L’histoire à travers le foot : Aux origines du sport majeur

Premier épisode de notre série d’articles visant à revisiter l’histoire par le prisme du football, nous nous intéressons aujourd’hui à la naissance du football de ses formes les plus primitives jusqu’à son élaboration finale au XIXe siècle en Angleterre. Avec cette préhistoire du football, c’est en fait toute l’Histoire depuis l’Antiquité jusqu’à la période d’avant-guerre qui est couverte sans qu’aucune époque ne soit ignorée. Aussi, c’est un voyage dans l’espace qui s’offre à nous en ceci que tous les continents ont essayé de tirer la couverture à eux et de se présenter comme les véritables créateurs du sport le plus populaire aujourd’hui. En conclusion, pas de solution unique, seulement des pierres à l’édifice et un sport toujours en mutation.

Il a fallu du temps pour que le football n’en vienne à se déchirer sur la question du VAR et de ses décisions si précises qu’elles en perdent leur fondement. Lointaine est l’époque où le Calcio florentin – calcio est le nom du football en Italie – se jouait avec les pieds et les mains, mais aussi avec les poings, et tout ce qui pouvait empêcher l’adversaire de marquer. Prises de catch, coups gratuits, violence générale…

En fait le football n’a cessé d’être redessiné au fil du temps jusqu’à ce que les Anglais, las de l’absence de règles, ne décident en 1863 de fixer les règles de ce sport, de le dissocier de toute autre forme de pratiques et surtout, de le cantonner à l’usage des pieds. C’est là, la grande séparation entre le football et le rugby, les frères ennemis, mais aussi plus largement avec le handball, voire même le golf dont l’objectif de placer la balle dans un trou était déjà utilisé dans les versions antérieures du football. Avant 1863, le football, qui ne porte pas encore ce nom, est en fait un embrouillamini de différentes inspirations et de différentes applications.

Aux sources du football, on trouve en effet un rapport étroit au divin et au religieux. Dans la Chine antique, un poème de Li Yu décrit le football de l’époque et ses relations au mystique : « La balle est ronde, le terrain carré pareil à l’image du ciel et de la Terre. La balle vole au-dessus de nous comme le soleil tandis que les deux équipes se font face ». Il y a également quelque chose de superstitieux dans la façon dont certaines populations de Bretagne ou d’Ecosse pratiquait le sport de balle au Moyen-Âge. Ici, le but est d’enfouir le ballon dans la terre ou de le plonger dans un trou (d’où le lien avec le golf) comme on enterre une graine en attente d’une croissance à venir. L’équipe qui gagnait allait connaître de meilleures récoltes que ses adversaires.

C’est en tout cas grâce à cette tendance à penser que le football permet quelque chose de plus grand que des populations de tout âge et de toute région ont accorder autant d’importance à ce sport. On trouve déjà dans l’Egypte antique des traces de sports ancêtres du football. Certaines peintures nous ont renseigné à ce sujet mais plus encore, ce sont les balles elles-mêmes qui nous l’ont confié puisque certaines d’entre elles ont été retrouvées dans des tombeaux égyptiens. On retrouve un peu la même configuration dans la Grèce antique où une statue retrouvée au XIXe siècle met en scène un homme en train de jongler avec une balle qui repose sur sa cuisse.

Mais davantage que ces deux grands Etats, c’est l’Empire Romain qui a laissé une trace considérable dans l’histoire du football. Claude Galien, médecin grec de l’empereur Marc Aurèle, a même rédigé un traité du jeu de balle. On retrouve dans ce sport pratiqué par les Romains une confusion de plusieurs sports modernes. En effet, au-delà du fait que la balle puisse être jouée par les mains ou les pieds, la lutte pour sa possession est assez violente et incite les joueurs à s’enduire d’huile pour que leurs adversaires ne puissent pas les agripper, rappelant ainsi certaines logiques du rugby. Le fameux « j’aime qu’on m’enduise d’huile » d’OSS 117 paraît donc moins ridicule quand on sait que les gladiateurs romains pratiquaient régulièrement le sport de balle pour entretenir leur forme physique.

C’est finalement plus tard, au Moyen-Âge, que commencent à apparaitre des formes de sport qui ressemblent de plus en plus au football pratiqué aujourd’hui. La plus connue d’entre elles est la soule française. On date les premières expressions de ce sport au XIIe siècle et il a survécu jusqu’au XIXe voire même jusqu’au XXe dans certaines régions françaises, en particulier la Normandie. Là encore, le manque de règles (pas de sens de jeu, même but pour marquer pour chaque équipe, variante avec crosse ou sans crosse…) rend difficile la liaison directe avec le football actuel, mais par sa proximité temporelle, géographique et par sa logique de camp et de but, il est souvent décrit comme le plus proche parent du football.

C’est d’ailleurs de ce sport qu’ont découlé les évolutions anglaises menant jusqu’au tournant de 1863. La soule, rebaptisée folk football en Angleterre, se décline en plusieurs sports selon les écoles dans lesquelles elle est pratiquée. Petit à petit, ces écoles vont mettre en place des règles afin de mieux organiser le jeu. Ainsi, apparaissent en 1848 les Cambridge Rules, suivies en 1855 des Sheffield Rules. C’est cette logique d’organisation rationnelle qui va mener à la création en 1863 de la Fédération Anglaise de Football qui s’attache en premier lieu à forger un règlement universel. Ainsi, le football moderne était né.

Pourtant, l’histoire du football peine à se clore tant sa linéarité est rompu par celles et ceux qui se présentent comme les parents du football. Dans son numéro du 16 janvier 2020, Courrier International relate l’existence d’un ancêtre du football, se jouant uniquement avec les pieds, dans le petit pays du Paraguay. Ce sont en fait les Indiens Guaranis qui avaient mis en place cette pratique où le but du jeu était de conserver le plus longtemps possible le ballon, faisant très largement appel à l’endurance de chacun et de chacune (ce sport était également pratiqué par des femmes), certaines parties s’étendant sur plusieurs heures. Pour les défenseurs de ce patrimoine, il est clair que ce sont les tribus sud-américaines qui ont inspirés les colonisateurs et non pas l’inverse. Pour nous, le mystère reste entier.

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Quand les gens sont d'accords avec moi, j'ai toujours le sentiment que je dois me tromper.