Jason Denayer, un lion prêt à rugir

Voici l’une des révélations de la Ligue des Talents cette saison. Boudé par Pep Guardiola, Jason Denayer s’épanouit aujourd’hui sous les ordres de Bruno « Pep » Genesio. Arrivé cet été pour 6,5 millions d’euros (plus 3,5 millions d’euros de bonus), le défenseur central de 23 ans, s’est rapidement érigé comme le taulier de la défense de l’Olympique Lyonnais. Une revanche pour le Belge que Manchester City a trimbalé ces dernières années dans une série de prêts sans fin, au point de lui coller une étiquette d’éternel espoir à son poste. Retour sur une longue traversée du désert.

La barbe est taillée, les dreads sont soignées et l’allure est décontractée. Derrière ce physique impressionnant (1m84 pour 80 kg), se cache un grand timide qui ne fait pas trop de bruit. Une véritable force tranquille sur comme en dehors du terrain qui, si on le titille un peu, peut vite faire surgir sa férocité, son instinct bestial. Un caractère sans doute forgé par un parcours semé d’embûches et loin d’être des plus classiques. En effet, Jason Denayer n’a que six ans quand il commence à taper dans un ballon. Né d’une mère congolaise à Bruxelles, c’est dans le modeste club du FC Ganshoren situé dans sa commune qu’il commence à faire ses gammes. Doué, le gamin ne tarde pas à être repéré par le grand Sporting d’Anderlecht, toujours à l’affût de la moindre pépite du coin qui pointe le bout de son nez.

Deux ans plus tard, la JMG (Jean-Marc Guillou) Académie est créée et ses différents scouts commencent à faire le tour du pays à la recherche de potentielles recrues. Néanmoins, lors des tests, Denayer ne fait pas sensation et ne convainc pas les observateurs. Mais l’homme est un revanchard dans l’âme alors il ne veut pas rester sur un échec et retente le coup à l’automne 2008. Une seconde chance concluante puisqu’il y restera jusqu’en 2012. Cependant, ce fut une expérience bien particulière pour lui car en réalité, l’Académie ne fonctionne pas du tout comme les centres de formation habituels. Bien que liée au club du Lierse (actuellement en D2 belge), c’est une sorte de sport-étude où les jeunes s’entraînent pieds nus et ne jouent pas de compétition officielle. Bien loin de la course aux statistiques individuelles, la JMG est avant tout basée sur l’aventure humaine, le développement et le plaisir du joueur. Ici, les résultats ne comptent pas. Difficile de se faire remarquer pour le joueur qui évolue à ce moment-là au poste d’attaquant. Or, son gabarit impressionne tellement ses entraîneurs, qu’ils décident de le reconvertir comme défenseur. Denayer a besoin de faire ses preuves, c’est alors qu’il rejoint l’Angleterre pour continuer sa formation au sein de Manchester City.

Les prêts à rallonge : la vie d’étudiant Erasmus

Denayer trouve un point de chute idéal en EDS (Elite Development Squad) sous les ordres de Patrick Vieira et il est même nommé pour le titre de joueur de la saison. Repéré par Manuel Pellegrini, Denayer signe son premier contrat pro en 2013, mais reste une saison supplémentaire chez les Espoirs. Très prometteur, le Bruxellois devient très vite un joueur à polir, mais barré par une concurrence accrue à son poste (Demichelis, Kompany et Mangala), il est prêté pour qu’il puisse engranger de l’expérience. D’abord au Celtic Glasgow en 2014, où il devient très vite indispensable au club écossais : 44 apparitions pour 6 buts, un championnat, une Coupe, et le titre de meilleur jeune du championnat en prime. Pourtant à son retour il n’entre toujours pas dans les plans de l’entraîneur des Citizens. À sa décharge, Nicolás Otamendi vient de débarquer pour 45 millions d’euros afin de sauver une défense en péril. Rebelote, direction la Turquie pour Denayer qui découvre le bouillant Galatasaray. Malheureusement, il est plombé par une blessure mais dispute tout de même 29 rencontres. On ne tarde pas à pousser la comparaison avec Vincent Kompany : le physique, le calme, la relance, l’apport offensif. Toutefois, Pep Guardiola, qui reprend les rênes des Sky Blues à l’été 2016 n’en a que faire du cas Denayer. Ce dernier est envoyé au casse-pipe à Sunderland où il ne peut empêcher le naufrage des siens et la descente en Championship. Il est réexpédié à Galatasaray pour un ultime prêt salvateur qui lui permet de glaner un titre de champion de Turquie.

La désillusion également avec les Diables Rouges

Déjà présent dans les équipes jeunes, Denayer tape dans l’œil de Marc Wilmots. Le sélectionneur belge de l’époque n’hésite pas à l’encenser lors de chaque conférence de presse et l’appelle dès les éliminatoires de l’Euro 2016. Le défenseur central honore sa première titularisation face à l’Israël où il entre en jeu. Il est également titulaire face à l’Equipe de France où il se distingue par une belle prestation. Cette ascension s’écroule lors des quarts de finale de la compétition face au Pays de Galles. Appelé à suppléer Thomas Vermaelen, suspendu, il avait été dépassé par la vivacité des Dragons. Sur le premier but adverse, il oublie Ashley Williams au marquage. Sur le troisième, il est beaucoup trop court face à Samuel Vokes. Une déroute collective symbolisée par des carences individuelles. Quelques semaines plus tard, Marc Wilmots quitte le navire et est remplacé par Roberto Martinez. Le technicien ibérique ne fait plus appel à lui. Quand certains supporters s’offusquent de la non sélection de Radja Nainggolan pour la Coupe du monde, personne d’autre ne pense à Jason Denayer. Il disparaît des radars avant de revenir en grâce en octobre 2018, contre les Pays-Bas face à la pléiade de blessures qui touche la défense belge.

Le roc de l’arrière garde lyonnaise

Dès lors, on comprend bien que les sceptiques étaient nombreux autour du Rhône quand ils l’ont vu débarqué. Sauf que le défenseur a très vite rassuré les incrédules car il est sans doute l’un des Lyonnais les plus constants cette saison. Au sein du championnat français, il s’est imposé comme un défenseur moderne, athlétique, avec un jeu aérien impérial. Bon dans l’engagement, l’international belge l’est également dans la relance. Il n’hésite pas à gagner une dizaine de mètres afin de faire reculer le bloc adverse. L’efficacité est telle que le contraste est d’autant saisissant entre les deux titulaires de la charnière centrale lyonnaise. Quand Marcelo semble à chaque match plus lent, Jason Denayer, préfère se révéler comme un défenseur polyvalent, solide, et doté d’un très bon sens du placement.

Il a très vite conquis le cœur des supporters lyonnais avec cette masterclass lors du derby face à Saint-Étienne en novembre dernier, où le Belge a offert la victoire aux Lyonnais (1-0). Plus récemment, il s’est également démarqué face au PSG. Cette fois-ci, Denayer n’a pas fait trembler les filets, mais il a empêché que ceux d’Anthony Lopes ne tremblent plus d’une fois. En jouant le gardien de but, il a repoussé sur la ligne une frappe d’Ángel Di María déjà, mais il a aussi fait taire Edinson Cavani et Kylian Mbappé en deux vulgaires attaquants de seconde zone. Sorti à l’heure de jeu contre Guingamp vendredi dernier, après avoir ressenti une douleur aux adducteurs, les interrogations demeurent quant à sa titularisation contre le FC Barcelone en huitième de finale de Ligue des Champions. Sa poche sera-t-elle assez large pour accueillir deux attaquants comme Lionel Messi et Luis Suárez ? Ou est-ce que son absence sur le terrain ne sera-t-elle pas préjudiciable pour son équipe ? Réponse ce soir.

Crédits photos : ROMAIN LAFABREGUE / AFP

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