Thierry Henry a été suspendu de sa fonction d’entraîneur par l’AS Monaco ce jeudi, seulement trois mois après son arrivée aux commandes. Un terrible aveu d’échec pour l’ASM, qui s’est autant trompé que le néo-coach lui-même en se lançant dans un mariage inopportun.
Plus qu’un auteur de talent, Daniel Defoe était un visionnaire en écrivant l’histoire de Robinson Crusoé. A deux détails près : Thierry Henry ne s’est pas échoué sur une île déserte mais sur un rocher, et son exil n’a pas duré 28 ans mais trois mois. Même dans le monde du football, réputé pour tourner à une vitesse folle, il s’agit d’une très courte période. La décision précipitée de l’AS Monaco d’écarter son entraîneur seulement 103 jours après l’avoir engagé témoigne d’un projet mis à mal. Les deux parties se sont trompées sur toute la ligne.
Inexpérience et rupture avec le vestiaire
Un risque mal mesuré. Voilà ce que fut le choix de Thierry Henry de prendre la relève de Leonardo Jardim en Principauté. Bien sûr, il est plus aisé de critiquer après coup. Il n’en reste pas moins que le Français s’est lancé dans une mission corsée, celle de redresser une équipe en crise et en cours de saison. Habituellement, on a tendance à voir des entraîneurs expérimentés de l’opération maintien, ou tout du moins connaisseurs de la Ligue 1, être sélectionnés pour ce genre d’objectif. Mais c’est un néophyte que l’ASM a choisi. «Sa connaissance du football, sa passion du jeu, son exigence du plus haut niveau et son attachement à nos couleurs font de sa nomination une évidence», expliquait alors le vice-président Vadim Vasilyev.
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On ne remet pas en cause les ambitions, notamment dans le jeu, de Thierry Henry. Néanmoins, son absence de pratique laissait songeur quant à ce qu’il pouvait apporter à Monaco. Certains tenteraient de comparer ses débuts à ceux d’un autre champion du monde 98 : Zinédine Zidane au Real Madrid. Sauf que les nuances sont multiples. Zizou connaissait véritablement son club (adjoint d’Ancelotti puis entraîneur de l’équipe réserve), disposait d’une équipe infiniment moins dépendante de son coach et, surtout, savait gérer les hommes.
«Lui, il vaut 10 millions d’euros ?!»
Thierry Henry à propos d’un de ses joueurs en plein match, selon Goal.
C’est là où le bât blesse. D’après Goal, la mise à l’écart d’Henry a été accélérée par son attitude envers les joueurs, jugée désastreuse. «Il y a quelques matches, il s’est écrié : »Lui, il vaut 10 millions d’euros ?! », en parlant d’un joueur qui était sur le terrain», aurait affirmé le proche d’un titulaire monégasque. Une certaine arrogance aurait émané de l’ancien attaquant d’Arsenal, au point d’y voir un changement drastique entre l’homme positif de novembre et celui désemparé de janvier. Cela étant, selon Romain Molina, la direction pourrait avoir été influencée par les cadres du vestiaire qui plaidaient la cause de Leonardo Jardim. Quoi qu’il en soit, il apparaît certain qu’un lien entre Henry et les joueurs s’est rompu.
Une carrière d’entraîneur mise en péril
Il est vrai que les résultats se seront avérés cataclysmiques avec 4 victoires et 11 défaites en 20 matches. En terme de qualité de jeu, les choses semblaient toutefois sur la pente ascendante au fur et à mesure que la saison se déroulait. De plus, Thierry Henry a dû composer avec une hécatombe perpétuelle, ne récupérant son meilleur joueur Rony Lopes qu’en janvier et faisant appel à 43 (!) hommes au total. En Ligue 1, la moyenne n’est que de 25 joueurs. Enfin, l’ambitieux recrutement auquel nous consacrerons un article dans les prochains jours n’a pas eu le temps de porter ses fruits qu’Henry prenait déjà la porte. Ce mercato semblait pourtant correspondre aux désirs du coach. Une nouvelle preuve des turbulences incessantes qui frappent l’ASM.
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Hormis l’installation en défense de Benoît Badiashile (17 ans), Thierry Henry n’aura rien réussi à Monaco. Il n’a pas su relancer Youri Tielemans, n’a pas rafistolé une défense épouvantable (la 19e de Ligue 1) et n’a toujours pas offert aux Rouges et Blancs de victoire à domicile cette saison toutes compétitions confondues. Certes, les circonstances sont atténuantes, mais l’ancien Barcelonais savait parfaitement dans quoi il se lançait. Il est le premier responsable pour avoir mis sa carrière d’entraîneur en péril. Quel club prendrait le risque d’embaucher un homme à l’image écornée et dont ni les méthodes, ni les résultats n’ont convaincu qui que ce soit ? Même en tant que consultant, le crédit d’Henry s’est réduit comme peau de chagrin.
Ainsi, Leonardo Jardim signe son grand retour à l’AS Monaco. Un scénario ubuesque et qui semble difficilement justifiable. Mais regardons les choses sous un autre angle. Le départ d’Henry était devenu inévitable. Et quel entraîneur autre qu’un amoureux du club oserait s’immiscer au milieu d’un tel marasme ? Jardim est probablement un choix par défaut, considéré comme plus puissant que celui de laisser Franck Passi gérer à la fois les jeunes et les stars. La course contre-la-montre débute ce soir (20h) pour le 19eme de Ligue 1, avec le déplacement à Dijon, classé… 18eme.
Crédit photo : OSCAR DEL POZO / AFP