Présent à la Conférence de présentation du dispositif TF1 pour la Coupe du Monde, Bixente Lizarazu a pris du temps pour répondre à nos questions. À quelques jours du départ pour la Russie, le consultant vedette de TF1 revient avec nous sur son métier, l’Equipe de France et le manque de leaders en Bleus.
Vous êtes devenus consultant dès la fin de votre carrière, qu’est ce qui vous plait dans ce métier ?
Ce qui me plait c’est de continuer à parler de foot, de continuer à être dans mon milieu, d’aller voir de beaux matchs, des grandes compétitions. J’ai eu la chance de jouer deux Coupes du Monde, j’ai eu la chance surtout de gagner celle de 98 c’est le graal ultime, tout le monde s’en souvient et jusqu’à la fin de mes jours on m’en parlera. Derrière ça j’ai eu la chance de faire la Coupe du Monde en Afrique du Sud. Je dis « la chance » même si ça a été une catastrophe pour la France. Mais la Coupe du Monde en Afrique du Sud m’a permis à la fois de vivre un moment magique et de découvrir un pays, tout comme la Coupe du Monde au Brésil. Je suis maintenant très curieux de découvrir la Russie. Donc au travers d’une Coupe du Monde où je vais commenter des matchs de très haut niveau, je peux découvrir des pays. Je suis reparti au Brésil suite au mondial pour aller faire un documentaire sur le jujitsu brésilien et j’ai le projet de repartir en Afrique du Sud aussi car c’est un pays sublime. Et la Russie, c’est la deuxième fois que je m’y rends, c’est un pays que l’on connait moins bien mais qui est fascinant et j’ai vraiment hâte d’y être.
On vous voit très complices avec Grégoire Margotton notamment sur les réseaux sociaux, est-ce que vous n’avez pas un peu peur de faire de l’ombre au duo Griezmann-Giroud ? Plus sérieusement à quel point est-ce que la complicité entre un commentateur et un consultant est importante ?
Ah on va les défoncer (rires). La complicité est hyper importante. C’est comme sur le terrain, moi j’avais une complicité extraordinaire sur le terrain à Bordeaux avec Duga et Zizou, à un moment donné ça ne s’explique pas. C’est-à-dire que tu fais l’appel dans le bon tempo, il te donne le ballon dans le bon tempo, tu sais exactement le mouvement qu’il va faire et à quel moment il va te donner le ballon etc. Quand tu commentes des matchs, un duo ne doit pas se marcher sur les pieds. Il faut être fluide et complice. Il faut savoir quelle est la partition de l’autre, savoir comment il joue et s’adapter à lui et vice-versa. C’est vrai qu’avec Grégoire, on a trouvé cela très rapidement. Et on n’essaye pas de prendre plus de place que l’autre, on est chacun dans notre registre et c’est ce qui est très agréable avec lui. En plus de ça, dans la vie de tous les jours on s’amuse, on passe du bon temps. On passe beaucoup de temps ensemble c’est presque 24h/24, on est limite de dormir dans la même chambre hein (rires).
Petite question par rapport à Benjamin Mendy, on sait que vous étiez un grand latéral gauche. Mendy est l’un des meilleurs latéraux français si ce n’est le meilleur mais il revient d’une grosse blessure. Comment voyez-vous sa Coupe du Monde ?
C’est le meilleur, avant sa blessure c’était le meilleur sans discussions. Mais c’est un challenge très compliqué parce que dans 90% des cas ça ne passe pas. Normalement pour ce type de blessure il faut 6/7 mois pour être guéri et 6 mois pour retrouver tes sensations et retrouver tes qualités d’avant. Après, il y a des joueurs qui ont une nature qui leur permet de revenir plus tôt et c’est l’espoir de Didier. Mais je pense que si Didier tente ce pari, c’est parce qu’il considère Benjamin Mendy largement au dessus de la concurrence. Mais la problématique c’est le rythme, la question de savoir s’il va retrouver la même vivacité, la même puissance. Est-ce qu’il va être libéré dans les duels, est ce qu’il va rejouer de façon libre ? Et ça, même un médecin ne peut pas y répondre.
On avait vu avec des joueurs comme Fekir ou Falcao que ça n’avait pas fonctionné…
Oui, il y en a plein pour lesquels ça n’a pas fonctionné comme Falcao et Fekir mais c’est la nature, il n’y a pas de certitudes. Tu as des joueurs qui ont une capacité de récupération qui est bien plus grande que les autres. Mais la tendance aujourd’hui pour une blessure comme celle-la, c’est que dans 90% des cas il te faut un an pour retrouver toutes tes sensations. Didier Deschamps s’est informé très précisément et maintenant il tente le pari.
Qu’est ce qui fait pour vous la force de cette équipe de France ?
La force offensive. Pour moi c’est ça la grande qualité de cette équipe. Avoir des Griezmann, Mbappe, Dembélé même si sa saison est très compliquée et qu’il n’a pas montré ce qu’on espérait. Des joueurs comme Lemar aussi, il y a plein de joueurs offensifs qui sont de grands talents et qui peuvent faire la différence à tout moment. Le seul inconvénient, c’est qu’on est un petit peu déséquilibré. Déjà qu’on a une fébrilité défensive car il y a eu des blessés comme Koscielny ou des joueurs qui reviennent de blessures comme Sidibé et Mendy. Et qu’on avait eu une défense centrale un petit peu inquiétante sur les dernières sorties de l’équipe de France en mars.
Justement, pour Varane et Umtiti ça se passe plutôt bien dans leurs clubs. Varane est devenu un joueur très important aux cotés de Ramos au Real. Est-ce qu’on n’attend pas de lui qu’il s’affirme et qu’il devienne maintenant un leader en équipe de France ?
En fait Varane est à coté de Ramos et Umtiti de Pique qui sont deux tauliers. Ils ont un certain confort dans leur club, ils sont associés à deux tauliers, sauf qu’en Equipe de France c’est à eux d’être les tauliers. Et pour le moment, aucun des deux n’arrive à se révéler comme tel. Mais ce n’est pas évident, tu l’as naturellement ou tu ne l’as pas. Un moment donné, quand tu fais une Coupe du Monde, il y a des leaders qui se révèlent et quand tu fais une Coupe du Monde c’est ton histoire. Tu ne peux pas te comporter comme un enfant, tu dois te comporter comme un adulte et te dire « Putain je joue une Coupe du Monde, c’est notre Coupe du Monde et je prends la responsabilité d’être un leader. » Et donc tu dois te bousculer un petit peu. Il y a plein de façons d’être un leader, un leader c’est pas forcément un gueulard. Un leader doit être intelligent, qu’il réfléchisse. Zizou était un leader technique, Didier Deschamps était un leader tactique et de paroles tout comme Laurent Blanc. Mais il y avait Lilian à droite, moi à gauche, Marcel Desailly, Manu Petit. On était des hommes, des tauliers dans nos clubs, des leaders par des attitudes, par plein de trucs. Pour moi, il faut 6/7 leaders. En défense, au milieu et en attaque. Griezmann, il faut qu’il fasse comme il a fait en finale de l’Europa League, le mec te trouve les solutions. Au milieu de terrain Matuidi, Pogba… Pogba, à un moment donné, il va falloir aussi qu’il montre que l’on peut compter sur lui.
Mais Griezmann et Pogba ont eu une interview dernièrement où ils refusent un peu ce rôle de leader…
Oui mais sur ça ils ont tort. Ils n’ont pas le choix, sauf s’ils considèrent qu’ils ne doivent pas s’accaparer l’histoire. Et s’ils ne s’accaparent pas l’histoire, ils ne seront pas champions du Monde, c’est simple. Un moment donné ils sont Griezmann, ils sont Pogba et il faut qu’ils se bousculent un petit peu. Ils représentent quelque chose dans cette équipe, ils sont leaders techniques. Moi ça me suffit ce que fait Griezmann sur la finale de l’Europa League ou ce qu’il a fait à l’Euro. A un moment donné il te prend le ballon, il te fait la différence et il donne confiance à l’équipe. Pogba à un moment donné, il apporte la maîtrise technique au milieu de terrain, il va mettre une frappe, il va marquer de la tête. Dans son comportement, tu vas voir une forme d’agressivité d’un mec qui en veut. Je ne veux pas voir un Pogba un peu dilettante qui fait un peu trop de fantaisies. Ce sont des attitudes sur le terrain qui font qu’à un moment, tu te dis « Putain, Pogba il est focus la ! ». Il faut que les mecs soient focus et que ça parle aux autres, c’est ça en fait.
Quel est pour vous le gros favori de cette compétition ?
J’ai du mal à mettre un seul gros favori. Je vais parler de l’Allemagne, du Brésil et de l’Espagne. Le seul problème de l’Allemagne et de l’Espagne c’est qu’ils ont été un peu rassasiés entre guillemets. Surtout l’Espagne et d’ailleurs c’est pour ça qu’ils ont raté les deux dernières compétitions. Nous c’est ce qu’on a un peu subi en 2002 d’ailleurs. L’Allemagne par contre, même s’ils font demi-finales depuis 2006 ils ont la possibilité de faire le doublé historique. Et le Brésil est plutôt dans une espèce de revanche, ils se sont raté à la maison et la ils ont une équipe qui peut leur permettre de la gagner. Ils sont super armés offensivement, les Coutinho, Gabriel Jesus, Neymar, Firmino. Et ils ont un milieu de terrain qui travaille et qui me fait penser au notre en 98. Des guerriers, des mecs qui défendent comme des malades et ça renforce la défense. Nous en 98 on était fort défensivement parce que devant il y avait Manu Petit et Deschamps et le Brésil ressemble un peu à ça. La seule différence c’est qu’ils ont, ou plutôt ils avaient car il n’y a plus Alves, des latéraux très très très offensifs. Nous on était offensifs mais eux le sont beaucoup plus ce qui fait que ça peut déséquilibrer la défense. Visiblement ils ont trouvé l’équilibre attaque-défense et ils vont être compliqués à jouer.
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