L’homme qui a compliqué le début de projet du Hertha Berlin

Préoccupés par la tempête qui fait l’actualité depuis plusieurs jours, nous devrions toutefois recueillir nos pensées pour les Berlinois qui, en plus de cette dernière, ont été bouleversés par un séisme d’une magnitude située entre 8 et 9. Le mardi 11 janvier 2020 risque de rester dans la triste mémoire de cette population car, en fin de matinée, Jürgen Klinsmann, entraîneur du Hertha depuis 76 jours, annonce aux supporters qu’il quitte ses fonctions… sur Facebook.

L’ambitieux projet du Bill Gates allemand

Lars Windhorst / © imago images / Matthias Koch

Vous l’avez probablement tous remarqué. Cette saison, le Hertha Berlin fait beaucoup parler de lui sur les différents marchés des transferts et dépense des sommes assez inhabituelles, que ce soit par rapport à ce qu’il nous avait habitués, ou même tout simplement pour un club allemand.

Cela avait commencé l’été dernier avec les arrivées de Dodi Lukebakio et Eduard Löwen, pour respectivement 20 et 7 millions d’euros. Déjà à cette période, les personnes qui ne suivent que très peu ce club s’interrogeaient sur sa soudaine activité financière.

Pour résumer, Lars Windhorst, célèbre entrepreneur allemand dont l’immense fortune lui a valu le surnom de « Bill Gates allemand » a décidé, en cours d’année 2019, de racheter le plus de parts possibles du Hertha Berlin. C’est donc 37,5 % des parts du club qui sont venues s’ajouter aux un peu plus de 12 % qu’il possédait déjà, pour atteindre le maximum possible de 49,9 % du club. Son but était simple : placer le Hertha au niveau qu’un club d’une grande capitale européenne devrait avoir. Pour le réaliser, il décida dans un premier temps de ne pas brusquement changer la structure du club. Ainsi, les Berlinois entamèrent la saison avec Ante Covic à sa tête (promu de l’équipe réserve pour succéder à Pal Dardai) et un effectif qu’on ne pouvait pas qualifier de réellement bouleversé.

Un sauveur pour se sortir des premières difficultés ?

Après un bon premier match d’ouverture face au Bayern (2-2), les bleus et blancs berlinois se mettent très vite à plonger. Le 27 novembre 2019, après une 15e place, 25 buts encaissés en 12 matchs et le manque d’un véritable plan de jeu face aux gros comme face aux petits, Ante Covic est finalement remercié. Pour le remplacer, les dirigeants avaient pris contact avec Niko Kovac, fraîchement divorcé du Bayern Munich (3 novembre 2019). Après le refus catégorique de l’entraîneur croate de reprendre un club en cours de saison, ils décident de privilégier une solution en interne et font appel au célèbre Jürgen Klinsmann, qui était membre du conseil de surveillance jusque-là. Bien que très attaché au club, Klinsi ne fait pas l’unanimité dans la capitale allemande. Pire encore, son arrivée est la parfaite occasion pour tout suiveur du football allemand de se moquer de ce choix. Toutefois, on se dit que son aura, son fort caractère et son expérience peuvent permettre au Hertha de se sortir de la crise et de stabiliser le club dans un premier temps.

Ce 27 novembre 2019, Klinsmann déclare alors en conférence de presse :

« Ma collaboration avec le Hertha BSC et Lars Windhorst n’est pas de courte durée. Quand je décide, du jour au lendemain, de devenir entraîneur, je le fais à 100 %. […] Le Hertha Berlin est le seul club dont je suis Mitglied* »

*[supporter] membre du club, en achetant une part.

La méthode Klinsmann

Jürgen Klinsmann en conférence de presse / © DPA

Durant cette conférence de presse, il annonça également :

« Il faut trouver les moyens d’analyser l’équipe pour obtenir des points. Pour l’instant, il ne s’agit pas de jouer le football le plus attrayant possible. Néanmoins, mes idéaux ont toujours été de jouer de manière offensive en prenant des risques. »

Après un premier match difficile 3 jours après sa prise en charge face au Borussia Dortmund (perdu 2-1), le Hertha de Klinsi va enchaîner une bonne série, en allant faire un nul à Francfort (2-2), en s’imposant face à la surprise, Fribourg (1-0), en allant gagner sur la pelouse du Bayer Leverkusen (1-0) et, enfin, en tenant en échec le Borussia Mönchengladbach (0-0). C’est ainsi qu’à la trêve hivernale, le club pointait à la 12e place. Mission plutôt réussie, donc.

C’est alors qu’arrive un mois de janvier assez fou. Fort de ses derniers résultats, l’entraîneur gagne en autorité au club et convainc ses dirigeants d’investir durant le marché hivernal, sous ses conseils avisés. La suite, vous la connaissez. Santiago Ascacibar pour 11 millions d’euros, Matheus Cunha pour 18, Krzysztof Piatek pour 22 et Lucas Tousart pour 25, en plus de le prêter dans la foulée à l’OL pour 6 mois. Ce sont pas moins de 76 millions d’euros qui ont été investis pour 4 joueurs.

Pour ce qui en est des résultats, le club berlinois enregistre après la trêve une victoire, un nul et deux défaites en championnat, les reléguant de ce fait à la 14e place. En plus de cela vient s’ajouter une élimination en 8es de finale de la Coupe d’Allemagne.

Le séisme Jürgen

Nous arrivons donc au mardi 11 février 2020. Soit 76 jours après le début du mandat de l’entraîneur allemand. 76, comme le nombre de millions investis quelques jours auparavant. Et ce matin-là, via une publication Facebook, il décide d’annoncer à tout le monde l’abandon de ses fonctions d’entraîneur. Pour la plupart des suiveurs du Hertha, le choc est immense. La veille encore, il avait fait un live, toujours sur Facebook, pour parler avec les supporters du reste de la saison et des projets à venir.

Quelques heures plus tard, les dirigeants du club, et notamment le directeur sportif, Michael Preetz, ont réagi en déclarant qu’ils n’avaient eux-mêmes pas été mis au courant d’une telle démarche. À chaque heure qui s’écoulait, à chaque déclaration, les dégâts augmentaient. Le point culminant de tout cela a été la déclaration de Lars Windhorst, le détenteur de 49,9% des parts du club qui, lui, déclarait avoir été informé par Jürgen Klinsmann de sa décision.

Le lendemain, le mercredi 12 février 2020, le nouvel ex-coach berlinois a annoncé vouloir faire un nouveau live sur Facebook, cette fois pour expliquer l’affaire. C’est donc à partir de 18h précises qu’il nous a fait part de sa vérité.

« Il faut savoir que cette décision est l’aboutissement d’un processus de réflexion de plusieurs semaines qui a été engendré par plusieurs petits détails dont la défaite face à Mayence, qui m’a fait prendre ma décision. […] À la fin du match, j’étais vraiment atteint, je n’ai pas dormi cette nuit-là et j’ai dû retourner travailler le lendemain matin. Peut-être que si j’avais eu deux jours pour me reposer comme l’équipe et qu’on avait eu une discussion après cela… Mais ce n’était pas le cas. […] Le 11 au matin, j’ai informé le club de ma décision. »

Durant le live, il mentionne plusieurs fois le fait qu’il s’agit d’un empilement de plusieurs petits détails. Ces détails semblent, au moins en partie, avoir un rapport avec la structure des clubs allemands et de la place importante du directeur sportif. Il s’explique :

« Je n’étais plus habitué au système allemand. J’ai travaillé en Italie, en France, en Angleterre, et même aux États-Unis avec la sélection. En Allemagne, les membres du club interviennent un peu partout. Il n’y a pas de réelle répartition du travail. Le directeur sportif est toujours assis sur le banc lors d’un match, avec les joueurs et les autres membres du staff technique. Il parle beaucoup avec les joueurs, leur dit que sa porte est ouverte et parle même avec l’arbitre. Ici, beaucoup de gens s’invitent dans les conversations, mais à la fin il n’y a qu’une seule personne qui prend les décisions en ce qui concerne l’équipe. Moi, je suis plus habitué au système anglais. Là-bas, le mot « entraîneur » n’existe pas, on parle de « manager ». Il a tout le pouvoir. »

Malgré ce désaccord, Klinsmann reste optimiste pour le Hertha et loue le travail du club.

« L’un des enjeux principaux du club, c’est de rajeunir l’effectif. Et avec Lars Windhorst et Michael Preetz, on a fait un superbe travail cet hiver en signant plusieurs joueurs qui nous apporteront beaucoup de joie dans le futur. […] Cette saison, l’objectif est le maintien. La saison prochaine, le club visera l’Europa League et un jour, il visera la Ligue des Champions. […] Le club s’est stabilisé, je ne le laisse pas dans le chaos. »

Avec ces déclarations, Jürgen Klinsmann a tenté d’apporter des réponses à un public étonné et très critique. Certaines paroles restent toutefois difficiles à comprendre, comme lorsqu’il avoue que pendant le stage hivernal en Floride, il dit à ses dirigeants qu’il peut s’imaginer rester sur le long terme. La balle est dans le camp du club. Choisiront-ils de répondre et de donner leur version ?

Une chose est sûre, le Hertha Berlin est maintenant sur le radar des observateurs non seulement de la Bundesliga, mais du football. L’affaire Klinsmann a fait beaucoup de bruit, et nul doute qu’elle continuera à en faire. Quelle est la suite pour le club de la capitale allemande ?

Crédit photo : Icon Sport

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