Quand on aime, on ne compte pas. Ce beau proverbe ne nous concerne malheureusement pas tous. Malgré l’affection que nous portons à un club de football ou au sport en lui-même, il nous faut parfois renoncer à se rendre au stade, sans quoi le loyer et les factures ne seront pas payés à la fin du mois. Le football n’a jamais couté aussi cher pour les supporters. Face à ce fléau, Mathieu et Byllel ont lancé une plate-forme d’hébergement gratuit entre supporters : FreeCouch4Fans. Utilité maximale et partage véritable.
Ligue des champions, Coupe du monde, championnat d’Europe. Si vous avez déjà voyagé afin d’assister à l’une de ces compétitions, vous avez dû halluciner devant le prix des hôtels. C’est le cas de Mathieu Da Luz, jeune cadre en entreprise. Le déclic de lancer une plate-forme d’hébergement gratuit lui est venu à Kiev l’an dernier, lors de la finale de la C1. Son fonctionnement s’avère on ne peut plus simple. «Il suffit de s’inscrire, puis on voit les gens qui sont disponibles pour héberger, énonce Mathieu. Ensuite, on envoie un message à l’hôte, on explique pourquoi on veut venir et on attend sa réponse.» N’importe qui peut également s’inscrire comme hôte et ainsi offrir une place dans son foyer le temps d’un match.
Très avantageux économiquement
Bien sûr, le premier motif à une telle alternative est financier. «On veut se positionner comme une véritable alternative à des hôteliers classiques, ou du Airbnb qui est frappé par le même phénomène, à savoir une inflation entre 3 et 10 fois le prix normal de la chambre», détaille Mathieu. Des associations non-officielles de supporters de Liverpool et Tottenham avaient dénoncé les tarifs à l’occasion de la dernière finale de Ligue des champions. La première année de FreeCouch4Fans s’est ainsi conclue sur un grand succès à Madrid. Près de 200 spectateurs ayant assisté à la victoire des Reds (1-0) se sont rendus sur place grâce à la plate-forme. Le résultat d’une grande campagne de pub qui a démarré à Marseille, où sont basés Mathieu et Byllel.
C’est donc tout naturellement que Mourad Aerts a découvert FreeCouch4Fans. «Je suis allé à Leeds pour Bielsa, en bon supporter marseillais», clame-t-il dans un éclat de rire. Journaliste pour le site web FC Marseille, Mourad s’est rendu à Elland Road en septembre 2018 pour la réception de Preston North End, en Championship. «J’ai été hébergé trois nuits par Owen, un local, raconte Mourad. On est allés boire des bières et manger de la grande gastronomie anglaise dans un pub le premier soir. Si, comme moi, tu y restes 2-3 jours, tu ne peux pas avoir un panorama exhaustif, mais tu es plus imprégné.»
«Viens découvrir aussi ma passion pour le foot»
Plus qu’une astuce économique, FreeCouch4Fans offre la convivialité inhérente à l’amour du sport : «Les colocs d’Owen étaient supporters de Leeds. Ils m’ont raconté ce qu’il se passait ces dernières années au club. Tout ça, c’est de la valeur ajoutée à un voyage. Si j’y étais allé par mes propres moyens, je serais resté dans une chambre d’hôtel seul, ça aurait été beaucoup plus ennuyeux.» Après cette expérience concluante, Mourad envisage déjà de nouveaux voyages à travers la plate-forme, comme à Kiev, où il a vécu un temps. «J’ai aussi invité Owen à venir à Marseille, pour un OM-PSG par exemple, indique-t-il. Quand tu rencontres quelqu’un à travers le foot, tu as envie de lui dire : »Viens découvrir aussi ma passion pour le foot. »»
C’est ce qu’a fait Olivier en mars dernier, à Paris, lorsque l’équipe de Thomas Tuchel a reçu Manchester United en Ligue des champions. «Marc est arrivé vers midi à la maison, se souvient ce supporter de longue date du PSG. Il n’était jamais venu à Paris. Je lui ai fait visiter les quartiers touristiques, la Tour Eiffel, le Trocadéro, Notre-Dame… Puis on est allés au match ensemble.» Si le scénario de la défaite l’a «affecté», Olivier n’était «pas plus triste que ça.» «Marc vit en Suisse, c’était la première fois qu’il voyait Manchester. J’avais bien sympathisé avec lui, donc le fait de le voir avec des yeux d’enfants, heureux… J’étais content pour lui qu’il voit ça.»
Grand voyageur et auteur d’un tour du monde d’événements sportifs en 2018, cet employé dans l’immobilier ne tarit pas d’éloges sur le concept de FreeCouch4Fans. «Ça faisait un an que j’alternais entre les auberges de jeunesse, le CouchSurfing, les Airbnb miteux, concède Olivier. En plus, lors des gros événements, c’est ultra-cher. J’ai trouvé leur idée super cool, notamment pour un mec comme moi.» Il en garde même un souvenir : un maillot de Man Utd que lui a offert Marc.
Le risque de l’inconnu
FreeCouch4Fans, c’est «un excellent concept que je recommande à tous mes amis qui aiment le sport», résume Olivier. Parce que la plate-forme ne se limite pas qu’au ballon rond. «Beaucoup de membres adorent la randonnée ou le cyclisme, précise Mathieu Da Luz. Certains font des marathons à travers le monde entier, d’autres veulent assister à du hockey sur glace. Aujourd’hui, on est pas mal sur le foot car c’est ce qui fait parler le plus et c’est là où on a commencé.» La plate-forme a tout pour plaire. Mais elle conserve le défaut majeur des Airbnb, CouchSurfing et autres sites de locations de logements : la sécurité.
Roger a passé un grand moment à Madrid en mai dernier. Sans éluder toutefois le danger d’une telle option. «Vous logez littéralement chez des étrangers, met en garde cet habitant de Zurich, en Suisse. Avec CouchSurfing, je me suis déjà retrouvé dans des appartements qui n’avaient rien de propre, où j’étais mal à l’aise à l’idée de toucher la moindre surface.» En tant qu’hôte, ce supporter de Liverpool avoue recevoir «souvent des requêtes de femmes, parce qu’elles voient mon historique et mes références, donc elles se doutent que je ne suis pas dangereux».
Roger définit la problématique comme «le plus gros défi pour FreeCouch4Fans», avant d’insister sur les qualités du concept : «J’ai eu d’excellentes expériences, et ça me fait économiser beaucoup d’argent. Il faut trouver le compromis entre le prix et le risque que cela représente.» Ce fan des Reds, qui a «assisté à plusieurs finales européennes», a vu défiler des «coûts parfois astronomiques». Et, comme nombre de passionnés, espère prolonger le plaisir de voyager pour du football. Quand des supporters ouvrent les portes de chez eux, c’est tout de suite plus simple. Et plus sympa.
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