Le 14 janvier, à la fin du match opposant le FC Nantes au Paris Saint Germain, le nom de Diego Carlos résonne dans le monde entier après qu’il a subi une tentative de croche-pied de la part de l’arbitre de la rencontre, Tony Chapron, à la suite d’une bousculade involontaire. Mais si le défenseur brésilien est entré dans l’histoire suite à ce malheureux événement, voilà déjà un an et demi qu’il est bien installé dans le cœur des supporters nantais.
Doucement mais sûrement
Né en 1993 à Barra Bonita, petite ville située dans l’État de Sao Paulo, au sud-est du Brésil, c’est dans le modeste club de l’América FC que le défenseur central va faire ses premiers pas dans un club professionnel lors de la saison 2009-2010 sans toutefois apparaître avec l’équipe première.
Il rejoint ensuite, toujours dans l’État de Sao Paulo, le Desportivo Brasil où il peaufine sa formation et se forge une réputation de défenseur physique et dur sur l’homme. Tout jeune défenseur de 20 ans, il est successivement prêté à Sao Paulo en 2013, à Paulista en 2014 où il jouera son premier match en professionnel, et enfin à Madureira également en 2014 où il terminera avec deux matchs professionnels au compteur. Le début de carrière du jeune brésilien annonce un parcours compliqué, et pourtant, à l’été 2014, les dirigeants portugais d’Estoril, club de première division, décident de recruter Diego Carlos, alors en fin de contrat avec le Desportivo Brasil. Un choix un peu surprenant au vu de son inexpérience.
Dès son arrivée, il est prêté au FC Porto pour évoluer avec l’équipe B, afin de s’adapter au jeu européen et de s’aguerrir aux côtés de joueurs talentueux.
Ses débuts en Europe sont, une nouvelle fois, compliqués, puisque le défenseur brésilien doit attendre la 14ème journée de Ledman Liga Pro (2ème division portugaise) pour effectuer ses premiers pas sous le maillot du FC Porto B. Finalement, Diego Carlos va seulement prendre part à 19 matchs de championnat sur 46 pour sa première saison en Europe. Sa réputation de défenseur dur sur l’homme n’est en rien ébranlée puisqu’il écope de neuf cartons jaunes sur cette saison.
Cependant la première expérience européenne de Diego Carlos semble suffisante pour les dirigeants d’Estoril, qui décident de le conserver pour la saison 2015/2016. Saison qui va marquer un tournant dans la carrière du colosse de Barra Bonita.
Estoril, début du phénomène
C’est très simple, il commence la saison dans la peau d’un titulaire dès la première journée contre Benfica. Il ne quittera ensuite jamais le onze de départ, si ce n’est trois fois pour suspensions, et jouera un total de 31 matchs sur 34 possibles en Liga NOS. Il se mue même en buteur à deux reprises, contre Rio Ave et contre… Porto, son ancien club et ajoute à ses qualités un très bon jeu de tête, tant défensif qu’offensif.
Ces trois matchs de suspensions sont évidemment le seul point noir de la saison du jeune défenseur. Sept cartons jaunes et trois cartons rouges récoltés, on est loin du niveau exceptionnel de Sergio Ramos, mais cette fâcheuse tendance à collectionner les biscottes pourrait refroidir certains dirigeants à l’idée de s’offrir l’imposant (1m85, 79kg) brésilien.
Il est, cependant, un élément essentiel dans la très bonne saison de l’équipe de la ville voisine de Lisbonne, qui terminera la saison à la 8ème place du championnat et qui terminera 6ème meilleure défense, derrière les quatre grands portugais et Arouca.
Au-delà de ses qualités physiques hors-normes, c’est sa sérénité défensive, particulièrement en un contre un, qui impressionne les adeptes du championnat portugais. Peu sont les attaquants voulant se frotter au défenseur brésilien et son nom commence à se faire connaître au-delà des frontières lusitaniennes.
Si bien que, dès l’ouverture du mercato d’été 2016, Diego Carlos débarque chez un octuple champion de France, le FC Nantes, contre 2 millions d’euros.
Nantes : la confirmation
Arrivé dans une défense en plein chantier, après le départ de Papy Djilobodji un an auparavant, la perte de niveau évidente d’Oswaldo Vizcarrondo, et l’échec Lorik Cana, le Brésilien s’impose rapidement comme un titulaire indiscutable tant sous les ordres de René Girard que sous ceux de Sergio Conceição.
Il disputera au total 34 matchs de Ligue 1 pour sa première saison dans l’hexagone, et sa progression durant toute la saison saute aux yeux. Le défenseur brésilien est rapide, puissant, physique, excelle en un contre un et démontre encore un jeu de tête efficace. Il est par conséquent rapidement adopté par le public ligérien.
Encore mieux, les quatre matchs manqués par Diego Carlos sont le fait d’une blessure et non pas de suspensions. Seulement huit cartons jaunes pris tout au long de la saison, le défenseur semble s’être assagi et s’est surtout rapidement adapté au jeu français.
Il marquera de nouveau à deux reprises, face à l’OM pour son premier but en Ligue 1 puis face à Bastia pour arracher le point du nul dans le temps additionnel, histoire de rentrer un peu plus encore dans le cœur des supporters nantais.
Si Nantes termine la saison, sous l’impulsion de Conceição, à une belle 7ème place, les Canaris terminent 14ème défense du championnat, décevant certes, mais surtout logique au vu du début de saison catastrophique des Jaune et Vert.
Preuve de l’importance prise par Diego Carlos au sein de l’effectif nantais : sa valeur marchande. S’il a été acheté 2 millions d’Euros par les dirigeants nantais, le défenseur a vu son prix d’achat être multiplié par 5 selon Transfermakt et il faudrait débourser près de 10 millions d’euros aujourd’hui pour s’attacher ses services. Pas vraiment étonnant au regard de l’inflation des prix sur le marché et du très bon début de saison de l’ancien Portuan.
Une nouvelle saison entamée une nouvelle fois dans la peau d’un titulaire indiscutable et ce malgré l’arrivée de Nicolas Pallois et de Chidozie Awaziem. 20 matchs disputés sur 24 possibles, seulement cinq cartons jaunes reçus, qui lui feront tout de même manquer le match contre Lille ce week-end, et un rouge très controversé reçu contre le Paris Saint Germain.
Il s’est même converti en un bon tireur de coups francs, en atteste son seul but de la saison, marqué dans cet exercice face à Montpellier.
Autre preuve de son importance : mis au repos par Claudio Ranieri lors des deux matchs de Coupe de la Ligue à Tours et de Coupe de France face à Auxerre, il a vu son équipe se faire sortir des deux coupes par deux équipes de Ligue 2, sur le papier inférieures, le tout en encaissant sept buts en deux matchs.
Kaiser Carlos
Depuis le début de la saison, deux images vont venir renforcer l’amour des supporters nantais pour le roc brésilien : bien évidemment, le croche-pied de Tony Chapron, suivi de son injuste expulsion mais surtout, sa force de caractère aperçue lors de la 4ème journée face à l’Olympique de Marseille.
Alors que les Nantais tiennent le 0-0 face au club de Jacques-Henri Eyraud, le Brésilien s’écroule suite à un contact avec un Marseillais et se blesse à l’épaule en retombant. Cela semble grave puisque sa blessure nécessite l’intervention des soigneurs. Le problème ? Claudio Ranieri a déjà effectué ses trois changements après avoir perdu Valentin Rongier, Yacine Bammou et Alexander Kacaniklic sur blessure, et il reste une vingtaine de minutes à jouer sur la pelouse de la Beaujoire.
C’est le bras en écharpe, à la manière de Franz Beckenbauer avec l’Allemagne face à l’Italie en demi-finale du mondial de 1970, que le défenseur fait son retour sur le terrain et termine le match héroïquement et ce malgré de grandes difficultés pour courir. Une image qui démontre toute son abnégation, sa combativité et sa volonté de ne jamais rien lâcher.
Des qualités propres aux plus grands. Et si le FC Nantes est encore 5ème aujourd’hui et 3ème défense du championnat, les performances du Brésilien n’y sont sans doute pas étrangères. Le numéro 3 nantais présente en effet des statistiques solides depuis le début de la saison : trois tacles en moyenne par matchs, un interception, six dégagements, 2,25 duels aériens gagnés, mais surtout seulement 0,4 dribble subi par match, c’est autant que Kamil Glik par exemple et mieux que la charnière Rami – Rolando, qui se font éliminer respectivement en moyenne par un dribble 0,5 fois et 0,8 fois par match.
Pas étonnant donc que le Brésilien intéresse certains clubs européens : cet hiver, le Zénith Saint-Petersbourg s’était renseigné auprès de Waldemar Kita qui avait fixé son prix à 15 millions d’euros, ce qui démontre de la part du président nantais une volonté de garder le plus longtemps possible son jeune défenseur. Deux autres clubs russes et deux clubs turcs s’étaient également informés, sans pour autant formuler d’offres concrètes.
Ce ne serait donc pas une surprise de voir le Brésilien animer le mercato d’été des Nantais, surtout si ces derniers ne parviennent pas à conserver leur 5ème place, sans doute qualificative pour la Ligue Europa en fin de saison.
Seul bémol peut-être, il n’est pas encore un grand adepte de la relance propre, et réussit seulement 72,9 % de ses passes en moyenne. En comparaison avec les tops défenseurs brésiliens de notre championnat, c’est très peu, Thiago Silva a par exemple un pourcentage de réussite de passes de 96,1 %, Marquinhos de 93,7 %, Jemerson de 86,7 % et Dante de 96,4 %. Un axe de progrès important donc pour le Brésilien s’il veut côtoyer le très haut niveau.
En tout cas, si le guerrier nantais continue sur cette voie, il y a fort à parier que l’on entendra parler de Diego Carlos les mercredis soirs sur SFR d’ici quelques années… Et pourquoi pas, surtout s’il progresse dans sa qualité de passe, le voir, après la coupe du monde en Russie (sauf très gros coups durs pour le Brésil ou miracle), porter un tout autre maillot jaune, couleur qui lui va déjà si bien…
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