À 23 ans, Diadie Samassekou survole le championnat autrichien avec le Red Bull Salzbourg. Révélé aux yeux du grand public l’an passé en Ligue Europa, le milieu de terrain malien continue sa progression sans brûler les étapes. Pour Ultimo Diez, il revient sur ses débuts dans le football au Mali, son adaptation en Autriche et évoque, avec ambition, ses objectifs futurs. Confessions.
Diadie, on aimerait revenir avec toi sur ton enfance à Bamako et tes débuts en tant que footeux pour en connaître un peu plus, peux-tu nous en parler ?
Au Mali, tu commences le football dans la rue. Moi je viens de Faladie (un quartier Bamako ndlr.) sur la rive droite du fleuve Niger, là-bas tu joues juste pour le plaisir, pour faire le spectacle tout en essayant de gagner quand même. La philosophie de base, c’est de prendre et de donner du plaisir. J’ai commencé le football tôt, vers 7 ans. Tous les jours, à la sortie d’école j’allais jouer avec mes potes dans la rue. Petit, je jouais déjà avec des gens plus âgés que moi et ça m’a un peu ouvert les yeux sur mon potentiel. J’ai vu que j’étais en avance sur mon âge.
Dans l’ouvrage Magique Système, le football est décrit comme un des seuls moyens de fuir la misère en Afrique.
Bien sûr, ça fait parti des moyens de s’en sortir, mais il n’y a pas que le football. En Afrique, le football est un rêve. Quand tu regardes la télé tu vois des joueurs aimés de tous et avec une aura. C’est en les voyant que je me suis dit « ok je veux être comme eux, avoir du talent et donner du plaisir ». Au début, tu ne fais pas ça pour l’argent, mais pour la reconnaissance et cette fierté qu’ont les gens quand ils te voient et qu’ils savent que tu as réussi dans la vie. Si j’étais devenu médecin pour sauver des viesn j’aurais aussi été heureux !
Ton talent t’a permis de rentrer à l’Académie Jean-Marc Guillou. Comment as-tu intégré l’Académie ?
J’ai été repéré lors d’une détection au quartier. C’était un petit stage où, à la fin, ils ont sélectionné neuf ou dix joueurs dont moi. À ce moment-là, je n’avais pas réalisé que ça allait changer ma vie. Au fur et à mesure, j’ai vu que l’Académie c’était quelque chose de grand et qu’elle faisait du bon boulot puisqu’elle avait formé des joueurs comme Yaya Touré. C’est quand je me suis rendu compte de la chance que j’avais que j’ai compris qu’il ne fallait pas s’amuser, mais plutôt se concentrer et donner le meilleur de moi.
« Le football est un monde vicieux »
Comment s’est déroulé ton apprentissage ?
J’ai intégré l’Académie à 11ans, je jouais alors avec des jeunes qui avaient deux à trois ans de plus que moi. Je suis resté un an, mais j’ai vu que j’étais trop petit donc j’ai décidé de faire une pause et de revenir deux années après. Il faut dire que partir de la maison à 11 ans, ce n’était pas facile. Je n’étais pas encore prêt pour cette vie donc j’ai voulu rentrer. Au début, ma mère ne voulait pas que je rentre, elle voyait ça comme un abandon, pour elle c’était choisir la facilité. Après, mes parents ont compris et surtout ils ont vu que je n’étais pas heureux. Les gens m’ont aussi reproché le fait d’avoir quitté cette académie, mais bon avec le temps ils ont oublié.
Passer par l’Académie t’a permis d’éviter tous ces agents malhonnêtes qui gravitent autour du football et notamment en Afrique ?
J’ai quand même été exposé à ça, mais j’ai eu la chance de savoir reconnaître les gens qui voulaient mon bien et ceux qui voulaient se faire du blé sur mon dos. Quand j’ai quitté l’Académie, j’ai été approché par pleins d’agents, j’ai passé du temps avec certains, mais j’ai fini par voir qu’ils étaient comme les autres. Heureusement, l’académie nous montre le vrai visage du football. C’est un monde vicieux, les gens font semblant et ne sont pas aussi honnêtes qu’ils le montrent.
À l’été 2015, tu te révèles avec le Mali lors du Mondial U20 où vous terminez troisième, c’était comment ?
Une épopée incroyable ! On n’aurait pas pensé aller aussi loin, mais au fil des matchs on a vu qu’on avait le potentiel pour aller le plus haut. On s’est dit qu’il fallait se donner à fond et jouer comme on savait le faire pour ne pas avoir de regret. Beaucoup de joueurs se connaissaient d’avant donc on a décidé de jouer comme si on était dans la rue au Mali. Le football c’est beaucoup de tactique, mais au final c’est l’équipe qui prend le plus de plaisir qui gagne souvent. On a pris beaucoup de plaisir en jouant un football de passe, en mouvement de dribbles, etc.
C’est comme ça que tu as été recruté par Salzbourg ?
Oui, ils m’ont approché après le Mondial. Il y avait d’autres clubs, mais Salzbourg avait une approche différente. Ce n’était pas du rêve, il y avait un projet viable. La balle était dans mon camp, il fallait prendre un risque qui pouvait m’ouvrir des portes par la suite donc j’ai accepté.
L’adaptation n’était pas trop compliquée ?
Ce n’était pas facile, car c’est une autre culture donc il faut s’adapter. Après, le club était composé de beaucoup d’étrangers donc je n’étais pas le seul dans cette situation. Par exemple, il y avait Upamecano avec qui j’ai tissé des liens et comme on dit maintenant on est amis pour la vie. En fait, ça aide de voir des gens dans la même posture. Il y avait aussi la barrière de la langue, mais c’est aller vite parce que j’avais des bases. Maintenant, je parle trois-quatre langue et ça c’est bien pour moi.
« Je ne suis pas un milieu « box to box » comme les gens peuvent le penser »
Tu termines ta 3ème saison avec Salzbourg, pour la 3ème fois consécutive le titre devrait être une formalité ?
On a fait un grand pas en battant le deuxième chez eux (victoire 0-2 face au LASK Linz). Je pense que si on fait les choses bien, on doit être champions. Après il reste encore beaucoup de matchs et en huit journées ça peut aller vite. En réalité, tout dépend de la confiance, par exemple Linz n’avait pas encore perdu de match avant de nous affronter. Il faut voir si nos concurrents vont réussir à gagner leurs matchs, de notre côté c’est ce qu’il faudra faire aussi. Il faudra être solide à domicile et prendre des points chez nous.
Quels enseignements tu tires de tes années autrichiennes ?
Comme on dit, ce championnat a été une rampe de lancement pour moi. J’ai beaucoup appris ici, je suis venu tout jeune. Si je suis à ce niveau c’est grâce à Salzbourg aussi, en quelque sorte j’ai fini ma formation ici. J’ai surtout appris tactiquement dans mon jeu sans ballon et le pressing. Techniquement, j’ai progressé notamment en mettant moins de touches de balle dans mon jeu. J’ai essayé de gommer ces défauts, mais bon on peut tout le temps progresser, et ça dans tous les domaines. Dans une équipe qui a la possession, je dois aussi être plus offensif et décisif devant les buts. Néanmoins, je suis un numéro 6 récupérateur, pas un milieu « box to box » comme les gens peuvent le penser. Je suis plus dans l’équilibre de l’équipe, je ne vais pas casser les lignes balle au pied.
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Tu as fait le tour en Autriche, cet été départ à coup sûr ?
J’ai déjà tout remporté ici, mais on a toujours faim et cette année aussi.
Tôt ou tard, il faudra prendre une décision, mais pour l’instant ce n’est pas le moment, il faut se concentrer sur le championnat et tout donner pour le gagner.
L’année passée, j’avais la possibilité de bouger, mais l’équipe voulait vraiment me garder. Les dirigeants m’ont fait comprendre qu’ils avaient besoin de moi. Je ne regrette pas, car cette année encore tout se passe bien. On est passé à côté de la qualification en Ligue des Champions, mais c’est un mal pour un bien parce qu’après on a fait une bonne campagne en Europa League. Je pense que maintenant il est temps de passer à l’étape supérieure. Il faut jouer la Ligue des Champions et se confronter aux plus grands d’Europe.
Tu étais proche de l’OM l’été dernier, ce challenge t’intéresserait encore aujourd’hui ?
Je n’aime pas parler de transfert parce qu’il y a toujours des interprétations après.
Je suis ouvert à beaucoup de challenges. L’OM est un grand club donc quand des équipes comme celle-ci te veulent, tu réfléchis, mais c’est le cas pour d’autres équipes aussi.
Quand on rentre dans la galaxie Red Bull, le circuit préférentiel c’est de rejoindre Leipzig. Il y au des discussions entre toi et le club ?
Je ne pense pas forcément que ce soit la route à prendre. Il n’est pas écrit que quand tu joues à Salzbourg tu dois aller là-bas. Moi je suis là depuis trois ans et je ne suis toujours pas allé en Allemagne. Ça peut être une possibilité, mais ce n’est pas une obligation. Leipzig est une bonne équipe, la preuve elle joue la Ligue des Champions, mais je n’ai pas de préférence. Mes choix ne vont pas se faire selon le groupe Red Bull.
Retrouver ton pote Amadou Haïdara ça serait quand même un kiffe ?
Oui, ce serait un plaisir, mais on n’a pas besoin de jouer ensemble pour se retrouver. Quand on a des jours libres, on se voit, pareil quand on est en sélection. Quand on a le temps on s’appelle jusqu’à trois ou quatre fois par semaine. On a grandi ensemble, c’est plus un frère qu’un ami. On se connaît depuis qu’on à l’âge de 13 ans et notre passage à l’Académie. Il me manque beaucoup, on sent qu’il n’est plus là notamment dans les vestiaires. Doudou est une belle personne et même sur le terrain il est très fort. Pour l’anecdote, en 2016, le club (Salzbourg) m’avait demandé mon avis sur les jeunes du Mali qui venaient de faire la Coupe du Monde U17. C’est là que je leur ai parlé d’Haïdara, non pas parce que c’était mon pote, mais parce que je voyais qu’il avait du potentiel.
Quoiqu’il en soit, tu devrais le côtoyer cet été lors de CAN avec le Mali, ce statut d’outsider peut être un avantage pour vous ?
Toutes les équipes commencent à zéro, mais c’est vrai qu’il y a des équipes qui partent avec un autre statut. Nous on y va pour prendre du plaisir et redorer le blason parce qu’à la dernière CAN, le Mali n’a pas été à la hauteur. Cette fois-ci le plus important c’est de donner un nouveau souffle au football malien et montrer qu’on est un pays de football. J’ai envie d’y être, déjà parce que j’ai manqué la dernière CAN, mais aussi, car je sens que j’ai quelque chose a apporté à l’équipe. J’espère que le coach va me prendre, il reste encore trois mois pour se donner à fond.
Interview réalisée par Maxime Oliveira