[Liga] John Guidetti, entre destin exceptionnel et coups du sort

Le lundi 13 novembre dernier, coup de tonnerre, l’Italie ne participera pas au Mondial suite à son match nul contre la Suède. Les larmes de Gigi Buffon restent pour beaucoup le symbole de cette déconvenue. Sur le banc lors des deux rencontres, John Guidetti devrait faire partie des sélectionnés pour la Russie. A quelques mois du début de la compétition, il est temps de s’intéresser à l’histoire hors du commun de celui que les observateurs considéraient un temps comme le digne héritier de Zlatan Ibrahimovic.

John Alberto Guidetti, d’origines italiennes et brésiliennes du côté de ses grands-parents paternels, né à Stockholm, en Suède commence à jouer au football dans l’un des meilleurs clubs formateurs du pays, l’IF Brommapojkarna. Entre 6 et 10 ans, le jeune suédois évolue donc dans ce club au nom difficile à prononcer. Cependant, il n’aura pas le temps d’y terminer sa formation. La raison ? Son père se voit proposer un poste d’enseignant pour un projet scolaire au… Kenya !

De Stockholm aux bidonvilles de Nairobi

Malgré une différence d’environ 20 degrés et la distance qui le sépare de chez lui, le jeune John s’intègre parfaitement à la culture de son pays d’adoption. Il continue d’y jouer au football, d’abord à l’académie Impala BrommBoys situé dans le bidonville de Kibera, où près d’un million de personnes y vivent (ou survivent…). Membre clé de son équipe, il rejoint cependant le Mathare United, situé dans un autre bidonville de Nairobi dont l’équipe évolue en première division kenyane. Enfin, il connaitra un 3ème club le Ligi Ndogo, situé à deux pas de l’école internationale suédoise de Nairobi.

« Cette période a été très importante pour mon développement, à la fois sur et hors du terrain. J’ai joué au foot pieds nus dans les bidonvilles de Nairobi et je suis entré en contact avec les populations locales et leur culture. J’ai toujours un lien étroit avec le Kenya et à chaque fois que je retourne là-bas, je reçois toujours un accueil chaleureux ».

Guidetti sait ce qu’il veut : devenir le meilleur joueur du monde. Si aujourd’hui on peut affirmer sans trop prendre de risques qu’il ne sera pas l’immense joueur qu’il souhaitait devenir, il reste tout de même un grand homme. Il a lancé sa fondation, la « Guidetti Foundation » pour venir apporter une aide financière, donner des cours et apprendre le foot aux jeunes kenyans. « Avec ma fondation, je fais construire des écoles en Afrique pour que les joueurs reçoivent une éducation en plus du football. À la fin de ma carrière, je veux vivre la moitié du temps là-bas, travailler sur quelque chose qui me plaît vraiment, et aider mon prochain. Pour moi, il y a une vraie différence entre être un bon footballeur et une bonne personne. Si tu es un type sympa, tu es un type sympa. Si tu es un trou du cul, tu es un trou du cul. » (Sofoot)

Un passage éclair à Burnley et des débuts exceptionnels à Rotterdam

Après cinq années passées en Afrique, John Guidetti alors âgé de 14 ans retrouve la Suède, et l’IF Brommapojkarna. Ses efforts pour percer ainsi que ses performances ne laissent pas indifférentes de nombreuses grandes écuries européennes, notamment en Italie où l’Inter, l’AS Roma ou encore la Lazio avaient un œil attentif sur lui. C’est finalement Manchester City en 2008, qui réussira à récupérer le crack dont le recrutement a été facilité par la présence au club de Sven-Göran Eriksson (lui-même suédois) au poste d’entraineur des skyblues. Lors de sa première saison, il inscrit 13 buts en autant de matchs avec les moins de 18 ans de City avant d’être envoyé en prêt dans son club formateur. De retour à Bromma, il se fera remarquer en inscrivant 3 buts et en délivrant 4 passes décisives en seulement 8 matchs. Ses prestations en Suède ont convaincu Roberto Mancini (alors coach des citizens) de lui donner une chance de briller lors du tournoi de présaison aux Etats-Unis, et lors d’un match de Coupe de la Ligue anglaise face à West Brom. En plus de jouer 90 minutes, il sera l’auteur de la passe décisive sur l’unique but de la rencontre. Ce ne sera pas suffisant pour ouvrir la porte des A, alors son club le prête à nouveau mais cette fois à Burnley où il inscrit son premier but en pro.

Longtemps destiné à briller, l’éternel espoir suédois peine aujourd’hui à gratter des minutes dans son club d’Alaves, en Espagne. Avec seulement 2 petites réalisations en une vingtaine de matchs, il est plus que jamais dans le dur. Pourtant, sa carrière professionnelle débutait à merveille ! Après son passage éclair à Burnley, il rejoint le Feyenoord Rotterdam pour un troisième prêt en 2012. Le canonnier de Stockholm y fera ses « vrais » débuts en tant que professionnel et ne tardera pas à se faire adopter par les supporters. Il finira la saison à la 5ème marche du classement des buteurs avec 20 buts en 23 matchs. En plus de ça, il inscrira des triplés face au Vitesse, Twente et… l’Ajax ! Une saison impressionnante pour celui qui découvrait tout juste l’élite. Son éclosion était d’autant plus importante qu’un Euro pointait le bout de son nez à l’issu de la saison, le timing était parfait.

Anniversaire surprise et cadeau empoisonné

« J’allais devenir le plus jeune joueur de l’histoire de la Suède à jouer un Euro, prétendant à débuter chaque rencontre aux côtés d’un grand joueur comme Zlatan Ibrahimovic. Je volais. Tout était génial… »

John Guidetti se souviendra de sa soirée d’anniversaire en avril 2012… Alors au restaurant, le jeune homme ne se sent pas bien et quitte ses proches aux alentours de minuit. Il souffrira de maux de ventre et restera alité une dizaine de jours avant de reprendre l’entrainement. Il se rend alors compte qu’il n’a plus d’équilibre sur sa jambe droite et qu’il ne cesse de tomber après le moindre effort physique. Les médecins lui diagnostiquent une intoxication alimentaire qui n’a pas été soignée correctement. Cette intoxication remonte à cette fameuse soirée au cours de laquelle il aurait mangé un bout de poulet qui contenait une bactérie qui s’est attaqué à son estomac, son système nerveux et provoquant la paralysie de sa jambe.

La guérison prend du temps, sa saison aux Pays-Bas est évidemment terminée et ses espoirs de participer à l’Euro envolés. Le suédois entrevoit le bout du tunnel 8 mois après cette mésaventure, et rejoue enfin avec la réserve de Manchester City. Sa joie est cependant de courte durée puisqu’il devra subir une opération du genou trois mois plus tard. Pour ne rien oublier ce ces deux années de calvaire, il se tatoue les paroles d’une chanson de Tarrus Riley sur le bras : « On pleure tous, mais quand les larmes sèchent, on devient plus fort ». Ces paroles viendront renfoncer sa volonté de revenir à son meilleur niveau et de pouvoir enfin montrer l’étendue de son talent. La saison suivante, son club ne peut toujours lui offrir le temps de jeu dont il a besoin, il part alors une nouvelle fois en prêt à Stoke City. Frustré de ne pas jouer autant qu’il le voudrait, il critique les choix de son coach dans les médias, car si John Guidetti a une caractéristique commune à Zlatan, c’est bien celle de toujours dire ce qu’il pense. Ses sorties médiatiques ne joueront pas en sa faveur, il ne participera qu’à six matchs sans marquer et repartira dans l’anonymat le plus total en fin de saison.

Une pige au Celtic, une célébration dédiée à Kurzawa

Saison 2014/2015, Manuel Pellegrini fait comprendre à Guidetti qu’il ne compte pas sur lui. Le club et le joueur se mettent d’accord avec le Celtic pour un prêt, son cinquième. Il y côtoie notamment Virgil Van Dijk et c’est donc en Ecosse qu’il retrouve le chemin des filets. Auteur d’un début de saison canon avec 6 buts en 9 matchs, l’attaquant crève l’écran. « Marquer devant 50 000 personnes, c’est incroyable ! C’est la meilleure sensation du monde » ! Il sera cependant plus discret par la suite et n’inscrira que 2 autres buts en championnat. La saison s’achèvera finalement sur un bilan mitigé dû à un manque de constance, il n’élève son total « qu’à » 15 buts, mais il remporte tout de même le championnat et la Coupe de la Ligue avec la bande à Scott Brown.

« Avant de le vanner, il faut vraiment être sûr de son coup, sinon il t’assassine. À City, certains lui reprochaient son manque de respect, mais c’est un vrai tendre. John, c’est un acteur : il aime provoquer des émotions chez les autres, parce qu’il est lui-même très émotif. C’est pour ça qu’il invente des choses nouvelles, comme toutes ces célébrations de buts bizarres qu’il répétait parfois à la fin des entraînements ».

Jérémy Helan, à propos de John Guidetti qu’il a côtoyé à City (SoFoot)

Prestations en demi-teinte certes, mais qui lui permettent de retrouver la sélection avec les espoirs. En 2015, il s’envole pour la République Tchèque avec l’Euro en ligne de mire. L’aventure commençait très mal car en plus d’être menés 2 à 0 après le match aller lors des barrages face à la France, les suédois subissent les moqueries du grand Layvin Kurzawa et sa fameuse célébration « main en visière sur le front » ! Les coéquipiers de Guidetti s’accordent tous pour dire qu’au-delà du bon footballeur, il est surtout un grand chambreur. Lors du match retour, lorsqu’Oscar Lewicki marque le but du 4-1 au retour, devinez qui est directement allé provoquer Kurzawa ? John devient un héros dans son pays, la France est éliminée.

Pendant l’Euro, il se fait remarquer sur les terrains : un but face à l’Italie pendant les phases de poule, un autre sur pénalty face au Danemark en demi-finale, et en dehors également en déclarant dans les médias : « Il est temps pour les Danois de rentrer à la maison ! Qu’ils arrêtent de dire qu’il est facile de jouer contre nous alors qu’ils perdent 4 à 1. C’est embarrassant. Nous sommes le meilleur pays nordique. Nous étions totalement supérieurs et nous avons gagné : C’est la pire équipe que nous ayons rencontrée dans cet Euro ! » à l’issu du match. Il inscrit également son pénalty lors de la séance de tirs au but en finale face au Portugal. La Suède l’emporte, Guidetti joue un rôle essentiel et ajoute un nouveau titre à son palmarès.

Un nouveau départ en Espagne, une Coupe du Monde comme objectif

En fin de contrat avec Manchester City, et le Celtic n’ayant pas les moyens de le conserver, la nouvelle superstar suédoise va découvrir une nouvelle équipe et un nouveau championnat. Libre de tout contrat, c’est finalement avec le Celta que va s’engager Guidetti en juillet 2015. A 22 ans, il découvre un 7ème club et ne tarde pas à faire les présentations. Le 23 septembre 2015, le Celta reçoit le Barça pour le compte de la 5ème journée de Liga. Après 12 minutes de jeu, Guidetti inscrit son premier but sous ses nouvelles couleurs, et le match se clôture par une victoire 4 à 1 de son équipe. Ses premiers pas sont remarquables, et les supporters l’apprécient déjà. Plus tard dans la saison, il permet aux siens d’éliminer l’Atletico en Copa del Rey et de se qualifier en demi en envoyant une frappe téléguidée de 25 mètres dans la lucarne. Cette année-là, le Celta se qualifie pour l’Europa League en terminant 6ème de Liga et à titre personnel, John Guidetti termine la saison avec 12 réalisations, 7 en championnat et 5 en coupe. Pour la première fois de sa carrière, il évoluera dans la même équipe pendant deux saisons, mais sa seconde à Vigo est plus délicate. Il participe activement aux bons résultats de son équipe en Ligue Europa, une aventure européenne qui se terminera en demi-finale face à Manchester United, futur vainqueur de la compétition. En championnat, c’est plus compliqué ! Il ne prendra part qu’à 23 matchs, ne dépassant pas les 4 buts.

En manque de temps de jeu au Celta cette saison, la faute à une concurrence forte au poste d’attaquant, John Guidetti fait ses valises et est prêté avec option d’achat au Deportivo Alavés. « C’est l’opportunité qu’il me fallait, et que j’attendais. Je suis très heureux, c’est une des meilleures décisions que j’ai prises ». Malgré ces belles paroles, le suédois ne parvient pas à s’imposer, Alavés est actuellement 16ème de Liga et tout ne se passe pas au mieux. Cependant, il devrait tout de même faire partie des 23 sélectionnés par Janne Andersson pour la prochaine Coupe du Monde. Lorsque l’on regarde son parcours, et d’où il revient, c’est tout le mal que l’on lui souhaite !

Crédits photos : AFP PHOTO / Miguel RIOPA

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