Portugal : un futur plein d’interrogations

Samedi soir dernier, drapeaux portugais de tous horizons, de Pontault-Combault à Lisbonne en passant par Goa et Macao, étaient en berne. Le Portugal vient d’être éliminé de la Coupe du Monde 2018 au stade des huitièmes de finale en n’ayant rien montré, rien prouvé. Plus que de la tristesse, la frustration et la déception parsèment le cœur des 90 millions de supporters lusitaniens à travers le monde. Le Portugal aurait pu et aurait dû faire mieux pour confirmer la victoire de l’Euro 2016 en intégrant de nouveaux cadres à l’effectif. La moitié du travail a été fait et nul ne sait encore à quoi va ressembler la Seleção post-Coupe du monde.

La défense, plus grosse incertitude

La défense et notamment la charnière centrale font face à d’importantes difficultés qui ont particulièrement été visibles lors de cette Coupe du monde. Avec une charnière centrale Pepe-Fonte qui culmine à une bagatelle de 34,5 ans de moyenne d’âge qui est donc plus proche de la maison de retraite que du berceau, sa longévité semble trop courte. Bien que Pepe semble conserver un niveau relativement correct, sa situation d’ici deux à trois ans devrait normalement se dégrader. Mais son remplacement sera délicat pour deux raisons. D’abord, Fernando Santos  ne semble pas tellement pressé d’assurer la transition à ce poste, chose qu’il fait pourtant sur les autres postes. Les options en défense centrale sont effectivement relativement restreintes. Rúben Dias, qui a participé au Mondial, est le grand favori pour intégrer cette charnière. Âgé de 21 ans seulement, il a tout pour devenir un grand mais sa chance ne lui a pas encore été donnée en A. La situation se corse lorsque l’on arrive à son compère de charnière. On passera le cas Bruno Alves qui est lui aussi assez âgé. On compte alors des joueurs comme Rúben Vezo ou même le montpelliérain Pedro Mendes qui pourraient éventuellement prétendre à ce poste mais leur niveau reste éloigné de l’échelon international.

Le cas des latéraux est beaucoup moins casse-tête. A gauche, personne ne se dégage vraiment hormis Raphaël Guerreiro, qui a tout de même besoin d’un nouveau train de vie pour se remettre au niveau. A droite, le Portugal a des problèmes de riches avec au moins quatre latéraux de bon niveau (Cancelo, Ricardo Pereira, Semedo, Cédric Soares) mais également des jeunes très prometteurs (Dalot, Pedro Pereira, Duarte). Un article a d’ailleurs été réalisé spécifiquement pour les latéraux droit en sélection portugaise. Pour revenir à droite, si Guerreiro ne parvient toutefois pas à se remettre à son meilleur niveau, les solutions sont également plutôt restreintes. Cancelo a prouvé qu’il pouvait jouer à gauche avec l’Inter Milan la saison dernière mais il jouait donc sur son mauvais pied (puisqu’il est droitier). Là aussi, les autres solutions à gauche n’ont pas tout à fait le niveau international à l’instar de Mário Rui qui n’a encore prouvé l’excellence sur l’ensemble d’une saison ou Kévin Rodrigues qui gravit les échelons trop lentement (depuis 2012, TFC U19 -> TFC B -> Dijon -> Real Sociedad B -> Real Sociedad).

Une animation offensive en suspend

Deux problèmes existent dans le secteur offensif également : le cas Cristiano Ronaldo et l’animation offensive. Concernant Ronaldo, il a affirmé vouloir remporter la Coupe du Monde 2022, il aura donc 37 ans et nul ne sait s’il continuera à performer de la sorte dans quatre ans. Néanmoins, il est le meilleur joueur portugais de l’Histoire et marque environ une fois tous les deux matchs en sélection, ce qui est colossal. Il est donc essentiel au Portugal mais étant donné que le Portugal n’a (logiquement) jamais joué sans CR7, nul ne sait comment jouerait la sélection sans Ronaldo. Le problème peut se poser en revanche quand Ronaldo aura pris de l’âge et voudra, assez légitimement, être titulaire tout le temps même s’il est en perdition. Là sera la difficulté pour le staff portugais car il faudra gérer Cristiano tout en trouvant une meilleure alternative tout aussi efficace.

 

(Image: Getty Images Europe)

 

De même, le Portugal continuera-t-il à deux pointes ? Ou repassera-t-il en 4-3-3 qui produisait un football léché mais finalement peu efficace ? Fernando Santos semble convaincu par ses deux attaquants mais sait-on seulement combien de temps restera-t-il sélectionneur ? Surtout, qui associer dans une attaque à deux ? Toutes ses questions restent à éluder mais il est possible d’y apporter des pistes. Une animation avec deux pointes permet plus de permutations qu’à une pointe et plus de flexibilité tactique mais on peut lui reprocher des carences au milieu. Ce choix dépendra donc du sélectionneur en place mais aussi des joueurs à disposition. Hors Ronaldo, un attaque Guedes-André Silva paraît être une option envisageable car les deux joueurs sont plutôt complémentaires. Cela dit, Guedes peut aussi jouer sur un côté et les options telles que Gelson Martins ou Bernardo Silva se dirigent en faveur d’une seule pointe.

Un système à questionner

Alors que le système mis en place par Fernando Santos lors de l’Euro 2016 qui consistait à défendre bas et jouer sur contre-attaque a été efficace sur cette compétition, ses limites sont apparues au grand jour avec l’élimination face à l’Uruguay. Tel l’arroseur arrosé, la Seleção s’est faite prendre à son propre jeu en affrontant la défense la plus solide de ce Mondial. Le Portugal, fort de ses côtés, décide alors de s’y appuyer tout le long du match, en vain (cf. debrief du match). La solution aurait dû venir de l’axe mais la sélection portugaise a persisté à centrer à tout-va alors que cette méthode était inefficace. Ainsi, utiliser un bloc bas, oui, pourquoi pas. Mais le manque d’adaptabilité de celui-ci a fait défaut au Portugal qui s’est rapidement trouvé sans solution en affrontant son jumeau maléfique.

Même si la question est tabou au Portugal en raison de l’immunité qu’il a acquise à la suite de la victoire de 2016, Fernando Santos serait-il en fin cycle ? En effet, le manque de créativité portugaise sur cette Coupe du Monde est criante. Et si finalement Santos était un entraîneur presque exclusivement fait pour affronter des équipes européennes ? L’Uruguay est effectivement peut-être l’équipe latino-américaine avec ce supplément d’âme et cette force de caractère la plus emblématique du continent. Le Portugal a été pris à son propre jeu : face à un adversaire qui faisait tout comme lui, mais en mieux. La réinvention semble donc l’unique voie qui permettrait à ce Portugal de conserver une place importante dans le football international mondial.

Crédit photo : David Leah / Mexsport

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4-4-2 losange et presunto comme exutoires.