À la mi- saison, Arsenal fait de nouveau peur sur toutes les pelouses d’Angleterre. Une agressivité retrouvée parfaitement incarnée par leur jeune milieu de terrain uruguayen débarqué cet été, Lucas Torreira. Des rives tranquilles du Rio Uruguay à l’ambiance de feu du North London Derby, portrait d’un petit gars qui a tout d’un grand joueur.
Revoilà Arsenal ! A la veille du choc à Anfield face au leader Liverpool, Arsenal se trouve à la 5ème place du classement. Malgré l’écart qui s’est creusé entre les Gunners et la tête du classement, Arsenal reste dans le coup pour une place qualificative pour la prochaine Ligue des Champions. Disons-le clairement, cela faisait bien longtemps que l’on n’avait pas vu des canonniers aussi fringuants. En témoigne leur excellente série de 22 matchs consécutifs sans défaite, qui prit fin dimanche 16 décembre sur la pelouse de Southampton, ou encore leur très belle victoire 4-2 face à Tottenham le 2 décembre dernier.
Mais au-delà des chiffres, c’est bien l’attitude de guerrier des joueurs d’Unai Emery qui contraste avec l’apathie des dernières saisons. Une rage de vaincre éclatante lors de la victoire face à Tottenham et symbolisée par la performance d’un seul homme : Lucas Torreira. Ce jour-là, le petit uruguayen d’un mètre soixante-huit a régné en maitre sur le milieu de terrain. Une performance majuscule couronnée du titre d’homme du match. Remplaçant pendant les cinq premières rencontres de la saison, Torreira est titularisé pour la première fois face à Everton fin septembre. Une place de titulaire qu’il ne lâchera pas et qui coïncide avec la très bonne série de son équipe. Car Lucas n’a jamais été du genre à laisser filer les opportunités, bien au contraire.
Le goût de l’effort
Cette force de caractère sonne comme une évidence aux regards du parcours personnel du joueur. Comme nombre de joueurs sud-américains avant lui, il a dû cravacher pour atteindre le top niveau. Sans doute les efforts consentis pendant une jeunesse plus que modeste l’ont doté d’une détermination sans faille. C’est à Fray Bentos, petite bourgade portuaire logée sur les rives paisibles du Rio Uruguay (province de Rio Negro) que Lucas Sebastian Torreira Di Pascua voit le jour le 11 février 1996. Cinquième enfant d’une fratrie de six, le petit Lucas s’essaye très tôt au football comme tous ses frères et sœurs. Même son père avant lui avait rêvé un jour de devenir footballeur professionnel au Miramar Misiones, un club de la capitale comme le déclare ce dernier dans une interview au journal uruguayen El Observador. À six ans, Lucas admire ses joueurs favoris lors de la Coupe du Monde 2002. Comme beaucoup de petits uruguayens de son âge, il se promet de jouer un jour pour La Celeste, la sélection nationale uruguayenne, raconte-il dans une interview donnée en janvier dernier au journal Ovacion.
Très vite ses parents se rendent compte du potentiel de Lucas. Mais la famille ne roule pas sur l’or, loin de là. À 17 ans, le jeune homme quitte son club du 18 de Enero pour rejoindre les Wanderers de Montevideo. Un départ synonyme de sacrifices tant pour l’adolescent contraint de quitter le domicile familial, que pour ses parents dont les revenus sont trop justes pour financer le rêve de leur enfant. Son père Ricardo cumule alors les jobs et pioche dans les économies familiales pour soutenir son fils : « Avec cet agent, j’obtint la garantie de lui payer un loyer et de le sortir du grenier dans lequel il vivait. J’ai passé deux ans sans profiter de cet argent car le loyer bouffait tout » confie-il à El Observador.
Mais dès son arrivée dans capitale, les choses s’accélèrent. Quelques mois seulement après son arrivée, des recruteurs du club Italien de Pescara viennent faire du repérage et proposent à six garçons de venir faire leurs preuves sur le vieux continent. Lucas n’a encore pris part à aucune rencontre avec son nouveau club qu’il s’envole déjà pour l’Italie. Le jeune homme sera le seul à ne pas rentrer au pays. Sur les bords ensoleillés de la mer Méditerranée, le petit uruguayen fait ses premiers pas sous les ordres de Federico Giampaolo en tant qu’attaquant.
La botte italienne à ses pieds
Ses belles performances ne laissent pas insensible Massimo Oddo, entraineur de l’équipe première de Pescara. Le champion du monde 2006 prend alors une décision déterminante et décide de replacer son jeune espoir au poste de sentinelle. Et le pari s’avère gagnant : le mélange de hargne et de justesse technique qui caractérisent Torreira font merveilles au point que la pépite uruguayenne est très vite comparée à une gloire récente du club, un certain Marco Verratti. Une comparaison que ne réfute pas le principal intéressé selon le site frseriea.com : « Je ne l’ai pas encore rencontré personnellement, mais je l’étudie devant ma télévision et j’essaie de lui voler quelque chose à chaque fois » a-t-il déclaré.
Ses performances en Série B ne passent pas inaperçues. Les observateurs du niveau supérieur s’intéressent très vite à lui, en particulier la Sampdoria de Gênes, dont l’entraineur n’est autre que Marco Giampaolo… le frère de Federico, son coach lors de ses débuts sur les terrains transalpins. En juillet 2015, Lucas signe un contrat avec la Samp qui le prête dans la foulée à Pescara. Une saison plus tard, le jeune joueur n’a que 20 ans quand il débarque en Ligurie et explose aux yeux de la planète football. Ses qualités mentales hors-norme lui permettent de s’imposer très rapidement comme un titulaire indiscutable chez les Blucerchiati. Lucas impressionne aussi de par sa qualité technique : ses pourcentages de passes réussies tournent régulièrement autour des 90%. Il se fend même de quelques jolis buts longues distances grâce à sa belle qualité de frappe. Chez lui en Uruguay, le jeune homme commence à se faire un nom et Oscar Tabarez, l’emblématique sélectionneur de La Celeste le convoque pour la première fois aux côtés des Godin, Suarez et autres Cavani en mars 2018.
Ascension
La suite, vous la connaissez. Torreira est d’abord retenu pour la Coupe du Monde en Russie. Il s’impose dans le onze au fil de la compétition et fait vivre un véritable calvaire à Cristiano Ronaldo en huitième de finale, aux côtes du milieu interiste Matías Vecino. On pensait alors que la pépite de Fray Bentos allait rejoindre ses coéquipiers Gimenez et Godin à l’Atletico de Madrid mais c’est finalement Arsenal qui décrochera le gros lot pour la (modique ?) somme de 30 millions d’euros. Titulaire pour la première fois fin septembre face à Everton, Lucas ne laisse pas passer si belle occasion. Une fois encore, son mental d’acier fait la différence et le nouvel arrivant se réserve une place de choix dans l’entre-jeu des Gunners. Son volume et sa justesse dans le jeu court font des étincelles, tandis que sa complémentarité avec Granit Xhaka saute aux yeux. Nommé homme du match à cinq reprises entre octobre et novembre, dont lors des rencontres face à Tottenham, Manchester United et Liverpool, le milieu de terrain impressionne par sa capacité à élever son niveau de jeu lors des matchs les plus chauds.
Son fighting spirit semble se transmettre au sein d’une formation qui en manquait cruellement ses dernières années. C’est d’ailleurs ce que remarque Gary Neville, consultant sur la BBC : « C’est le joueur dont Arsenal avait besoin depuis cinq ou six ans. Il leur manquait un Petit ou un Vieira, une sorte de présence très forte au milieu. Il a massivement amélioré cette équipe, surtout mentalement » note l’ancien défenseurs des Red Devils. Dans une équipe en reconstruction, le petit taureau du Rio Negro s’affirme de plus en plus comme un leader en puissance. Les supporters des Gunners ont même repris son nom sur l’air d’une chanson dédiée il y a quelques années au boss Patrick Vieira. Une icône que le jeune uruguayen rêve sûrement de tutoyer. Un défi de plus que Lucas Torreira n’a certainement pas peur de relevé. Comme à son habitude.
Crédits photos : Daniel LEAL-OLIVAS / AFP