Au milieu de la pléiade de stars de cette équipe brésilienne réunie pour la Coupe du Monde 1970 siégeait un jeune milieu de terrain de 21 ans, jambes longues et chaussettes baissées. Il était celui qui permettait aux artistes de s’exprimer, le maillon sûr de la Seleção. Portrait de Clodoaldo.
On se souvient tous de ce but, le quatrième but de la victoire brésilienne en finale contre l’Italie. Jairzinho reçoit le ballon côté gauche et choisit de repiquer au centre. Il donne le ballon à Pelé qui prend le temps de jauger, à moins qu’il n’ait déjà tout vu… D’un calme apparent et dans un mouvement de hanche, il décale son corps pour servir Carlos Alberto qui arrive comme une furie sur le côté droit. Le défenseur droit brésilien profite de sa vitesse pour frapper à pleine force. La frappe est croisée, rapide et fuyante. Elle est imparable. C’est le dernier but que l’on verra ce jour-là. Le Brésil était trop fort pour cette équipe d’Italie et remporte cette compétition. Mais ce que l’on sait moins c’est qu’au départ du but, dans un mouvement plus brésilien que jamais, le milieu défensif de la Seleção, un certain Clodoaldo, s’amuse de quatre Italiens avant de servir son latéral gauche qui donnera le ballon à Jairzinho. C’est lui qui a joué le rôle d’artiste sur cette action. Quatre joueurs mis dans le vent en enchaînant les feintes et les mouvements de corps. Quatre joueurs humiliés le temps d’une seconde, pour le plus grand plaisir des 107 000 spectateurs présents ce jour-là au Stade Aztèque à Mexico. C’est dans ce genre d’action qu’on repère les grands joueurs, ceux que l’histoire a oublié mais qui ont quelque chose à dire parce qu’ils ont été acteurs des plus grands moments. Clodoaldo n’était pas le plus connu du Brésil 70 mais si Pelé, Tostão, Rivelino et Jairzinho se sont éclatés c’est aussi parce qu’il était là. « Moi, je devais tout le temps rester devant mes quatre défenseurs. Je suis sorti de ma position une seule fois face à l’Uruguay quand j’ai marqué et que Gerson a pris ma position. » confiait-il à SO FOOT en 2014. Une citation qui en dit beaucoup sur l’altruisme avec lequel il a abordé cette compétition, l’altruisme avec lequel il a forgé sa carrière. Une carrière menée avec brio pour l’enfant d’Aracaju, devenu enfant de Santos…
Arrivé dès son enfance dans la ville portuaire, Clodoaldo n’a d’intérêt que pour ses idoles du club de la ville, le Santos FC. Il n’a que neuf ans quand il voit le jeune Pelé s’offrir la Coupe du Monde 1958. A ce moment-là il ne sait pas encore que douze ans plus tard, ils gagneront ensemble une nouvelle Coupe du Monde.
Enfant, Clodoaldo est très vite repéré par les recruteurs de Santos, il intègre les catégories jeunes du club. Il passe son temps à Vila Belmiro, ce petit quartier de la ville qui abrite le stade Urbano Caldeira, le stade du Santos FC. Il faudra attendre 1966 pour voir les débuts de Clodoaldo sous la tunique barrée de noir et de blanc du grand club de la ville. Il n’a alors que 17 ans mais fait déjà ses premiers pas au côté de Pelé. Et l’histoire n’est pas finie. Un an plus tard, il s’installe du haut de ses 18 ans comme un titulaire régulier au club et surtout comme le successeur de Zito, milieu de terrain brésilien qui a tout remporté avec le club et la sélection nationale. A 35 ans, Zito tire sa révérence et laisse la place aux jeunes, un changement que le Santos FC ne regrettera pas tant Clodoaldo va apporter au club. Comme son prédécesseur il va aussi tout gagner, à commencer par le championnat de São Paulo (le championnat brésilien est alors divisé en un championnat par Etat) qu’il remporte en tout cinq fois dans sa carrière. Et le jeune milieu n’a pas envie de s’arrêter là. Son mètre quatre-vingt neuf et sa gestuelle fluide en font un milieu incontournable désormais prêt à rejoindre ses idoles en sélection nationale…
1969 marque un nouveau cap pour Clodoaldo. Il connait sa première sélection en équipe nationale, une équipe dans laquelle il va côtoyer des Tostão, des Rivelino, des Gerson… L’objectif c’est la Coupe du Monde 1970 au Mexique. Les Brésiliens s’y qualifient sans difficulté mais quelques mois avant le début de la compétition, l’ordre politique brésilien bouleverse la sélection en virant l’entraîneur. Le malheureux s’appelle Saldanha et a comme tort d’être un militant du Parti Communiste. Au Brésil, on le sait, le foot est sacré, et cela la politique l’a bien compris. Depuis que le pays est gouverné par une junte militaire, les événements sportifs sont récupérés par le pouvoir pour asseoir sa popularité. La Coupe du Monde 1966 avait été un désastre, et le pouvoir ne veut plus que ça recommence. C’est pourquoi le pouvoir installe Mario Zagallo à la tête de l’équipe nationale. Une décision qui a bien sûr choqué les joueurs mais qu’ils ont acceptée plutôt facilement, Zagallo ayant une bonne image parmi le groupe. Surtout, les joueurs ne veulent pas faire de vagues et n’ont qu’une idée en tête, jouer la Coupe du Monde sans se préoccuper de l’aspect politique qui se cache derrière. Alors le groupe se forme et se prépare très durement pour arriver en pleine forme au Mexique.
La suite de l’histoire est connue de tous. Le Brésil 70 reste comme la meilleure équipe que le pays auriverde a connu. Le football proposé par cette équipe était d’une autre dimension, avec des latéraux offensifs, des attaquants défensifs, une sorte de football total avant l’heure. Et dans le système mis en place, chacun avait un rôle précis, celui de Clodoaldo était d’assurer la première relance, d’assurer l’équilibre de l’équipe pour que, devant lui, les attaquants puissent s’amuser comme ils l’ont fait.