Il était une fois : Lisandro Lopez, l’idole par-delà les frontières

Passer après Karim Benzema n’était pas une mince affaire. Et pourtant, Lisandro Lopez l’a fait avec brio, conservant une place toute particulière dans le cœur des Lyonnais. En seulement quatre ans à l’OL, l’Argentin a conquis toute la France par son talent et son attitude exemplaire. Avant de retourner en Argentine, pour achever ce qu’il avait commencé.

Le 2 avril 2019, l’Olympique Lyonnais reçoit le Stade Rennais, en demi-finale de la Coupe de France. En tribunes d’un match capital pour les hommes de Bruno Génésio, une banderole fait son apparition, dans la tribune Nord, celle des Bad Gones. «¡Licha, eterno campeon!» (Licha, champion éternel), peut-on y lire. Et pour cause, de l’autre côté de l’Atlantique, Lisandro Lopez vient d’amener le Racing Club au sommet du football argentin, en s’assurant la Superliga. 

Mais alors, pourquoi les supporters lyonnais, qui n’ont d’yeux que pour leur académie, ont décidé de rendre hommage à cet Argentin, qui a quitté le Rhône six ans auparavant ? À l’heure où les recrues lyonnaises vont et viennent, Licha est resté dans les mémoires des Gones. Aux côtés de Karim Benzema et d’Alexandre Lacazette, il fait partie des numéros 9 qui ont marqué la décennie du club de Jean-Michel Aulas, par sa grinta, son comportement exemplaire, son talent naturel et sa relation privilégiée avec les 45 000 spectateurs du stade Gerland et de tous les amoureux de l’OL.

Une adaptation record

Tout commence au mercato 2009. Après de longues et âpres négociations avec le FC Porto, le président lyonnais arrive à rapatrier un Argentin de 27 ans, pour 24 millions d’euros. Premier match officiel et premier coup de cœur du public lyonnais : Lisandro Lopez, d’un coup franc de filou, égalise en fin de match (89e, 2-2) face au Mans. La semaine d’après, il se fait définitivement adopter par les supporters avec un nouveau but, cette fois sur la pelouse de Gerland contre Anderlecht (barrage aller de Ligue des champions, 5-1).

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Peu de recrues ont cette faculté de directement marquer les esprits. Lisandro l’a eu. Et ce n’est pas uniquement la capitale des Gaules qu’il a su convaincre. Il a emmené tout l’Hexagone du foot avec lui. Pour son premier mois en Ligue 1, il est élu joueur du mois. Pour sa première saison en France, il remporte le trophée UNFP de meilleur joueur de la saison. Dans le millénaire, seul Marcelo Gallardo (en 2000), Zlatan Ibrahimovic (en 2013) et Neymar (en 2018) ont réussi la prouesse de remporter cette distinction individuelle pour leur premier exercice en France.

Cette saison 2009-2010 est l’une des plus enthousiasmantes pour les supporters lyonnais depuis la fin de la première ère Juninho. Emmené par une colonne vertébrale Lloris – Cris – Pjanic – Lisandro, l’OL fait le meilleur parcours en Ligue des champions de son histoire (demi-finale). Et le barbu argentin n’y est pas étranger. En huitième de finale, grâce à une remise intelligente, il permet à Miralem Pjanic de fusiller Iker Casillas à bout portant et réduire le Santiago Bernabeu au silence (1-1). Après le plus bel exploit en match à élimination directe du club de Jean-Michel Aulas, l’OL élimine Bordeaux, en quart de finale. Lisandro Lopez y appose sa patte, avec un doublé au match aller (3-1, puis défaite 1-0 au retour).

Un leader par l’exemple

C’est d’ailleurs lors de cette campagne européenne que Lisandro Lopez impose son caractère. « Il ne s’exprime presque jamais. Mais quand il parle, on le remarque », avait expliqué Cris après l’initiative prise par Licha, avant ce Real Madrid – Olympique Lyonnais. Ce 10 mars 2010, le buteur argentin, arrivé il y a tout juste huit mois à l’OL, placarde le vestiaire d’un message. Avant de se lancer dans une causerie, quelques minutes avant de pénétrer dans l’enceinte madrilène : «Ce soir, c’est à la vie, à la mort. On ne peut pas quitter ce stade sans avoir tout donné. N’ayez aucun regret. Bonne chance à tous.» Bernard Lacombe est conquis par sa nouvelle recrue : «Il s’est passé quelque chose ce jour-là», confirme-t-il.

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Mais un leader de ce nom doit associer les paroles aux actes. Pour cela, vous pouvez compter sur lui. Des petits terrains de la banlieue de Buenos Aires aux 45 000 places de Gerland, Lisandro Lopez n’a pas changé. Ni renié sa personnalité. «Le Taureau», comme il était surnommé à l’OL, était ce soldat qui manque à beaucoup d’équipes aujourd’hui. «C’est le moteur de l’équipe. C’est lui qui donne le ton pour engager le pressing et remonter le bloc. Il ne lâche rien, de la première à la dernière minute, quel que soit le score», explique Aly Cissokho, son ancien coéquipier à Porto et à Lyon. Infatigable, hargneux et passionné, Licha était toujours au pressing, se savait le premier défenseur de son équipe. Et, malgré son mètre 75, on ne comptait plus le nombre de duels aériens remportés face à des adversaires plus grands, mais moins déterminés que lui.

La fin de l’époque lyonnaise gâchée…

La suite de son épopée dans le Rhône suit son cours. L’OL n’arrive plus à s’imposer en Ligue 1 et l’aventure Claude Puel tourne au vinaigre. Si Licha continue de marquer, de briller et de mener l’équipe du mieux qu’il le peut, comme en atteste son unique but en finale de la Coupe de France 2012, ses relations en interne se dégradent. 

Rémi Garde titularise l’international argentin sur le côté gauche de l’attaque et non en pointe. L’homme aux sept sélections avec l’Albiceleste n’accepte pas ce nouveau rôle. «Je n’étais pas d’accord, confie-t-il à la radio Identidad Racinguista. Après six mois comme ça, j’ai rendu le brassard et j’ai dit que je préférais être remplaçant que jouer à ce poste. À la fin de la saison, j’avais l’opportunité d’aller à la Juventus. Le président de Lyon a refusé. À une semaine de la fin du mercato, Villas-Boas m’appelle pour jouer à Tottenham. Nous étions d’accord sur tout et le président m’a encore fermé la porte.»

Si le club a démenti des offres concrètes venus d’Angleterre ou d’Italie, le mal est fait. Lisandro claque définitivement la porte de l’OL, après quatre ans passés au club. Il rejoint le Qatar en 2013 et laisse derrière lui une ambiance délétère en coulisses. Les supporters, eux, s’en contrefichent et rendent un vibrant hommage à l’Argentin qui a su conquérir Lyon. «Je n’ai jamais eu autant d’amour de la part d’un club. Ses supporters ont fait de ces quatre années les plus belles de ma carrière jusqu’à présent» s’était-il ému au micro de RMC en août 2013. La carapace de l’homme de fer se fissure. Des larmes s’y écoulent. 

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…mais la fin de carrière rêvée

Ce départ au pays où les pétrodollars sont rois semblait être une pré-retraite pour l’homme à la barbichette. Il n’en fut rien. Après deux ans à Al-Gharafa et une mini-pige au Brésil, Lisandro Lopez retrouve son amour de jeunesse. Petit garçon, il tapait la balle à Rafael Obligado, un petit village à quatre heures de route de Buenos Aires. En 2016, il reprend ses quartiers au Presidente Juan Domingo Peron, le stade de 51 000 places du Racing Club d’Avellaneda, une ville voisine de la capitale argentine. Le club qui lui a ouvert les portes du football professionnel l’accueille une nouvelle fois en son sein. «Lorsqu’il évoluait à Lyon, ça nous arrivait de regarder des matches du Racing avec un peu de maté, se souvient Hugo Lloris pour la Fox. C’est vraiment le club de son cœur.»

Un an plus tard, Lisandro se blesse gravement au genou. L’occasion pour Alexandre Lacazette de lui rendre hommage, en reproduisant sa fameuse célébration : index sur la tempe. Le Parc OL ne s’est pas non plus privé de montrer qu’il n’a pas oublié l’ancienne icône du club.

Mais le soldat Lisandro s’est relevé. Et de quelle manière. La saison suivante, à 36 ans, il termine meilleur buteur et meilleur joueur du championnat argentin et emmène son Racing Club de Avellaneda au titre de champion national, dans une ambiance tout simplement… argentine. De ses cendres, Lisandro Lopez renaquit pour aller chercher le plus beau titre possible toujours à sa portée. Et, ainsi, laisser une trace indélébile dans la cité de son cœur. De l’Argentine à la France, Licha a fait l’unanimité. Comme peu de monde avant lui. Et comme peu de monde après.

Crédit photo : Icon Sport

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