[Allemagne] Comment Tommy Käßemodel est devenu le pire joueur de FIFA ?

Si par miracle vous avez pris le temps de fouiller dans les tréfonds de la dernière édition de FIFA, vous avez certainement croisé la route de Tommy Käßemodel, joueur de l’Erzgebirge Aue, club de 2. Bundesliga. Mais surtout pire joueur du jeu vidéo. Et si cela peut faire rire à prime abord, son histoire met en lumière une situation complexe vécue par certains clubs allemands.

Un joueur qui n’en est pas un

 

Qui est donc Tommy Käßemodel, homme dont vous n’avez jamais entendu parler, venant d’une petite ville de la Saxe, proche de la frontière avec la République tchèque ? Ce supposé joueur est, en réalité, un intendant du club. Oui. Car sa carrière professionnelle s’est globalement arrêtée en 2012, après son départ de l’Erzgebirge Aue II pour le FC Stollberg (club évoluant en Landesklasse west, sixième échelon du football allemand). Un temps considéré comme un bel espoir en Saxe, il n’a jamais véritablement percé et est rapidement tombé dans l’anonymat. Jusqu’à son retour dans les rangs de Aue en 2016.

Ce retour lui a permis, paradoxalement, de revenir dans la lumière avec justement cette histoire de notations dans le jeu vidéo. Ce triste record a été relayé un peu partout dans les médias et le « joueur-intendant » a eu un bref moment de célébrité, pas forcément bien vécu d’après la direction du club. Compréhensible au vu de l’absurdité de la situation.

 

 

Cela n’est pas une erreur commise par les créateurs du jeu. C’est ce que l’on peut penser à première vue. Puisque du côté de la ligue allemande, Käßemodel est bel et bien répertorié comme étant membre de l’effectif. Tout va bien donc sur le papier. Mais lorsque l’on creuse doucement, l’histoire se révèle être bien moins amusante.

Effectivement, en dehors des chiffres absurdes qui sortent sur FIFA, l’intendant de l’équipe première est en réalité au cœur d’un système particulier, voir même handicapant pour son club. Puisque si celui qui plie les maillots se retrouve à occuper une place de joueur simplement pour faire le nombre, c’est bien qu’il y a une raison. Et cette dernière est assez simple à comprendre.

La règle du « Local player »

 

Si l’Allemand et son club se sont retrouvés dans cette situation complexe et délicate, c’est à cause de la Local player rule (ou Home grown player rule). Cette règle a été mise en place par l’UEFA en 2006 et elle a pris effet très rapidement. Principalement appliquée à la Ligue des champions et à l’Europa League, elle a aussi été instaurée en Allemagne pour les clubs de Bundesliga et 2. Bundesliga.

Ainsi, progressivement entre 2006 et 2009, les clubs concernés ont dû intégrer dans leur effectif au moins quatre, puis six puis huit joueurs formés au club. Et pour corser encore un peu plus la règle ces joueurs-là ont dû être licenciés au moins trois dans le club en question entre leur 15ème et 21ème anniversaire. Ce système a été instauré par l’UEFA dans l’otique de permettre aux jeunes joueurs de se développer, de forcer les clubs à accorder de l’attention aux jeunes de leur région, mais aussi de « ré-établir une identité « locale » chez ces clubs ».

Julian Brandt et Max Meyer.

 

En Allemagne, la DFL a durci cette règle pour les deux premières divisions puisque chaque club doit compter dans ses rangs au moins 12 joueurs allemands sous contrat. Cela a été couplé à la local player rule afin de continuer de développer encore davantage les jeunes joueurs allemands – une stratégie qui va d’ailleurs finir par payer.

De ce fait, depuis 2008/2009 chaque club de Bundesliga et 2. Bundesliga se doit d’avoir dans son effectif au moins huit joueurs locaux et quatre ayant évolué dans un club ou association en Allemagne. La règle se trouve être résolument plus sévère mais cela explique, partiellement, l’incroyable développement de la formation allemande depuis plus de 10 ans maintenant. Privilégier les joueurs du cru, permettre aux jeunes de se développer est sans aucun doute déterminant pour atteindre les sommets.

Tommy Käsemodel. (Crédit photo: faz.net)

 

Toutefois, si pour de nombreux clubs, ces contraintes ne posent pas le moindre problème, pour certains le constat n’est pas le même. En effet, tous les clubs allemands n’ont pas un centre de formation qui fonctionne bien. Comme partout, certains sont à la peine, et c’est notamment le cas de l’Erzgebirge Aue. Et là, vous comprenez sans doute pourquoi Tommy Käßemodel a dû retourner au club qui l’a formé. Il est sous contrat depuis 2016 maintenant, mais ne chausse jamais ses crampons.

Ce dernier a signé simplement pour faire le nombre car si le club ne trouvait pas de solutions, un risque de sanction planait au-dessus de leur tête. Et c’est la seule possibilité qui a été trouvée étant donné que l’Allemand a évolué avec la réserve entre 2007 et 2012, ce qui est suffisant pour atteindre les objectifs fixés pour la DFL. Et cela a été rendu possible par le fait que rien n’interdit à un joueur de ne jamais jouer comme c’est le cas pour Käßemodel que vous ne verrez probablement jamais sur la feuille de match. Lui qui est cantonné au vestiaire.

De ce fait, si cette règle est bien sûr essentielle et précieuse sur de nombreux points, elle s’avère être un véritable handicap pour ceux donc le centre de formation ne rayonne pas. Si pour le moment, Aue est le seul club a avoir dû passer par la case dépannage, il ne serait pas surprenant de voir un tel schéma se reproduire dans d’autres clubs, notamment en seconde division. Là, où, en général les moyens mis dans la formation sont nettement moins conséquents que pour les clubs de l’élite.

 

Crédit photo: fc-erzgebirge.de

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Parle d'Allemagne et de Bundesliga, et c'est à peu près tout.