La trêve internationale s’est achevée ce lundi soir pour la Seleção das Quinas après deux matchs nuls frustrants que certains qualifient de « pas mérités » contre l’Ukraine puis la Serbie, respectivement 0-0 et 1-1. Entre les observateurs qui affirment qu’il n’y a pas d’inquiétude à avoir car le Portugal s’est procuré un nombre important d’occasions, et ceux qui appellent à la démission de Fernando Santos, il y a des enseignements à tirer de ces premiers matchs de phase de poules de qualification à l’Euro 2020.
Considérations individuelles
D’abord, cela s’est constaté très clairement sur ces deux matchs, malgré son retour, Cristiano Ronaldo ne peut pas tout faire. Aussi bien contre l’Ukraine où il a pris le jeu à son compte à plusieurs reprises, que contre la Serbie où son absence après sa sortie sur blessure s’est faite sentir, l’on a pu observer que le Portugal était encore relativement dépendant de CR7. Certes, la « Cristiano-dépendance » s’est tout de même affaissée en raison de son absence de huit mois en sélection mais voilà tout de même quasiment trois ans (depuis sa blessure lors de la finale de l’Euro 2016 qui a prouvé qu’il n’était pas indestructible) que le staff de la sélection portugaise sait qu’il va devoir commencer à travailler peu à peu sans lui.
Restons en attaque. Le match contre l’équipe nationale serbe a vu la titularisation de Dyego Sousa (pointe du SC Braga, deuxième meilleur buteur de Liga Nos) aux côtés de Ronaldo. Dans un style un peu à la Giroud, Sousa est une pointe fixe qui sait jouer en déviation et en remise et qui est particulièrement efficace devant le but. Il a cependant montré sur ce match qu’il était beaucoup trop juste techniquement et présentait trop de déchets balle au pied pour jouer à un niveau international. La rentrée d’André Silva à sa place a clairement mis en lumière cela tant le contraste entre les deux joueurs était évident. L’on peut saluer la décision de Fernando Santos de le sélectionner puis de le faire jouer un match officiel pour s’assurer sa présence dans la sélection portugaise (il est binational brésilien). Toutefois, il apparaît que l’on tient là une fausse bonne idée de qualité.
On descend encore d’une ligne avec le milieu et le « meilleur joueur de Premier League » selon Pep Guardiola : Bernardo Silva. Aligné sur les deux matchs ailier droit, il s’est montré sous son meilleur jour lorsqu’il dézonait derrière l’attaquant. Les options sont diverses pour son repositionnement dans l’axe, que ce soit en faisant jouer Gelson Martins à sa place sur l’aile droite, ou tout simplement en remettant en place le fameux 4-4-2 losange victorieux en 2016. En somme, Bernardo doit être positionné dans le cœur du jeu.
Enfin, la défense. Le problème est commun pour la ligne de quatre Cancelo-Pepe-Dias-Guerreiro. Ce problème repose avant tout dans l’anticipation contre des joueurs imprévisibles (notamment les latéraux qui ont peiné en particulier contre la Serbie) ainsi que sur les courses dans le dos qui questionnent de manière presque inquiétante. Est-ce dû à un manque de vitesse ? C’est peu probable. La solution la plus évidente semble donc être le fait que ces quatre joueurs sont moins incités à effectuer ce type d’efforts en club. Cancelo joue face à des blocs très bas en Serie A, Guerreiro est principalement aligné dans une position offensive (presque ailier) à Dortmund, Pepe n’est pas habitué à affronter des attaquants qui viennent le chercher en un-contre-un en Liga Nos en raison de la supériorité du FC Porto et Rúben Dias joue dans un bloc assez haut avec Benfica.
Considérations collectives
Il y a une interrogation majeure quant à cette équipe portugaise : il est toujours difficile de trouver un véritable système de jeu à celle-ci. Il y a une certaine impression de manque de travail, de manque de plan de jeu. La place accordée aux actions individuelles et aux phases de jeu basiques voire primaires comme les dédoublements-centres est extrêmement importante et peut révéler certaines carences tactiques.
Découlant un peu du problème évoqué précédemment, le Portugal conserve toujours cette difficulté à contrer les blocs bas. L’élimination de la dernière Coupe du monde par l’Uruguay l’avait mis en lumière. Cette trêve internationale l’a démontré. Face à une Ukraine qui a garé le bus pendant l’intégralité de la rencontre et une Serbie qui défendait à onze sur phases défensives, le Portugal a peiné à marquer et semble donc ne toujours pas avoir trouvé la solution face aux équipes qui jouent le contre (ce qui était initialement le plan de jeu portugais quand Santos est arrivé, karma ?).
Si l’on se concentre sur le match contre la Serbie et surtout la deuxième mi-temps de celui-ci, l’on remarque que le 4-2-3-1 avec notamment le double-pivot William Carvalho-Danilo Pereira qui rappelle l’Euro 2016 a été très important au milieu. Avec un William qui n’hésite pas à aller de l’avant aussi bien balle au pied que par des passes verticales sur ses ailiers et un Danilo qui dispose d’un gros volume de jeu et se projette lui aussi très rapidement, conserver ce duo de joueurs peut être une très bonne idée en attendant l’explosion des cracks Ruben Neves et Gedson Fernandes (entre autres, on n’oublie pas les Florentino Luis, Domingos Quina, etc).
Enfin, et cela découle encore une fois des premières remarques, la Seleção fait preuve de carences du point de vue de la finition avec 46 tirs tentés dont 12 cadrés pour un petit but. Si l’on se fie aux « expected goals » de ces deux matchs (1,22 de moyenne), l’on se rend compte que l’excuse du « gardien qui fait le match de sa vie » n’est pas valable et détourne du problème principal qui est que le Portugal n’est pas au point lorsqu’il s’agit de finir les actions.
En somme, la sélection portugaise a encore beaucoup de travail si elle veut espérer conserver son titre de champion d’Europe dans un an et quart.
Crédit photo : PATRICIA DE MELO MOREIRA / AFP