Football algérien : demain, l’aube?

Le football algérien, fort d’une Coupe d’Afrique des Nations remportée cet été, se place de nouveau en leader du football africain. À travers Djamel Belmadi et sa nouvelle génération de joueurs talentueux, peut-il légitimement espérer devenir, enfin, une place forte du football mondial ?

Seigneur, que les années défilent. Avec elles, inlassablement, le doux écrin de la jeunesse et de la gloire.

Tel adage, finalement si sage, convient bien à de grandes nations, où trottoirs droits et marquages de routes impeccables riment avec propreté des chemins de traverse et verdure des parcs. Il convient bien à l’Italie, dont la jeunesse dorée vient, vainc, meurt et, toujours, revient pour entamer un nouveau cycle. La Rome éternelle a vu gagner et partir Baggio et Totti, elle peut bien attendre Chiesa et Barella !

L’Algérie n’a jamais su se hisser à la hauteur…

L’Algérie, dans son sempiternel refus d’être une nation comme les autres, ne se plie pas à ce cadre-là. Chez elle, c’est surtout de la mort de grandes générations dont il est question.

L’Algerie des années 70, première génération complète de l’indépendance, avait clairement d’autres chats à fouetter. Les résultats d’alors étaient, évidemment, négligeables.

Celle des années 80, aussi étonnant que cela puisse paraître pour les initiés, n’a pas été à la hauteur de son talent. De trop nombreux bons joueurs composaient cet effectif pour considérer que deux qualifications en Coupe du monde et une CAN gagnée (en 1990, soit la fin de cette génération dite dorée) soient des résultats suffisants. Si le peuple algérien s’enorgueillira à souhait de n’avoir dû son élimination en 1982 qu’au complot de l’Allemagne de l’Ouest et de l’Autriche (qui a, par ailleurs, entraîné la règle qui veut que les derniers matchs d’une phase de poules se déroulent en même temps), rien ne justifie l’échec de 1986.

Les années 90, quant à elles, ont été celles de la guerre civile, les funestes années noires. On leur pardonnera donc bien volontiers le néant absolu du football qui s’en est suivi.

Cette excuse, en revanche, ne tient pas pour l’Algerie des années 2000. D’une faiblesse abyssale, tant dans sa gestion (malheureusement classique des sélections africaines) que dans ses résultats (pas de Coupe du Monde entre 1986 et 2010, fallait-il le rappeler).

… mais paraît, enfin, prête à dominer.

Dieu se rit bien de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes, rappelait hier Bossuet. S’il n’eut été fervent catholique traditionaliste et conservateur, on eut juré que le Français visât l’Algérie toute entière par ses mots.

Car la Fédération des tombeurs de la grande Allemagne a multiplié les stratégies. Avec l’autoritaire Raouraoua, une vague de bi-nationaux a rejoint les Verts. Une stratégie aussi efficace (Brahimi, Feghouli, Anthar Yahia et consorts ayant fait le bonheur des Verts de 2010 et surtout 2014), que ponctuelle, tant elle dissimule sous le tapis des défaillances structurelles locales.

C’est que tous ceux qui ont pu visiter l’Algérie ont été surpris de constater à quel point le football y est roi. L’effervescence et le sens de la fête des Algériens s’expriment à travers le ballon rond, tant par un jeu spectaculaire et explosif que par une ambiance et un suivi exceptionnels de leurs Verts et de leurs clubs.

L’homme qui succéda au nécessaire Raouraoua s’appelle Zetchi. Il initia un concept aussi révolutionnaire qu’évident pour la jeunesse du pays, celui du centre de formation. En créant son club le Paradou, dans les années 90, il posa les fondations d’une future explosion du football local qu’il allait maîtriser en dirigeant, plus tard, la Fédération.

Enfin, les Algériens allaient devoir leur salut à leurs propres instruments de formation plutôt qu’à ceux des autres. Enfin, tous ces dribbleurs fous, ces diamants qui inspirent si brillamment un sachet de lait qu’on jurerait qu’il s’agit d’une boule de cuir, enfin tous ceux là allaient avoir une chance, une vraie, de prouver aux yeux du monde que l’Algérie peut devenir grande.

Le projet a débuté par des principes aussi simples qu’innovants pour la jeunesse algérienne : humilité, travail, courage et patience. Les joueurs, qui s’exercent majoritairement pieds nus pour affiner leurs qualités techniques, sont issus des quatres coins de l’immense pays.

Le joueur algérien ou le vrai substitut au talent sud-américain

Le Paradou a ainsi longtemps attendu avant de pouvoir exporter ses talents. Il a su se frayer un chemin jusqu’en première division, la Ligue 1 Mobilis, et a attendu la mise en place d’un véritable réseau d’agents autour de lui. Cet inévitable carnet d’adresses fait autant d’heureux qu’il ne fait de victimes.

Enfin, des locaux, nombreux, foulent les champs d’Europe, ceux des meilleurs championnats au monde. Il y eut Rami Bensebaini, il y eut Youcef Atal, il y aura El Melali, Naidji, Boudaoui ou encore Loucif. Certains, comme Belaili, Bounedjah ou Ferhat, bien qu’ayant dépassé l’âge d’être des espoirs, sont considérés comme de belles pioches et de bons paris à tenter demain encore.

Le succès du niçois Atal n’a évidemment pas manqué de faire des envieux. Il incite les clubs européens, et notamment français, à se pencher enfin sur ce vivier.

Il possède, en effet, les mêmes avantages que les joueurs sud-américains, à savoir un prix relativement faible (sauf exception type Neymar ou Vinicius) et un potentiel fort. Il est même possible d’aller plus loin et de voir plus d’intérêt à s’intéresser aux joueurs algériens puisque ceux-ci sont globalement bien moins chers qu’un top talent argentin ou brésilien et, surtout, ne sont pas concernés par les règles limitant la présence de joueurs étrangers dans un effectif.

Les résultats de la politique de formation du Paradou font aussi des envieux au niveau local, pour le plus grand bonheur des talents algériens. Les projets de centre de formation se sont multipliés à travers le pays et cette mode a gagné les rangs des clubs étrangers qui, à la manière de ce qui est réalisé au Sénégal (par le FC Metz notamment) ou en Cote d’Ivoire, réfléchissent à ouvrir de réelles académies pour détecter et attirer les meilleurs talents.

Le long terme, enfin

Ce succès algérien, enfin, permet de consolider les résultats sur la longue durée. L’arrivée d’un entraîneur de qualité, Djamel Belmadi, a immédiatement remis sur les rails la sélection algérienne, preuve de la présence de nombreux talents mais d’un manque cruel d’encadrement pour eux.

L’ex milieu de terrain de l’OM et de Manchester City, d’abord méfiant, a lui aussi été conquis par les prouesses de la jeunesse locale. Il a ainsi constitué un 11 type constitué à la fois de locaux (Atal, Benlamri, Bensebaini, Belaili, Bounedjah) et de bi-nationaux (Mbolhi, Mandi, Guedioura, Bennacer, Feghouli, Mahrez).

Le triomphe futur de l’Algerie doit en effet, à terme, se constituer majoritairement de ce vivier local (Boudaoui est le prochain titulaire au milieu de terrain, possiblement suivi par Chita s’il retrouve sa forme après sa grave blessure au genou) agrémenté de talents binationaux (Aouar, Cherki, Gouiri ou Maxime Lopez).

Ainsi, et en conclusion, c’est un jour nouveau qui semble se lever sur le football algérien. Hier, le crépuscule de Madjer et de ses étourderies semblait condamner l’Equipe nationale (paradoxe!). Aujourd’hui, Belmadi et Zetchi ont brodé d’une étoile d’or le blason de 42 millions de passionnés. Demain, enfin, l’aube et le triomphe mondial?

Crédit photo : AFP

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Pour l'amour et la soif de revanche de l'Algérie.