[Equipe de France] Lecomte est bon

Le complot avait assez duré. La méritocratie l’a emporté. Enfin un peu de justice dans ce monde de brutes. Hugo Lloris forfait, Didier Deschamps a fait appel au grand Benjamin Lecomte pour endosser le costume de troisième gardien de l’Équipe de France, derrière Areola et Costil, face à l’Allemagne et aux Pays-Bas. Une première pour le gardien montpelliérain de 27 ans.

La nouvelle a pu en surprendre plus d’un. Il faut dire que depuis dix ans, Hugo Lloris et Steve Mandanda ont joué 130 des 136 matches de l’équipe de France au poste de gardien, ne laissant aux autres gardiens Français que des miettes : trois matchs pour Ruffier, un pour Carrasso, un pour Costil et un jeudi pour Areola. Autant dire que l’on n’a pas l’habitude de voir des petits nouveaux dans les cages tricolores depuis 2008.

Mais en regardant de plus près, ce n’est pas vraiment une surprise de voir le portier de Montpellier avec les Bleus, encore moins pour les puristes de notre belle vieille Ligue 1. Les amateurs du multiplex le connaissent  même très bien. Au fil des saisons, il s’est discrètement imposé comme une valeur sûre de notre championnat (et de ton équipe MPG). N’en déplaise aux footix, les statistiques parlent d’elles-mêmes.

La saison passée, il n’a encaissé que 33 buts permettant à son équipe d’être la deuxième meilleure défense derrière le PSG (29 buts encaissés). Le gardien de la forteresse de la Paillade est d’une régularité sans fin. Il est l’auteur de 16 clean-sheets depuis le début de la saison dernière. Seul Alphonse Areola a fait mieux (17) parmi les gardiens Français des cinq grands championnats. Avec Reynet et Ruffier, il fait logiquement partie des 3 gardiens à minimum 10 matchs joués n’ayant pas commis la moindre erreur amenant à un but en Ligue 1 depuis 2017/2018. Encore plus impressionnant, il a réalisé 450 arrêts depuis sa première saison pleine en Ligue 1 en 2014/2015. C’est plus que tout autre gardien sur la même période. Et comme si on ne pouvait pas se passer de lui, il a disputé l’intégralité des minutes du MHSC et de Lorient depuis la moitié de l’exercice 2016/2017, soit une série de 61 rencontres dans l’élite. Respect.

Passé par les sélections jeunes (U18, U19 et U20) et après plusieurs pré-sélections restées sans suite, cette convocation chez les A est une évidence pour son club. Les appels du pied de son entraîneur, Michel Der Zakarian ont été entendus par le sélectionneur. « On a un gardien de très, très haut niveau », soulignait-il après la victoire à Reims. Cela a fini par être concluant, au grand bonheur de l’entraîneur des gardiens, Teddy Richert : « Je suis très fier de lui. C’est une belle récompense de son évolution depuis plusieurs années, et je ne parle pas que de ses années à Montpellier car ce serait faire preuve de malhonnêteté. Pour le club, c’est très bien, c’est une preuve qu’on bosse bien. »

Décisif, technique, précis dans ses relances, capable de prendre des risques sans se faire peur, excellent dans les airs (numéro un des sorties réussies en L1 après quatre matchs), le garçon ne fait pas tache auprès des champions du monde. Pour atteindre ce niveau, le Parisien de naissance a fait son petit bonhomme de chemin, sans faire de bruit. Une marque de caractère sans doute.

Joueur de champ (milieu de terrain axial ou défenseur) jusqu’à l’âge de quatorze ans, Lecomte ne s’est révélé que tardivement au poste de gardien. Là encore, celui-ci a profité de la blessure d’un gardien pour participer au stage probatoire de l’INF Clairefontaine (mais il ne sera finalement pas retenu). Formé aux Chamois Niortais, il rejoint le FC Lorient en 2009 et se positionne comme doublure de Fabien Audard. Pendant trois saisons, le jeune portier va vivre dans l’ombre de ce dernier, avant d’être prêté à Dijon, alors en Ligue 2, pour la saison 2013-2014. C’est durant cet exercice qu’il va s’illustrer et attirer l’attention des formations de l’élite, disputant 31 matchs de championnat pour seulement 26 buts encaissés. Il réussira notamment à garder sa cage inviolée 14 fois, envoyant un signal fort à l’entraîneur de Lorient, Sylvain Ripoll.

À l’intersaison suivante, le coach breton le récupère et devient titulaire dans les filets des Merlus. Pour trois saisons pleines en Ligue 1. La dernière se terminant par la descente en Ligue 2, Lecomte décide de mettre le cap au sud, direction l’Hérault, pour succéder à Geoffrey Jourdren parti à Nancy. Un challenge plus relevé qu’il n’y paraît car depuis une décennie le club fait confiance aux gardiens du cru. Pour autant, le gardien devient très vite le dernier rempart quasi-imprenable et ce, malgré une dixième place en championnat. Il éblouit de nouveau, jouant l’intégralité des 38 journées de Ligue 1, pour 33 buts encaissés et 14 « clean-sheets ». Il sera également le portier le plus sollicité, réalisant 218 arrêts dans la saison.

Depuis le début de cet exercice, Benjamin Lecomte est reparti sur les mêmes bases, disputant quatre rencontres pour trois buts encaissés et deux matchs où il n’a pas été battu. Cette convocation est donc arrivée comme une belle reconnaissance des prestations du joueur. Les chances de le voir perdurer chez les Bleus et de se faire une place dans la hiérarchie restent infimes. Mais si Hugo Lloris (31 ans) a encore quelques beaux jours devant lui, Steve Mandanda (33 ans) enchaîne les blessures et Benoît Costil (31 ans) n’est pas forcément étincelant chez les Girondins. Reste également à savoir si Alphonse Areola (25 ans) parviendra à s’imposer comme le numéro un au PSG (et s’il continue sur sa lancée, après ce gros match face à l’Allemagne). L’hypothèse n’est donc pas fermée. Surtout quand on sait que tout va (très) rapidement dans le football et qu’un concours de circonstances est vite arrivé.

 

Crédit photo: FRANCK FIFE / AFP

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