[Interview] Alou Diarra : « À Bordeaux, Marseille était un club contre lequel il ne fallait pas perdre »

Nommé entraîneur adjoint des U19 du RC Lens en août dernier, Alou Diarra continue de diffuser sa passion et son amour pour le football. L’ancien milieu défensif sera également consultant pour France Télévisions cette saison, où il commentera la Coupe de France et la Coupe de la Ligue en compagnie de Kader Boudaoud et Claire Vocquier-Ficot. Ancien capitaine de l’équipe de France (44 sélections) et finaliste du Mondial 2006, À 37 ans, Alou Diarra pose son regard sur une carrière bien remplie, qui l’a emmené en Angleterre (West Ham, Charlton) mais surtout en Ligue 1, avec un titre de champion de France en 2009 chez les Girondins de Bordeaux. Entretien.

Bonjour Alou. Un an après ta retraite, tu t’es reconverti comme entraîneur. Comment cette reconversion est-elle arrivée ?

La formation m’a toujours intéressé. J’ai eu la chance d’avoir une carrière riche et longue. Échanger avec les jeunes joueurs, transmettre mon vécu, mon expérience et mon savoir-faire, je me disais que c’était un juste retour par rapport à tout ce que le football m’a donné. C’était important de transmettre tout cela à des jeunes.

Tu t’es aussi reconverti comme consultant à la télévision. Qu’est-ce qui te plaît dans ce métier ?

Ce sont les coulisses, l’expertise football. Je suis vraiment attaché à tous ces détails avant et après le match qui font que le match est vu différemment. Ce sont des situations que j’ai vécues personnellement. J’essaye de retransmettre cela au public, de communiquer cette approche qu’un joueur ressent, les sentiments qui lui sont procurés après le match mais aussi avant.

Sur le long terme, tu te vois davantage consultant ou entraîneur ?

Je profite des opportunités, je m’épanouis dans les deux. En tant que consultant, j’aime énormément cet échange. Et en tant qu’entraîneur, je me régale tous les jours à échanger avec les jeunes, à les coacher, à leur donner des outils. Surtout que j’ai une bonne génération. Les U19, c’est l’antichambre des professionnels. C’est vraiment une passerelle. C’est très bien pour débuter (une carrière d’entraîneur). Je m’épanouis dans les deux métiers et je profite au maximum.

Au début de ta carrière, tu es rapidement parti au Bayern puis à Liverpool, deux clubs dont tu n’as finalement jamais porté les couleurs en équipe première. Est-ce que tu as des regrets sur cette période ou sur le choix de rejoindre ces clubs aussi vite ?

Le choix de partir à l’étranger n’a pas été évident à gérer. Ça a été ma première expérience à l’étranger. Après, j’évoluais à Louhans-Cuiseaux… Entre Louhans-Cuiseaux et le Bayern Munich, honnêtement, le choix était vite fait. Difficile de dire non, même si j’ai eu l’opportunité de jouer rapidement en Ligue 2 à Louhans-Cuiseaux. Mais pour moi, le départ au Bayern n’a été que positif. Même si je n’ai pas eu la chance d’évoluer en équipe première, ce que j’ai appris là-bas a construit ma carrière. C’est pour ça que je suis très reconnaissant par rapport à ce passage à Munich qui m’a éveillé et qui m’a permis de changer complètement de mentalité par rapport au sport de haut niveau.

En 2011, tu as quitté Bordeaux pour Marseille après 4 saisons sous les couleurs girondines. Est-ce que ça n’a pas été trop difficile malgré la rivalité entre les deux clubs ?

Il y avait une rivalité, mais plutôt du côté girondine. À Marseille, j’ai moins ressenti cette rivalité avec les supporters bordelais. Par contre, à Bordeaux, Marseille était un club contre lequel il ne fallait pas perdre. Les supporters nous l’ont fait comprendre. Je pense que ce choix n’a pas été évident parce que j’ai souvent vécu ce derby en étant du côté des Girondins de Bordeaux. Mais je pense que, même si ça a fait du mal aux supporters parce que j’ai été longtemps capitaine à Bordeaux, ils ont compris que mon choix était strictement sportif. Bordeaux était sur une phase descendante. L’ambition avait changé, l’effectif également. Il était dans une phase de reconstruction. J’avais besoin de continuer à m’épanouir et jouer les grosses compétitions. C’est sûr que j’ai fait un choix par rapport à la Ligue des champions. Mais c’était un choix strictement sportif.

À cette époque, tu portes à plusieurs reprises le brassard de l’équipe de France. Est-ce que ce capitanat reste ta plus grande fierté dans ta carrière de joueur ?

Oui, ça reste une énorme fierté d’être capitaine de l’équipe nationale. Ça fait partie des plus grands moments de ma carrière. C’est une reconnaissance immense d’être capitaine des Bleus. C’est une équipe hyper respectée. Quand je vois tous les joueurs qui sont passés par l’équipe de France, ceux qui ont porté le brassard avant… C’est une énorme fierté.

Tu as un passé important avec les Bleus. Selon toi, qu’est-ce que l’équipe de France avait de plus au Mondial 2018 qu’elle n’avait pas entre 2004 et 2012 ?

Ils ont eu l’efficacité, que ça soit au niveau offensif ou défensif. C’est ce qui nous a manqué en finale de la Coupe du monde 2006. La France a changé de style de jeu sur le Mondial 2018. C’est ce qui a surpris le plus grand nombre d’observateurs, parce que l’équipe de France est habituellement très joueuse grâce à la diversité de joueurs qu’elle possède, avec leurs caractéristiques de vitesse, de puissance, de technique. C’est un jeu attrayant, qu’on aime voir. Finalement, l’équipe de France a carrément changé de style pour être plus efficace, plus pragmatique. Force est de constater que ça a marché, car l’équipe de France a remporté ce Mondial en Russie. Le sélectionneur a tout mis en œuvre pour remporter ce trophée, quitte à changer le style de l’équipe, l’attitude de certains joueurs, créer vraiment une dynamique de groupe au-dessus de toute individualité. Ça a été un choix payant.

On a un réservoir de joueurs, et surtout de milieux de terrain, exceptionnel en France. Est-ce qu’il y a un joueur qui te fait penser à toi quand tu le vois jouer ?

Je penserais plutôt à N’Golo Kanté, qui est un joueur de devoir, un joueur d’ombre qui colmate beaucoup de brèches, qui est très récupérateur, qui a ce sens de l’anticipation. Après, il y a d’autres joueurs qui m’impressionnent comme Ndombélé, Tolisso ou Pogba. Ce sont des joueurs très complets, des milieux de terrain modernes qui savent un petit peu tout faire : récupérer des ballons, organiser, percuter balle au pied, et ils peuvent être de très bons finisseurs. Mais c’est vrai qu’un joueur comme N’Golo Kanté, quand je le vois évoluer, quand je vois son activité sur le terrain… Il répond toujours aux besoins de l’équipe. Ça me rappelle un petit peu le rôle que j’avais chez les Bleus.

Un grand merci à Alou Diarra pour sa gentillesse et sa disponibilité.

Crédit photo :  JEFF PACHOUD / AFP

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