceptions sur 12 au total pour Tottenham).

Sur les côtés, on observe un Eriksen qui fait la navette pour combler le dézonage de Son, et qui permet aux latéraux d’avoir un appui sur les duels, face aux ailiers allemands.

De ce fait, les Anglais se sont retrouvés avec deux joueurs sur le front de leur attaque malgré une possession en faveur de Dortmund. Pochettino a anticipé le fait que la défense serait en difficulté, et qu’une égalité numérique lors de cette séquence de jeu permettrait de créer des différences. Chose faite, à l’image des deux premiers buts lors de la 1ère mi-temps.

En seconde période, le bloc de Tottenham placé aussi bas, a apporté des différences significatives lors des contres attaques. Avec la vitesse de Son et la puissance de Kane, la hauteur de Dortmund a été punie très rapidement par un 3ème but.

Kane, match déclencheur pour l’exposition européenne :

Ce soir là, Tottenham a été très pragmatique, mais il faut particulièrement remercier la star de l’équipe : Harry Kane. Auteur de deux buts et d’une passe décisive, le joueur a été important dans un rôle de soutien à Son.

Très intéressant dos au but, il apporte un appui à Eriksen permettant de faciliter la vision de jeu du joueur. Présent au pressing et au repli défensif, il permet de faire reculer le bloc allemand lors des phases d’attaque placée, et d’aider son bloc équipe à ressortir lors des moments de difficulté.

Dès que Tottenham mettait le pied sur le ballon, il délaissait son rôle d’attaquant de surface pour se retrouver entre les lignes, et créer des décalages intéressants pour ses coéquipiers.

Trêve de parole, voici sa performance en vidéo :

On attendait une performance européenne pour confirmer les attentes placées sur lui, et c’est chose faite. C’est également l’un des attaquants les plus performants en championnat, ce qui lui permet de prétendre à une place de titulaire dans l’un des top clubs européens. Chapeau monsieur.

Conclusion :

Certes, beaucoup de personnes ont pu parler de l’erreur d’arbitrage sur le but d’Aubameyang pour le 2-2. A ce moment de la rencontre, le match bascule peut-être, cependant Tottenham mérite sa victoire. Les joueurs de Pochettino ont paru bien plus solides et efficaces pour cette première sortie européenne de la saison, notamment sur le plan technique et tactique, créant la différence durant la seconde période. Ils se sont aussi montrés réalistes, bien aidés par le manque d’agressivité et la liberté de la défense allemande.

 

Photo credits : Photo Sebastian Frej / ProSportsImages / DPPI

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Le football est une véritable partie d'échec.