[Coupe du Monde] Pérou : l’ascension continue

Pour la première fois depuis 36 ans, le Pérou s’est enfin qualifié pour une Coupe du Monde. Une consécration pour un pays qui bataille depuis de nombreuses décennies pour se faire une place dans le gratin du football sud-américain. Sous la houlette de Ricardo Gareca, la Blanquiroja s’est enfin installée à la table des meilleures nations du continent mais aussi du Monde. Le Pérou occupe la 11ème place du classement FIFA, devant l’Angleterre, l’Italie, la Colombie ou l’Uruguay, rien que ça.  Une récompense pour une génération qui va rester dans l’histoire du football péruvien.

Une histoire de cycle vertueux

Cette qualification en Coupe du Monde est l’aboutissement d’un long travail. Depuis 2011, la sélection péruvienne enchaîne les bons résultats à l’échelle continentale. Si l’arrivée de Ricardo Gareca a propulsé les Blanquiroja sur la scène internationale, les résultats ne datent pas de 2015, date d’arrivée de l’Argentin. Sous la houlette du célèbre Sergio Markarian, la sélection péruvienne va réussir un exploit. Elle termine à une surprenante troisième place durant la Copa América 2011. Dans une compétition pleine de surprises (un dernier carré sans Argentins ni Brésiliens), les coéquipiers de Paolo Guerrero ont réussi une prouesse qui n’était plus arrivée depuis 1981.

Historiquement, le Pérou est à des années lumières des plus grandes nations sudaméricaines en termes de palmarès. Deux Copa América et quatre participations à la Coupe du Monde plus tard, les voilà de retour. Dans un pays à la passion énorme, la qualification pour l’événement football de l’année a créé un séisme, au sens propre comme figuré. (Une secousse a été ressentie après l’officialisation du billet pour la Russie.)

Malgré une superficie énorme (deux fois plus grande que la France) et 31 millions d’habitants, le Pérou a un vivier très maigre en termes de footballeurs. Claudio Pizarro, Nolberto Solano ou Juan Seminario (buteur de la Fiorentina, du Sporting et du FC Barcelone dans les années 60) sont considérés à juste titre parmi les joueurs les plus talentueux que le pays ait formé et pourtant ils n’ont disputé aucune Coupe du Monde. C’est le mal qui réside dans ce pays, les creux générationnels qui vont gâcher les carrières internationales des cracks. Les plus grandes épopées péruviennes ont eu lieu lorsque la sélection possédait une génération talentueuse avec plusieurs joueurs au dessus de la norme. Ricardo Gareca profite actuellement de l’équipe la plus homogène de l’histoire du Pérou. Un gardiens solide qui évolue au Mexique, une défense relativement expérimentée avec trois joueurs qui dépassent les 60 sélections et qui évoluent dans toute le continent, des milieux talentueux qui se font une réputation en Europe et surtout des noms en attaque.

Cette génération succède à celle des années 70 qui a marqué une belle page du foot péruvien. Allant jusqu’en quart de finale de la Coupe du monde, cette équipe composée en majorité de joueurs locaux et de quelques expatriés en Colombie ou Mexique va mener la sélection à son plus beau parcours sur la scène internationale. La consécration arrivera en 1975 avec la victoire en Copa América face à la Colombie. Une victoire 1-0 grâce à un but de Hugo Sotil, un des plus grands joueurs péruviens de l’histoire. Ce dernier était un des rares joueurs des Blanquirojas à jouer en Europe. Véritable star au FC Barcelone et au Pérou, il sera associé pendant une saison à Johan Cruyff le temps de gagner une Liga. Sa cote de popularité est tellement énorme au Pérou qu’un film lui sera consacré. Malgré un talent énorme,il ne restera que trois saisons au FCB comme Juan Seminario 20 ans plus tôt. Mais l’histoire du football retiendra surtout le duo qu’il formait en sélection avec un autre crack. Teofilo Cubillas était la star de cette équipe championne d’Amérique du Sud en 1975. Véritable légende au FC Porto, il placera le Pérou sur la carte du football mondial en partie grâce à ses nombreuses réalisations. Formé en tant que milieu offensif, le capitaine portista se fait remarquer par son sens du but. Il cumulera 315 buts en 534 matchs dans sa carrière, des chiffres qui font de lui l’un des milieux offensif les plus prolifique de l’histoire. Son duo avec « El Cholo » Sotil va recevoir le surnom élogieux de la « Duplo de Ora »,  le duo en or, rien que ça. Bien avant « El pibe de Oro », ceux qu’on recouvrait d’or étaient péruviens et marchaient en binôme. 36 ans plus tard, une nouvelle doublette va enfin avoir le droit de découvrir les joies de disputer une Coupe du Monde.

Le duo en argent

L’un compte 81 sélections, l’autre seulement 5 de plus. Ils ont débuté en 2003 et 2004 à porter le maillot péruvien. Jefferson Farfan et Paolo Guerrero ont fait fantasmer toute une génération d’amoureux des Blanquirojas. Considérés à juste titre comme les derniers très bons joueurs formés, ils ont porté à bout de bras la sélection. L’histoire devait leur offrir un dernier baroud d’honneur. Les dernières performances en Copa América laissaient présager une dernière surprise pour les deux inséparables. Car ils ne sont plus très jeunes… Agés respectivement de 33 et 34 ans, Farfan et Guerrero sont au crépuscule de leurs carrières. Aujourd’hui au Lokomotiv Moscou et à Flamengo, ils ont eu une carrière à l’image de leur talent, avec des hauts et des bas.

L’Allemagne a accueilli pendant de longues années les deux joueurs historiques. Schalke 04 pendant 7 ans pour Farfan, le Bayern Munich et Hambourg pendant 10 ans pour Guerrero. En marchant sur les pas de leur grand frère Claudio Pizarro, ils ont prouvé aux yeux de l’Europe que le Pérou formait encore des très bons joueurs. Chacun à leurs manières a marqué son club. Par des buts magnifiques, décisifs mais aussi des coups de sang significatifs notamment pour Guerrero sous le maillot du HSV.

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Les deux sont liés jusqu’à ce que la mort les sépare. La qualification pour la Coupe du Monde a été l’accomplissement de 13 ans de carrière au haut niveau. Mais l’histoire est tragique pour le duo et tout le pays. Le buteur du Flamengo Paolo Guerrero ne sera pas de la partie en Russie. Une histoire rocambolesque que seule l’Amérique du Sud peut nous offrir.

Les faits ont lieu après le nul 0-0 du Pérou face à l’Argentine, un match durant lequel le capitaine péruvien a rendu fou son vis-à-vis Nicolas Otamendi. Après le match et un contrôle anti-dopage habituel, l’ancien du Bayern est contrôlé positif à la cocaïne (à la benzoylecgonine plus précisément). Stupéfaction, le joueur crie au complot, il est suspendu 1 an. Mais la fédération portera un recours et aura finalement gain de cause. Après rectification, Guerrero a été contrôlé positif à la feuille de coca qui est souvent utilisée dans le thé en Amérique du Sud. La commission de la FIFA ayant jugé la sanction trop sévère a préféré la réduire. Finalement, l’attaquant de Flamengo sera suspendu 6 mois, loupant les barrages face à la Nouvelle-Zélande…  C’était sans compter sur l’envie du capitaine d’être totalement blanchi. La fédération va saisir le tribunal arbitral du sport, et à la surprise générale le TAS va alourdir la sanction de la rockstar péruvienne. Ce n’est plus 6 mois mais 14 mois de suspension pour l’idole du pays. Une terrible nouvelle pour le pays mais surtout pour lui. Durant le barrage face à l a Nouvelle-Zélande, l’émotion était forte, l’absence du capitaine se faisait sentir.  Un match plein d’émotions pour tout le peuple péruvien et surtout son ami Jefferson Farfan, touché de jouer sans son compère d’attaque.

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Ricardo Garreca se retrouve privé de son buteur et capitaine pour les matchs de préparation. Mais son collectif est assez fort pour passer au dessus de cette épreuve. Dans son 4-4-2 habituel, l’Argentin cherche des solutions pour combler l’absence de sa pièce maîtresse. Un mal pour un bien car d’autres joueurs trouvent leur place dans le XI en attendant. Le jeu reste toujours le même, beaucoup de verticalité, une équipe hybride capable de jouer très haut ou de défendre très bas mais qui reste solidaire. Le dernier match face à la Croatie en amical a prouvé que cette équipe a d’énorme ressources mentales et footballistiques. Dans son style habituel, le Pérou l’a emporté avec un but qui reflète bien son jeu. Maintenant à eux de marquer l’histoire du pays et sortir de cette poule qui semble être ouverte à tous les scénarios.

Photo credits : LUKA GONZALES / AFP

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»