[Portrait] Michael Carrick, oh captain my captain

Trop peu connu, trop peu médiatisé, Michael Carrick ne fait pas figure de grand joueur parmi les stars de Manchester United. Il a pourtant été pendant des années l’un des piliers des Red Devils et notamment durant ces dernières saisons où les résultats n’étaient pas au rendez-vous mais où il a maintenu le club à flot. Sa constance, sa vision du jeu et surtout sa qualité de passe en ont fait un joueur unique qui a sous-tendu le collectif mancunien au milieu du chaos de la Premier League. Les Red Devils ont perdu samedi dernier un leader, tant sur le terrain qu’en dehors, un témoin du Manchester de Ferguson, un irremplaçable de plus. Retour sur la carrière d’un joueur rare.

 

L’enfant de Wallsend

Avant d’enchaîner les passes parfaites, Michael Carrick était comme nous : jeune, passionné, avec un appétit débordant pour les terrains de football. Alors, comme nous, il faisait des matchs de football à cinq dans l’équipe du quartier, le Wallsend Boys Club. Et comme nous, il voulait jouer attaquant pour marquer des buts. Oui mais voilà, Michael est meilleur que nous. Alors, quand il rentre au collège, le football prend une place plus importante dans sa vie. Et le gamin du Nord-Est de l’Angleterre grandit avec l’espoir de devenir un jour footballeur professionnel.

La BBC l’avait repéré dans son émission Live and Kicking. Maillot de Newcastle sur le dos, posters accrochés au mur de sa chambre, Michael a des étoiles pleins les yeux. Le rêve ne fait pourtant que commencer. Il n’a alors que 13 ans. Trois années plus tard, il intègre les catégories jeunes de West Ham, l’histoire est en marche…

CREDITS : ESPN

Michael devient Carrick

Après avoir glané la FA Youth Cup avec les jeunes de West Ham, Michael a envie de passer aux choses sérieuses. Désormais milieu de terrain, il veut s’imposer dans l’entrejeu du club londonien. En juillet 1999, il goûte une première fois au plus haut niveau avec un match de Coupe Intertoto. Mais c’est surtout un mois plus tard, le 28 Août 1999 que l’Angleterre découvre son nouvel enfant prodigue. Entré à la place de Rio Ferdinand, Carrick s’offre ses premières minutes de jeu en Premier League… Une future légende en remplace une autre et la carrière du gamin de Wallsend est parfaitement lancée.

Mais en 2002, après deux titres de Meilleur Jeune de West Ham et un de Meilleur Jeune de Premier League, les ennuis commencent. Les blessures, déjà, qui le privent de la Coupe du Monde 2002 et puis la descente de West Ham en Championship, un pas en arrière dans cette carrière si bien partie. Pourtant Carrick ne désespère pas et profite de ce pas en arrière pour mieux sauter dans le bain des grands clubs anglais. Car après une nouvelle bonne saison en Championship, Carrick est dans le viseur des plus grands clubs du pays, notamment Tottenham où il débarque durant l’été 2004.

Si ses débuts à Tottenham sont compliqués à cause d’un Jacques Santini qui ne comptent pas vraiment sur lui, il prend toute sa mesure avec l’arrivée de Martin Jol chez les Spurs. Au service de Robbie Keane à qui il délivre quelques caviars, Michael Carrick ne tarde pas à séduire la critique. Il faut dire que Carrick est un joueur rare. Il fait partie de cette classe de joueurs capable de réussir plus de 95% de ses passes, ce qui influe directement sur la fluidité des transmissions de l’équipe. Mais au-delà de ses passes, c’est aussi son jeu sans ballon qui en font un joueur hors-pair. À l’instar d’un Sergio Busquets ou d’un Thiago Motta, Michael Carrick permet à toute une équipe de rester équilibrée. Le genre de joueur dont on ne voit pas le travail mais qui pourtant porte une équipe à bout de bras.

Le top player de Manchester

Ce travail de l’ombre, Carrick l’a accompli depuis 2008 à Manchester où il est devenu une pièce maîtresse du onze de Sir Alex Ferguson. Peu en vue, peu décisif, Michael Carrick n’est pas beaucoup remarqué quand l’équipe va bien. Alors entre 2008 et 2013, pendant que Ferguson engloutit quelques derniers titres, les honneurs reviennent aux Rooney, Ronaldo, Berbatov et Nani. Mais après le départ de Ferguson, l’histoire n’est plus la même pour les Red Devils. D’abord Moyes, puis Van Gaal et enfin Mourinho, tous peinent à remonter Manchester United dans le Big Four. Tous, également, ont essayé d’apporter leur touche personnelle à la tactique, au collectif, à la composition…

Rien n’y fait, les meilleurs joueurs restent les valeurs sûres. Et s’il reste peu de monde de l’équipe type de Ferguson, l’un d’eux était jusqu’à aujourd’hui encore là. Michael Carrick, lui-même. Tous ont essayé de s’en passer, tous ont pensé qu’il allait partir à la fin de la saison parce qu’il était trop vieux. Mais il était encore là. Il faut dire que sans Carrick, c’était 47% de victoire en moins pour Manchester. Au milieu des Pogba, Martial et autre Lingard qui peinent à être régulier, Carrick a assuré et a fait en sorte que le bateau ne coule pas. Un rôle de leader, donc, dans un club qui en a vraiment pris conscience l’été dernier lorsque Carrick à été nommé capitaine.

Enfiler le brassard, c’était donc un moindre honneur pour ce joueur qui a tant donné à Manchester, un moindre honneur pour ce métronome si précieux pour le football, un moindre honneur pour ce petit garçon de Wallsend qui a poursuivi ses rêves jusqu’à samedi dernier et cet ultime match dans son théâtre, le théâtre des rêves.

Crédit photo: Oli SCARFF / AFP

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Quand les gens sont d'accords avec moi, j'ai toujours le sentiment que je dois me tromper.