[EDITO] Les ultras ne périront pas

Ce week-end de football fut marqué par de nombreux événements. Le PSG a glané sa 10ème victoire en 10 matchs, Titi Henry a démarré bien mal sa carrière de coach et l’OM a gagné en ne cadrant qu’une seule frappe face à Nice. Mais le principal événement fut la grève des chants par le mouvement ultras. Un peu partout en France, les supporters ont répondu à l’appel de l’ANS, l’Association Nationale des Supporters qui, mardi dernier, avait lancé un appel à la grève. Le but ? Contester les sanctions collectives, les interdictions de déplacements et les interdictions de stade abusives.

Saison après saison, les ultras défraient la chronique souvent à raison mais parfois à tort. Les ultras ne sont pas encore morts mais on veut leur peau. On les voudrait muets mais ils continuent d’entonner leurs chants. On prête aux ultras une image de criminels néfaste pour le football actuel. Notre pays serait attaqué par une horde de brutes qui prônent la violence. Les stades ne seraient plus que des théâtres de barbarie. Les tribunes, des terrains de jeux pour ces « dégénérés » qui ne sont là que pour perturber une rencontre en mettant le feu à l’enceinte. À en croire la presse ou les médias, le football français vivrait en effet, ses heures les plus sombres à cause de ses supporters engagés.

Que dire des récents événements ? Interdictions de stade et même de déplacements, tribunes fermées, matchs à huis-clos, amendes envers les clubs… On accuse parfois sans réelle preuve et on sanctionne à tout va. Ce n’est un secret pour personne. Nous sommes désormais dans cette politique ultrasécuritaire qui empêche les fans de ballon rond de vivre pleinement de leur passion. Que les responsables des débordements les plus violents ou les gestes les plus révoltants soient sanctionnés en conséquence, cela va de soi. Qu’il faille réformer la politique d’accueil du public pour désamorcer les tensions, c’est ce qu’a fait l’Allemagne avec succès. Mais disperser les ultras, c’est bâillonner les virages et rompre avec ce qu’est avant tout le football et les valeurs qu’il véhicule.

« Ce douzième joueur sait bien que c’est lui qui souffle les vents de ferveur qui poussent le ballon quand celui-ci s’endort, comme les onze autres joueurs savent que jouer sans supporters, c’est comme danser sans musique. » Avec ces mots, Eduardo Galeano, dans son livre « Le football, ombre et lumière » ne capterait-il pas là l’essence même de ce que représentent les ultras ? Au début du siècle, la rivalité entre équipes autant que les paris sportifs étaient déjà prétextes à des échauffourées. Associés à tort à l’apparition de la violence dans les tribunes et aux hooligans, les ultras incarnent à l’origine une contre-culture née dans les années 70 et s’exprimant dans les virages des stades quand les tribunes centrales demeurent parfois éparses, et bien souvent policées. Il y a toujours eu chez les supporters une culture contestataire mais cela ne ferait-il pas partie du football populaire que l’on chérit ?

Le football en tant que sport n’est-il pas un formidable vecteur de lien social dans le sens où il réunit plus qu’il ne détruit ? Les ultras participent bien à la mixité et à la diversité. Qu’ils soient d’origines, de milieux ou d’horizons différents, ils sont tous là pour soutenir leur club et revendiquer leur appartenance, leur identité, leur groupe, leur clan. Malgré les différends qui les opposent, ils sont unis derrière une cause commune, celle de la « liberté pour les ultras ». Ce ne sont pas des hooligans, ils donnent vie au stade et donnent vie au match. Ils sont comme tous les autres, des amoureux de football. Certains ne saisissent pas, mais c’est aussi ça le football. Ils seraient prêts à priver ces ultras, les réprimer à tout prix mais ils ne comprennent pas que sans eux, le football ne serait rien. De Paris à Marseille, les ultras ne périront pas et ils continueront de chanter.

Crédits photos : PHILIPPE DESMAZES / AFP

0