Il aura fallu que la chevelure de Sabitzer vienne gifler Tottenham en Ligue des champions pour que l’Autrichien apparaisse aux jumelles du grand public. Amateur de grosses sacoches, le milieu offensif est devenu cette goutte de boisson énergisante qui excite les taureaux du RBL. L’arrivée de Nagelsmann a propulsé Sabitzer dans les petits papiers de grands d’Europe. Avec ce coach, le foot n’a plus rien de sorcier pour le joueur de 26 ans. Allez démarre Marcel, plein phare sur ta carrière.
C’est à l’été 2015 que Marcel Sabitzer pose – une bonne fois pour toutes – ses valises à la Red Bull Arena de Leipzig. Si sa carrière s’est dessinée entre les clubs de la filière Red Bull, le trajet n’a pas été des plus simples. Aujourd’hui, Sabitzer a trouvé de la stabilité et une place de choix dans l’effectif de Nagelsmann. L’Autrichien est dans la forme de sa vie et si Sabitzer, Marcel préfère utiliser ses pieds (vous l’avez ?).
Bons baisers d’Autriche
Fils de footballeur, Sabitzer marche sur les pas de son père, Herfried. Marcel achève sa formation à l’Admira Wacker et y débute en tant que professionnel lors de la saison 2010-2011 en D2 autrichienne. Son club est promu et le natif de Wels gagne ses galons de titulaire dès sa deuxième saison. Avec lui, tout va très vite. Après avoir écumé les sélections de jeunes, Sabitzer honore sa première cape à 18 ans avec l’Autriche. L’Admira achève le championnat en troisième position. Pas assez haut pour Marcel. En janvier 2013 il signe chez le vice-champion : le Rapid Vienne. Manque de bol, nouvelle troisième place mais l’Autrichien commence à se faire un prénom. L’année suivante il découvre la Ligue Europa et cumule 9 buts et 5 passes décisives toutes compétitions confondues.
A LIRE AUSSI – L’empire Red Bull à l’assaut du football
Sabitzer tape déjà dans l’œil d’un certain club qui a atteint le deuxième échelon allemand en cinq ans d’existence. Le RB Leipzig s’aligne sur la clause de 2M€ de l’Autrichien mais ne peut s’empêcher de la mettre à l’envers au Rapid Vienne. Cette clause, que le club de la capitale autrichienne avait soigneusement placée, empêchait son ex-poulain de rejoindre un concurrent local. Résultat des courses : Leipzig envoie illico Marcel en prêt chez le RB Salzbourg. Rien d’illégal mais les Roten Bullen ont ajouté un nouvel ennemi à leur spectaculaire liste de détracteurs.
Cette ristourne n’empêche pas Sabitzer de réaliser une saison pleine à ras bord. Le joueur alors âgé de 20 ans évolue sur tout le front de l’attaque. La qualité de ses dribbles, de ses enchaînements et de sa finition paye. Il boucle une saison à 27 buts et 21 passes décisives en 51 matches. Sabitzer en profite pour garnir son armoire à trophées. Une Coupe d’Autriche glanée et une Bundesliga autrichienne remportée… devant le Rapid. Marcel l’ignore encore, mais ce championnat restera son dernier titre à l’heure actuelle.
Après Salzbourg, place à la grande sœur
Marcel Sabitzer intègre donc l’effectif du RBL pour 2015-2016. La ville change, le décor non. L’Autrichien débarque avec Gulácsi dans sa valise et Ilsanker dans sa poche gauche. Les Roten Bullen entament leur seconde saison en 2. Bundesliga et pour l’occasion, Ralf Rangnick, directeur sportif depuis 2012, va descendre de ses bureaux pour venir s’asseoir sur le banc. Sous sa coupe, Sabitzer marque 8 buts et délivre 5 assists en se montrant très opportuniste. L’Autrichien peut évoluer sur l’aile droite mais est généralement aligné en soutien de l’attaquant. Fribourg sera la seule équipe à devancer les Saxons. L’Allemagne accueille avec horreur un nouveau « plastik klub » en Bundesliga.
A LIRE AUSSI – [Allemagne] Les supporters du RB Leipzig face au ressentiment
Le Sport de Balle sur Pelouse (traduction ridicule de RasenBallsport) débute son histoire dans l’élite par 13 matches sans défaite. En bon élève borderline fayot, Ralph Hasenhüttl adopte le 4-4-2 local. Un système qui vire au 4-2-2-2 en phase offensive où Sabitzer délaisse son couloir droit pour combiner dans le half-space. Leipzig est déjà une équipe de pressing et de transitions et l’Autrichien rentre bien dans le moule. Il dévore les espaces et c’est naturellement que le jeu penche de son côté. Sabitzer et Werner coordonnent bien leurs mouvements et créent des espaces intéressants pour permettre à Forsberg et Keïta de faire parler leur technique.
D’ailleurs, Sabitzer reste dans l’ombre de ces derniers joueurs cités. Avec 8 buts et 4 passes décisives en 32 matches de championnat, il ne table pas sur le même rendement que Werner and co. Le natif de Wels ne baigne pas encore en pleine lumière mais n’en demeure pas moins précieux.
Épaule douloureuse et tapis rouge
S’il est élu footballeur autrichien de l’année 2017, sa saison 2017-2018 sera tronquée par les blessures. Le RB Leipzig part avec de l’ambition mais de méchants grains de sable viennent chatouiller les naseaux des taureaux : l’épaule de Sabitzer et les problèmes de Forsberg. Leipzig passe de surprenant vice-champion à 5e de Bundesliga et ne sort pas d’une poule de Champions League homogène. Pour sa part, Sabitzer manque douze rencontres en championnat et ne brille pas contre Marseille en quart de C3.
Hasenhüttl quitte son poste en fin d’exercice, après avoir posé de solides bases durant son passage. Prévoyant, le board de Leipzig signe Julian Nagelsmann qui ne prendra les taureaux par les cornes qu’à compter de l’été 2019. Pour 2018-19, le RB refait donc appel à l’architecte du succès de Leipzig, Ralf Rangnick.
Coach Ralf ressort d’abord ce bon 4-4-2 alias 4-2-2-2. Sans surprise, Marcel Sabitzer continue de se montrer. Le bouclé sollicite beaucoup de une-deux et fluidifie le jeu lorsqu’il est trouvé en appui, grâce à ses déviations et sa technique. Il est aussi essentiel pour déclencher les phases de pressing du bloc lipsien. L’influence du droitier est variable au sein d’un même match mais il retrouve le temps de jeu qui était le sien avant ses pépins physiques. De son côté, Rangnick profite de la polyvalence de Sabitzer pour lui faire découvrir de nouveaux coins du terrain.
Le technicien expérimente la défense à 3, disposition dont raffole Nagelsmann. Ralf a de la suite dans les idées, et pour finir de déployer le tapis rouge au désormais ex-coach d’Hoffenheim, il qualifie le RB en C1.
Sabitzer-Nagelsmann, le parfait idylle
L’aventure entre King Julian et Leipzig débute sur une masterclass de Sabitzer. Le numéro 7 signe un beau but et 3 passes décisives lors de la première journée de Bundes, et c’est l’Union Berlin qui paye la facture (0-4).
Le reste de la saison de l’Autrichien sera du même acabit, et ça, Nagelsmann y est pour beaucoup. Depuis l’arrivée du jeune coach en Saxe, Sabitzer évolue à un tout autre niveau. Que ce soit avec un ballon entre les pattes ou avec un peigne entre les mains (l’Autrichien a dompté sa crinière en optant pour le catogan). Le joueur de 26 ans a directement adhéré au discours de Nagelsmann et depuis, son coach ne l’a pas déçu :
«Nous avons changé de coach à deux reprises, ce qui a un peu tout perturbé en terme de système et d’organisation. Mais je me sens plus à l’aise dans le système actuel, et la façon dont le coach veut jouer me convient.»
Les deux hommes s’étaient entendus : Marcel devait devenir un milieu décisif. Ce discours n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Sabitzer en est à 15 buts et 8 assists TCC cette saison. Le pire c’est qu’il s’arrange pour marquer des buts toujours plus difficiles. Spécialiste des frappes lointaines aux trajectoires illisibles, il a aussi inscrit le quatrième coup franc de sa carrière contre le Werder Brême.
Depuis qu’il a quitté Salzbourg, Marcel était davantage facilitateur de jeu que finisseur. Désormais, l’Autrichien est indispensable à Nagelsmann sur tous les tableaux. En plus d’adopter un pressing étouffant, King Julian veut aussi faire progresser son équipe sur les phases d’attaque placée. Le technicien adapte constamment son système aux adversaires et Sabitzer s’en est toujours accommodé. Milieu droit dans un 4-4-2, milieu offensif axial ou ailier d’un 3-5-2 et j’en passe… Cependant depuis fin janvier, Nagelsmann aligne Sabitzer devant une défense à trois, en 6 dans un double-pivot ou en 8.
Repositionnement gagnant
Le pari était risqué, comme le jeu de Sabitzer. Le droitier privilégie la passe dangereuse à la sécurité. Ses 76% de passes réussies en championnat en attestent. Avec ce repositionnement, Nagelsmann accepte le déséquilibre pour son équipe. Certes Sabitzer fait énormément d’efforts, mais il n’est pas toujours agressif sur le porteur de balle et ne joue pas toujours les duels aériens avec grande conviction.
Finalement, le natif de Wels s’est complètement approprié le poste de milieu axial sans nuire à la stabilité défensive de l’équipe. Depuis son aile droite, le joueur d’un mètre 77 n’était pas forcément concerné par la construction du jeu mais il a su changer de style. Sabitzer a augmenté son volume de passe et dribble moins.
Selon le concept cher à Guardiola et Nagelsmann, l’Autrichien est désormais le 3e homme, celui que l’on trouve en retrait et face au jeu. Depuis cette position, il organise le jeu et oriente parfaitement les offensives lipsiennes. Le milieu de 26 ans se projette avec vivacité avant de trouver des ouvertures qu’il invente lui-même. Le positionnement très haut des latéraux élargit le jeu et permet à l’Autrichien de réciter son football. Après avoir fixé l’adversaire, Marcel Sabitzer est capable de sortir de la densité. Trouvant des transversales à destination des appels d’Angeliño, ou privilégiant la profondeur sur Werner ou Nkunku. À ce compte-là, il distribue 2 passes clés par match en championnat.
Cependant, MS7 réutilise à merveille les qualités qu’il a développées tout au long de sa carrière. Sa finesse technique lui permet de se sortir du pressing adverse et de faire respirer le jeu. Il sait se placer entre les lignes et perturber les formations adverses. Défensivement, il mène la deuxième lame du pressing de Leipzig et compense en permanence. Chez les Roten Bullen, le droitier est celui qui court le plus. Ça classe le bonhomme quand on connaît la passion de Nagelsmann pour l’intensité et la vitesse. Une vitesse recherchée à la récupération comme en transition ou dans l’animation.
Red Bull forever ?
Décidément Nagelsmann est une machine à inventer les joueurs. En associant Sabitzer à Laimer, il a créé une paire complémentaire. Au côté de son compatriote rompu aux tâches défensives, Marcel a enfin trouvé cette régularité qui le fuyait. King Julian ne le lâche plus. L’Autrichien n’est pas concerné par le turnover de son coach, et a passé 2919 minutes sur le terrain cette saison. Plus que n’importe quel autre taureau. Diego Demme parti, Sabitzer a même hérité du brassard. Kapitän Sabi est respecté des jeunes, il a le sang chaud et transpire le charisme.
Mais Marcel est en manque. En manque de trophées et veut gagner en Saxe :
«J’aimerais pouvoir soulever quelque chose en Allemagne aussi. Je pense que ce sont les titres qui font qu’une carrière compte.»
Marcel Sabitzer à Bundesliga.com
Malheureusement pour lui, avec sa sélection, les titres ne risquent pas de pleuvoir. Malgré tout, Sabitzer est le leader offensif de l’Autriche, il a été décisif sept fois lors des huit derniers matches.
Alors Kapitän Sabi va-t-il pouvoir étancher sa soif de victoire ? Leipzig est sur le podium en Bundesliga et peut compter sur un calendrier plus abordable que ses concurrents. Les Roten Bullen se sont également hissés en quart de Ligue des champions.
Sabitzer régale en C1 et a lui-même lancé l’opération dé-plumage sur les poulets de Tottenham. D’ailleurs, selon Bild, la rumeur veut que – à l’instar d’Arsenal – les Spurs s’intéressent de près à leur bourreau. Tout ça ressemble d’assez près au syndrome de Stockholm mais c’est d’abord le coronavirus qu’il s’agirait d’assommer.
Et oui : pour que Marcel Sabitzer gagne, il va bien falloir que la saison se termine. Son contrat court jusqu’en 2022 et le milieu de terrain ne se voit pas quitter le navire. Le board lipsien peut-il craindre que les sirènes étrangères n’attirent son protégé ? La loyauté de l’Autrichien semble bien réelle. Enfin, question fidélité, demandez aux supporters du Rapid Vienne ce qu’ils pensent de celle de Sabitzer.
Crédit photo : Gepa / Icon Sport