[Bundesliga] Le football allemand uni contre le racisme

Mercredi, la Commission de contrôle de Fédération allemande (DFB) a annoncé qu’elle ne sanctionnerait pas les joueurs visés par une enquête, suite au soutien manifesté au mouvement #JusticeForGeorgeFloyd et dénonçant le racisme. Analyse du raisonnement de la commission. 

Rappel des faits

George Floyd est décédé par asphyxie le 25 mai lors d’une interpellation à Minneapolis. La scène est filmée puis diffusée sur les réseaux sociaux. Les policiers impliqués sont licenciés dans la foulée puis mis en examen pour homicide et complicité. Un phénomène global s’enclenche et réclame que justice soit rendue pour le défunt. Cet acte n’est malheureusement pas isolé aux États-Unis. En effet, les violences policières à caractère raciales se multiplient sur le sol américain ces dernières années, au même titre que les vidéos des interpellations. En France, cette tragédie a trouvé un écho particulier, notamment du fait de similitudes avec l’affaire Adama Traoré.

Pour ce qui est du football allemand, 4 joueurs ont ostensiblement soutenu la cause sur les pelouses : Sancho, Hakimi, Thuram et McKennie. Les deux premiers ont affiché un t-shirt portant la mention « Justice pour George Floyd ». Marcus Thuram a effectué un geste de protestation contre les violences policières aux  tats-Unis, un genou à terre comme Colin Kaepernick. Pour finir, McKennie a porté un brassard avec la mention réclamant que justice soit rendue. 

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Or, les Lois du Jeu ne permettent pas ce type d’initiative individuelle d’autant plus lorsqu’elles comportent une portée politique. 

Ce que dit le règlement

« Les joueurs ne sont pas autorisés à exhiber de slogans, messages ou images à caractère politique, religieux, personnel ou publicitaire sur leurs sous-vêtements autres que le logo du fabricant. » Loi 4. al. 5, Lois du Jeu. 

En vigueur depuis 2014, ce texte vise à limiter la diffusion de messages par les joueurs en marge des rencontres. En effet, le football professionnel constitue une tribune qui n’a que peu d’équivalents. Il est donc tentant de profiter de celle-ci pour s’exprimer publiquement. Toifilou Maoulida est célèbre grâce à ses bandelettes affichées à chaque but. Andrés Iniesta a célébré le but décisif en finale de Coupe du monde avec un hommage personnel inscrit sur son maillot. Les exemples dans ce domaine sont légion et ils ne datent pas d’hier. Le secrétaire général de la FIFA de l’époque justifiait cette évolution en ces termes : « les messages n’ont pas leur place dans le jeu. » 

https://twitter.com/diarioas/status/1024317937841262592?s=20

Cette explication tient la route en ce qui concerne les messages à caractère personnel, mais est plus contestable dans certains cas. Les Lois du Jeu prévoient ainsi des exceptions encadrées par instances du football et limitées au maillot ainsi qu’au brassard. Les messages affichés sur les maillots suite à une tragédie ou catastrophe entrent dans ce cadre (attentats de Paris en 2015, attentats de Manchester en 2017). Pour cette dérogation, il faut souligner l’uniformité de la diffusion. Tous les joueurs, sans exception, portent le message édité sur leur maillot. Il en est de même pour les campagnes contre le racisme menées par l’UEFA et la FIFA.

Démarches individuelles dans un contexte particulier

Les évènements du week-end dernier relevaient d’initiatives individuelles et non coordonnées à l’échelle d’un club ou de la ligue. C’est ce qui explique et justifie l’intervention de la Commission de contrôle. Celle-ci devait se saisir de ces questions en application des textes cités plus haut. 

Quelques heures après la saisie de de la Commission de contrôle, le président de la FIFA Gianni Infantino s’est exprimé. 

« Pour lever toute équivoque, lors de compétitions de la FIFA, les récentes manifestations de joueurs lors de matches de la Bundesliga mériteraient des applaudissements et non une sanction. Nous devons tous dire non à toute forme de racisme et de discrimination. Nous devons tous dire non à la violence et à toute forme de violence. » – Gianni Infantino, président de la FIFA.

L’avis de la FIFA

L’instance rappelle que « l’application des Lois du Jeu approuvées par l’IFAB est laissée aux organisateurs des compétitions qui doivent faire preuve de bon sens et prendre en considération le contexte entourant les événements ». 

Par communiqué, la FIFA assure comprendre « la profondeur des sentiments et des préoccupations exprimées par de nombreux footballeurs au vu des circonstances qui ont entouré le décès tragique de George Floyd». Ces initiatives s’inscrivent la lignée des nombreuses campagnes contre le racisme promues par la FIFA. L’organisation internationale rappelle s’être « à maintes reprises déclarée résolument opposée à toutes formes de racisme et discrimination ». Elle a récemment renforcé ses règles disciplinaires dans le but de contribuer à lutter contre ce genre de comportement.

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Une victoire pour la lutte contre le racisme dans le football

Le fait de ne pas sanctionner les joueurs constitue une belle avancée. Fritz Keller, le président de la Fédération allemande, a réagi à cette nouvelle : « Je salue pleinement la décision clairvoyante de la commission, et je m’en réjouis. » La DFB rejette fermement toute forme de racisme, de discrimination, et de violence. Elle défend la tolérance, l’ouverture, et la diversité : des valeurs qui sont ancrées dans la charte de la DFB : « Les joueurs ont tout notre respect et notre compréhension pour leurs actions. »

Le football allemand envoie un message clair dans la lutte contre le racisme en soutenant les joueurs dans leur démarche. La souplesse dans l’interprétation des textes est à saluer. Reste à savoir si cette posture volontariste sera adoptée par d’autres fédérations en cas de débordements à caractère raciste. 

Crédit photo : PictureAlliance / Icon Sport.

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