[Liga] Le Clasico, première escale pour Koeman

Dans une atmosphère bouillonnante embrasée par la correction (8-2) infligée par l’impitoyable Bayern Munich en quart de finale du Final 8 à Lisbonne en août dernier, un pompier d’urgence devait se présenter au FC Barcelone pour calmer la situation. Ainsi, Ronald Koeman, légende du club qui offrit au Barca sa première Coupe des Clubs en 1992, quitta la sélection hollandaise pour succéder à Quique Setien, tristement remercié. Après le feuilleton Messi, une fin d’été mouvementée et surtout à la veille d’un Clasico primordial dans la course au titre, l’heure est au premier bilan pour le Barça version Ronald Koeman.  

Un visage nouveau

Si Josep Bartomeu reste accroché aux commandes du navire barcelonais toujours pas sorti de la tempête, une partie de l’équipage a déserté la croisière. Et pas n’importe quelle partie, on parle ici de vieux loups de mer. Arturo Vidal, Ivan Rakitic et Luis Suarez ont fait leur valise après la déroute à Lisbonne. Même si ces trois joueurs étaient (très) loin de donner satisfaction depuis une ou deux années, ce sont trois titulaires importants qu’il faut remplacer. Et pour ce faire, Koeman compose avec ce qu’on lui a donné. Parmi les têtes du Barca post-Final 8, on retrouve ainsi du neuf, et du moins neuf. 

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Derrière, les choses n’ont pas vraiment bougé, si ce n’est le départ de Nelson Semedo préparant l’arrivée du latéral droit Sergino Dest en provenance de l’Ajax, déjà lancé par l’entraîneur batave. Au milieu de terrain Arthur et Miralem Pjanic ont d’abord fait sens inverse entre Barcelone et Turin. Puis Philippe Coutinho, de retour de son prêt en Allemagne, a rapidement été installé en meneur de jeu malgré les incertitudes quant à un éventuel départ définitif. Il apparaît dès aujourd’hui comme un titulaire indiscutable. Indiscutable à l’instar de la pépite espagnole Ansu Fati, lancée l’année dernière presque par obligation par Ernesto Valverde en manque de solutions offensives.

Enfin, Ousmane Dembélé de retour d’une blessure longue de 257 jours s’est fait une place dans la rotation, à l’image de Pedri et Trincao, deux jeunes recrues bouclées avant l’été 2020, qui comptabilisent déjà 204 minutes de jeu en Liga à eux deux. On pourrait donc penser que les choses n’ont pas changé puisque 80% du onze titulaire était déjà présent la saison dernière, mais les quelques mouvements dans le sens des départs comme des arrivées ont donné un vent de fraîcheur à Barcelone. 

4-2-3-1, bienvenue à bord 

Au-delà de l’arrivée des nouvelles têtes, c’est bien l’utilisation de ces joueurs dans un nouveau système orchestré par Koeman qui modélise le nouveau visage catalan. Effectivement, dès les matches amicaux, le technicien néerlandais a tranché pour le 4-2-3-1, système idéal selon lui : «C’est le système parfait au regard de la qualité que l’on a.» La perception «macro» du système implique d’abord l’abandon du célèbre milieu à trois barcelonais, aux dépens d’un double pivot placé derrière un meneur de jeu visible sur la feuille de match. Dans les détails, trois changements majeurs par rapport aux dernières saisons apportent une véritable plus-value. 

D’abord au milieu de terrain, puisque les cartes ont été rebattues suite aux départs des anciens cadres évoqués plus haut. Avec l’installation d’un milieu à deux, l’accent est mis sur Frenkie de Jong qui retrouve sa position préférentielle de l’Ajax Amsterdam et de la sélection nationale. Ce positionnement lui donne une certaine liberté pour faire parler sa grande mobilité sur toute la longueur du terrain. Une qualité difficilement remarquée l’an dernier quand son placement en tant que relayeur dans un milieu à trois le bridait. Ce repositionnement était promesse que son ex-entraîneur en sélection avait fait au micro de NOS en début de saison : «Le plan est de commencer à faire jouer Frenkie de Jong dans la position où il joue également avec l’équipe nationale.» À côté de lui, Sergio Busquets complète ce double pivot, mais se retrouve plus en difficulté dans une position dans laquelle il est beaucoup moins à l’aise. 

Devant, Koeman a fait de Coutinho l’un des éléments moteur du système. Extrêmement mobile, c’est lui qui vient faire oublier l’absence de vrai numéro 9 en se déplaçant sans cesse dans un demi-espace gauche, autrefois déserté. L’occupation de cet espace crée dans un premier temps un lien entre Fati, De Jong et lui, et lui permet de rester proche de Messi, sans marcher dans la même zone. Outre son apport offensif (1 but, 2 passes décisives), le numéro 14 est surtout le premier à déclencher le pressing à la perte de balle en allant vite harceler l’adversaire. Un pressing plutôt encouragent du fait de sa longévité tout au long du match, et qui semble être intégré par la grande majorité des joueurs. 

Mais le facteur X de ce début de saison n’a que 17 ans et s’appelle Ansu Fati. La pépite espagnole est le déstabilisateur (hors Messi) qui manquait au Barça : troisième joueur gagnant le plus de mètres vers l’avant balle au pied, deuxième meilleur dribbleur derrière Messi, joueur le plus décisif par 90 minutes. Dangereux en possession du ballon, très précis dans les petits espaces et dans la surface de réparation, Fati apporte sa pierre à l’édifice pour combler l’absence de buteur. Il est le garant de la largeur, ce qui manquait cruellement au Barça de Valverde et Setien. En définitive, cette association de Jong, Coutinho et Ansu Fati, mêlée au bon début de saison de Jordi Alba, fait pencher le jeu blaugrana sur le côté gauche, dédouanant en partie Lionel Messi des tâches de créations et de finition. 

Des éléments à repenser pour Koeman

Bien que ce que nous propose Barcelone depuis le début de saison est encourageant, certains points capitaux pour la suite sont à travailler. Une première interrogation, peut-être la moins urgente puisqu’elle ne pose pas de problème à l’instant T, est le poste de numéro 9. Sans buteur de formation, pouvons-nous nous attendre à un Barca stérile si Coutinho et/ou Messi sont muselés ? Aujourd’hui le Barca a effleuré ce problème contre Séville (1-1) en étant retombé dans une forme de Messi-dépendance, puis face à Getafe (1-0) avec l’absence de Coutinho. 

Cette interrogation peut alors nous amener à repenser un milieu de terrain certainement voué à muter. Si Busquets est celui qui a le plus de mal à s’adapter au double pivot, Pjanic lui, semble déjà très à l’aise dans cette position. Le Bosniaque est plus mobile et moins rigide que l’Espagnol quand il s’agit de gagner des mètres balle au pied. Défensivement, l’ancien de la Vieille Dame apporte également plus d’équilibre quand il faut défendre des grands espaces. La question du passage à trois au milieu reste donc en suspens puisqu’il rendrait difficile la combinaison des offensifs, ce qui fait pour l’instant la force des hommes de Koeman.

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Une combinaison déjà compliquée par l’incertitude sur le poste de milieu droit. Qui de Griezmann, Dembélé ou Trincao pour occuper le couloir ? Le protégé de Deschamps semble avoir pris un train de retard sur ses concurrents après ses dernières performances peu convaincantes. D’autant plus que son profil n’est sûrement pas l’idéal pour redonner vie à ce côté droit, lui qui manque cruellement de percussion et de personnalité pour jouer à ce poste. Koeman n’a d’ailleurs pas hésité à recadrer le numéro 7 français, réclamant un poste plus axial : «S’il préfère jouer ailleurs [que sur le côté droit], c’est comme ça, mais on ne peut pas jouer avec 10 joueurs au poste de numéro 10.» À terme, Koeman va certainement privilégier l’un des deux autres. Reste à choisir entre l’aisance technique et le pied gauche de Trincao, ou la vitesse et la profondeur de Dembélé. Deux profils différents, à alterner en fonction de l’adversaire mais aussi en cours de rencontre. 

Même si tout n’est pas parfait, le Barça marche sur la bonne voie aujourd’hui. Avec 7 points pris sur 12 possibles, et une première réussie en Ligue des champions contre le Ferencvaros TC (5-1), Koeman n’a pas raté son départ. Son management assez clair remet le rectangle vert au cœur des débats, reléguant la comédie interne au second plan. L’émergence et l’intégration des jeunes pépites au sein de l’équipe redonne de la couleur et de l’orgueil à un Barcelone en pleine transformation. 

Crédit photo : Marca / Icon Sport

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