Make Pirlo Great Again

En temps normal, les légendes terminent leur carrière en quittant la pelouse sur des standing-ovation. Andrea Pirlo n’a rien fait comme les autres. Le célèbre numéro 21 est rentré durant le temps additionnel de la demi-finale de conférence face au Colombus Crew. A son insu, évidemment, car Patrick Vieira ne compte plus sur lui depuis un moment. Dans l’anonymat le plus total, le milieu des New-York City a tiré sa révérence et n’a pas pu empêcher l’élimination de son équipe. Mais le foot semblait tellement loin pour lui, car avant d’être footballeur, l’Italien est un bon vivant. Terminer au Yankee Stadium semblait être la fin dont il avait toujours rêvé, loin des strass et des paillettes et dans une ville qui lui va comme un gant. Pirlo s’est retiré en ayant tout gagné et avec les compliments du monde du foot.

Pirlo’s Life Matters

Derrière tous ces trophées glanées durant sa carrière se cache un homme différent. Durant 20 ans, les pieds d’Andrea Pirlo ont parlé pour lui. Considéré comme un taiseux, l’enfant de Flero n’a jamais été un grand amoureux des discours, interviews et autres déclarations. Il s’exprime sur le terrain à base de ballons au dessus des défenses, doubles contacts et frappes chirurgicales. Quand Gattuso, Maldini ou Buffon prennent la parole pour motiver les troupes, Pirlo lui montre la voie sur le terrain. « Un leader silencieux » disait Marcelo Lippi. Le taiseux se transformait en véritable tueur au sang froid quand il le fallait. Panenka sur Joe Hart à l’Euro 2012, missile à la 93ème lors du derby de Turin, autre missile face au Ghana en 2006 et surtout le corner sur la tête de Materazzi lors de la  même année.

La pression ne fait pas partie de son vocabulaire, on en vient même à se demander si cet homme n’est pas celui qui dégage le moins d’émotions au monde ? Non, Pirlo n’est pas insensible et il l’a montré dans les bons comme dans les mauvais moments. Ses larmes de joie après la qualification en 2006 l’ont prouvé, comme sa tristesse après la finale perdue face à l’Espagne en 2012. Quand on aborde ce sujet avec lui, il préfère en rire. Il retient surtout sa mocheté sur les photos et que ça l’a conduit à se laisser pousser la barbe. Toujours l’art du contre pied. Avec le temps, le monde du foot a découvert une personnalité aux antipodes de tout ce qu’on pouvait croire. Un gars réservé, pas très émotif mais avec qui on aimerait passer des heures à parler d’art, jeu vidéos ou à faire des conneries.

21 Pirlo.

Mais au final, le football restera l’activité favorite de l’ancien rossonero. Rarement un joueur n’aura aussi bien conjugué élégance et efficacité. Andrea Pirlo, c’est Picasso avec des crampons et un maillot dans le short. Quand nos enfants nous demanderont plus tard ce qu’est un joueur créatif, Pirlo (et Zidane évidemment) sera le premier nom qui nous viendra en tête. Il est peut être le joueur italien le plus fort qu’ait connu notre génération. Si on excepte Del Piero, aucun n’avait son talent. La magie qu’il arrivait à dégager le rendait féerique. Rarement un joueur aussi bas sur le terrain avait autant attiré l’attention. Il était capable de créer une action à base de rien.  On n’est pas surnommé la Fée clochette parce qu’on a simplement les cheveux longs et un coté candide. C’est surtout parce qu’on est capable d’illuminer une grotte avec un simple coup de baguette magique. La grotte, c’était le Milan de Carlo, la Juventus de Conte puis Allegri mais surtout la Squadra Azzura de Marcelo Lippi et Cesare Prandelli. Le fameux numéro 21 était devenu indispensable au rayonnement de chacune de ses équipes. Son influence sur le jeu se ressentait, chaque déplacement, chaque passe, chaque coup d’œil pouvaient apporter le danger. « Pirlo c’est le football » avançait Marchisio.

Avec le temps, l’ancien maître à jouer bianconero a démocratisé la notion de quarter-back dans le foot. Quand on parle de Pirlo, on ne parle plus de regista, de rampe de lancement mais de QB comme au football américain. Car c’est exactement ce qu’il était. Son arrivée à la Juventus et son Euro 2012 va définitivement le cataloguer comme tel. Ses longs ballons vont rentrer dans le panthéon du football, que ce soit pour Vucinic, Lichsteiner, Vidal, Pogba ou Balotelli. Mais pour donner des galettes à ses receveurs, il faut des offensive-line de qualité. Des mecs qui vont courir pour vous protéger et vous ouvrir le champ de vision. Pogba, Vidal, Marchisio, Thiago Motta, De Rossi vont courir pour lui et lui faciliter la vie.

Comme  Roberto Baggio avant lui, Pirlo n’est jamais identifié à un club en particulier. Sil avoue volontiers avoir été tifosi de l’Inter quand il était jeune, aujourd’hui il ne supporte personne en particulier. Ses 10 ans à l’AC Milan ne l’ont pas rendu tifoso pour autant. Les supporters du Diavolo lui ont reproché son départ à la Juve, le manque d’attention pour l’anniversaire des 117 ans du club. Un retour à l’Inter lui avait même traversé l’esprit avant de signer à la Juventus. Mais Pirlo est ainsi, il agit comme il le sent. Il n’oubliera pas de laisser un mot pour le président Berlusconi lorsqu’il a cédé sa place à la présidence de l’AC Milan. Comme Baggio, il a joué chez les trois gros du championnat. Et semble n’avoir dans son cœur que le club de Brescia.

Malheureusement sa carrière se terminera sur des échecs cuisant. Il ne gagnera plus rien sur la scène européenne restant sur deux échecs majeurs durant l’Euro et la Ligue des Champions. Il quittera le continent par la petite porte pour rejoindre les Etats-Unis. Et là encore, une défaite en demi-finale de conférence et en prime, une mise à l’écart logique tant il n’était plus au niveau. La réalité est que Pirlo n’y arrive plus depuis sa dernière saison à la Juventus. Dépassé, il a vu Claudio Marchisio (qui au final, aurait mérité d’être son successeur légitime) devenir un bien meilleur regista que lui. C’est avec une grande humilité que le désormais mythique numéro 21 a pris sa retraite. Un simple post instagram pour remercier son club de New-York, la ville et les supporters. Une fin anonyme pour un joueur grandiose, Ciao Pirlo !

Crédits photos : AFP PHOTO / Marco BERTORELLO

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»