Après une excellente première partie de saison, l’Inter Milan traverse une inquiétante phase de moins bien avec seulement 15 petits points pris sur 36 possibles depuis décembre de l’année qui vient de s’écouler. Ce qui peut être vu comme un vulgaire coup de mou n’est pas anodin dans le sens où certains signaux rendaient cela prévisible. Décryptage.
Une stratégie de recrutement floue
Sur le plan individuel, il est clair que les joueurs recrutés par l’Inter depuis l’arrivée du nouveau fonds d’investissement indonésien sont loin d’être des peintres. À l’image d’un Cancelo ou d’un Vecino, ce sont des joueurs de qualité qui ont été recrutés notamment cet été, quand le projet a semblé prendre un nouveau virage pour diverses raisons (la concurrence du Milan AC notamment). Ainsi, justement comme leur voisin et rival, les Bianconeri ont accumulé les individualités sans chercher dès la racine un réel plan de jeu, et voilà la source principale du problème. Il suffit de prendre l’exemple de Borja Valero, joueur de grande qualité avec une vista au-dessus de la moyenne, ça ne fait aucun doute, mais qui a de plus en plus de mal en raison d’une absence de complémentarité des joueurs entre eux.
Autre souci, le fait vouloir recruter les hypes du moment sans réfléchir à leur place dans l’effectif. Le cas Dalbert (ex-OGC Nice, latéral gauche) le montre. Alors qu’il devait être titulaire à son arrivée car Santon était jugé trop juste, il n’a jamais eu cet honneur. En première partie de saison, Nagatomo (qui l’eût crû !) l’a plusieurs fois relégué sur le banc des remplaçants avant que D’Ambrosio et Cancelo n’occupent le poste depuis peu. En plus d’être préjudiciable pour le joueur qui aspire, largement à raison, à beaucoup mieux, c’est la consistance de l’effectif qui en souffre et à terme l’ensemble du projet qui va perdre de sa crédibilité.
Dernier point concernant l’aspect purement qualitatif : la gestion des joueurs.
En écho avec le point précédent et le recrutement à la louche, l’impact d’un trop faible turn over (seuls 18 joueurs alternent les places de titulaires) est clairement négatif pour certaines individualités. Comment ne pas penser que la jeune carrière de Dalbert qui semblait prometteuse subit un véritable coup d’arrêt dans cette situation ? De même le transfert de João Mario à West Ham montre une équipe en difficulté quand il s’agit de relancer un joueur de qualité en manque de confiance. Sur ce point, les investissements financiers auront beau être importants, c’est un changement de mentalité au sein du club qu’il est indispensable d’opérer. Cela semble vague car peu de personnes extérieures savent qui est le fautif de cette situation. Loin d’affirmer que Luciano Spalletti est à mettre en cause au sein de l’équipe, on peut néanmoins reconnaître que sa gestion ne favorise pas l’épanouissement de tous les joueurs. Justement, il peut se défendre en rétorquant que la profondeur de banc de l’Inter est extrêmement loin d’être au niveau des grands clubs européens.
Les (trop) rapides limites tactiques
Effectivement, en l’espace d’un mois, le club milanais est passé du jour à la nuit. Le basculement s’est fait un froid samedi de décembre lors duquel l’Inter est littéralement mis en échec avec une défaite 3-1 contre l’Udinese à Giuseppe Meazza. Si l’on observe les statistiques du match, on remarque que malgré ses 26 tirs à 8, l’Inter a quasiment autant d’expected goals que le club d’Udine (1,93 pour l’Inter contre 2,17 pour l’Udinese). Nul besoin d’avoir fait Centrale pour pouvoir en conclure que le résultat du match est lié à un manque d’efficacité criant. Idem face à Sassuolo ou à Genoa. Cela est dû à deux facteurs majeurs qui entrent tous deux dans une forme de fin de cycle -bien qu’il fut court – tactique.
D’abord, la difficulté à entrer dans la surface. Ayant un jeu reposant très largement sur les côtés, l’exploitation de ceux-ci s’est rapidement avéré essentiel au développement du jeu interiste. Avec Perisic à gauche et Candreva à droite, l’Inter semblait relativement bien fourni. Mais le point faible de ces deux ailiers est le fait qu’ils soient trop stéréotypés. Perisic (ailier gauche), lorsqu’il s’approche de la surface, fait quasiment en permanence la même chose : élimination de l’adversaire par un ou deux crochets successifs pour centrer pied gauche. Candreva (ailier droit) préfère quant à lui percuter pour center du droit en bout de course. Lorsque l’on comprend cela, les stopper devient plus facile et c’est exactement ce que font toutes les équipes que l’Inter affronte depuis trois mois. Justement, cela contraint les Milanais à jouer dans l’entrejeu. Ce qui nous amène à la deuxième difficulté du jeu interiste qui est en réalité liée à la première.
Celle-ci repose sur une absence de créativité dans l’axe. L’Inter possède de bons joueurs sur le papier tels Vecino, Brozovic ou Borja Valero qui a déjà été évoqué précédemment. Mais malgré leurs qualités intrinsèques évidentes, le fait d’avoir centré dès l’origine le jeu sur les côtés a tout simplement rendu le milieu végétatif et ce quels que soient les joueurs qui y jouent. Que celui-ci soit constitué de Gagliardini-Vecino-Valero ou encore Valero-Vecino-Brozovic, rien n’y fait tant c’est le concept même d’entrejeu qui semble avoir été rendu amorphe. Encore une fois, ne rejeter la faute que sur Spalletti serait trop manichéen, mais il est clair qu’il a sa part de responsabilité ici. Il n’est pas normal qu’une équipe comme l’Inter Milan, avec les individualités dont elle dispose, souffre d’un manque de créativité au milieu si important. Remédier à cela va être indispensable si le club veut prétendre à mieux. On sent en revanche que l’arrivée de Rafinha Alcantara atteste d’une volonté de s’y atteler. Cependant, c’est encore trop insuffisant car Rafinha n’est rien d’autre qu’un flop et n’a de toute façon pas les épaules pour s’en charger.
Plus qu’un joueur, c’est une nouvelle mentalité de jeu qu’il va falloir adopter.
Photo credits : MARCO BERTORELLO / AFP