Jean-Luc Vannuchi en bref :
- 50 ans (né le 13 septembre 1970)
- Situation actuelle : France moins de 20 ans (sélectionneur depuis 2018)
- Ancien défenseur : OGC Nice (Champion de France de D2), EA Guingamp, AS Cannes, Nîmes Olympique
- Entraîneur : Nîmes Olympique, Paris FC, FC Martigues, AJ Auxerre (finaliste Coupe de France 2015), Gazélec Ajaccio
Dans cette première partie d’interview, le sélectionneur Jean-Luc Vannuchi évoque son année 2020, son rapport à ses joueurs, ses missions au sein de la FFF et la vitrine médiatique que représente la sélection. Rencontre.
L’année 2020 de la sélection a été marquée par de nombreux imprévus en raison du contexte sanitaire. Pouvez-vous nous rappeler, étape par étape, ce qu’il s’est passé ?
Il y avait un Tour Elite en novembre 2019 au Danemark. On avait joué la Finlande, les Îles Féroé et le Danemark justement. On s’était qualifiés pour un nouveau Tour Elite qui devait se tenir en mars 2020 en France, dans les Landes. Notre groupe se composait de la Russie, de l’Écosse et de la Géorgie. Ce tournoi-là était qualificatif pour le championnat d’Europe des moins de 19 ans.
Covid et confinement obligent, on a stoppé la saison. Cependant, ce championnat d’Europe est qualificatif pour la Coupe du monde U20. Il a donc été maintenu cette saison. Pour être plus clair, on refaisait un Tour Elite U19 avec des 2001 de 20 ans. Depuis septembre 2020, il a été reporté plusieurs fois. Au bout de trois reports, ils ont carrément annulé le championnat d’Europe U19, et ils ont qualifié les cinq meilleurs nations européennes au classement UEFA de la catégorie : Angleterre, Italie, Portugal, Pays-Bas et nous. Donc nous cinq là, on est censés faire la Coupe du monde U20 en mai en Indonésie.
(Depuis cet entretien, la FIFA a annoncé, en raison du contexte sanitaire, l’annulation de la Coupe du monde U20 le 25 décembre 2020* ndlr)
Point sur la Coupe du Monde Féminine de la FIFA™ et les compétitions masculines de jeunes :
le Bureau du Conseil de la FIFA a pris plusieurs décisions concernant des compétitions à venir.➡️https://t.co/7XL3fH3dXf pic.twitter.com/QTo4hsp4wK
— FIFA.com (FR) ⚽ (@fifacom_fr) December 24, 2020
Que pensez-vous de la décision de qualifier des équipes avec le classement FIFA ?
Moi, je la trouve sage. L’UEFA se devait d’organiser sept Tour Elite en Europe. N’ayant pu, à mon avis, se garantir d’en organiser la totalité, ils ont tout annulé, et même le championnat d’Europe derrière. C’est vrai que c’est un luxe pour nous d’être automatiquement qualifiés, je le dois aux anciennes générations. La France est deuxième au classement FIFA des moins de 19 ans.
Cette Coupe du monde, elle représenterait de gros enjeux pour la génération 2001…
Oui. La génération avait raté la qualification pour le Championnat d’Europe U17, juste avant que j’arrive. Depuis, on n’a pas fait de compétition officielle. Cette génération n’a pas joué de Championnat d’Europe ni de Coupe du monde. C’est leur dernière année avant de rejoindre la catégorie Espoirs, et donc leur dernière opportunité de faire une compétition en catégorie de jeune. Ce serait un échec de passer à côté pour eux. Même pour moi, en temps que sélectionneur, ce serait frustrant, d’avoir suivi cette génération depuis trois ans et in fine, de ne pas avoir pu jouer quelque chose avec eux.
Comment parvenez-vous à concerner vos joueurs en cette période si particulière ?
Ce n’est pas évident. On garde les liens avec notre groupe WhatsApp de la sélection. Pendant le premier confinement, j’ai appelé plus de soixante joueurs pour prendre de leurs nouvelles. J’ai fait la démarche individuelle de tous les contacter.
Je pourrais organiser un rassemblement hors dates FIFA, mais les clubs n’ont pas l’obligation de me donner les joueurs. Ça n’a pas trop de sens d’organiser un rassemblement à vide. Donc on va être patient et on va garder le lien avec tout le monde. Au quotidien, je suis le temps de jeu des uns et des autres, je regarde leur match grâce à la plateforme. De ce fait, je sais ce qu’il se passe en France et à l’étranger. Ensuite, je me rapproche en temps et en heure des entraîneurs pour avoir un peu plus d’infos.
Qu’entendez-vous par la plateforme ?
C’est un outil, je ne vais pas dire le nom, qui me donne accès à tous les matchs de la planète. Je m’en sers pour observer nos futurs adversaires, mais aussi pour suivre mes joueurs au quotidien.
Vous êtes le sélectionneur actuel de l’équipe de France U20 masculine, la génération 2001/2002. Avez-vous d’autres missions au sein de la FFF ?
Oui. Je suis responsable du groupe de travail sur les défenseurs. Cela consiste à analyser l’aspect défensif de chaque système, contre chaque système. Je suis également cadre permanent sur deux formations à Clairefontaine. En plus de cela, je suis observateur pour les A.
En quoi cela consiste ?
On est plusieurs observateurs pour Didier (Deschamps, ndlr.). Pour l’Euro, avant qu’il soit annulé, je devais faire six matches en neuf jours. Je partais en Angleterre, en Roumanie, en Écosse, au Danemark… On fait tout simplement un rapport du match, qu’on présente à Didier au château.
Je suis allé en Turquie, en Albanie pour voir les adversaires des Bleus, dans le cadre de la qualification pour la Coupe du monde 2022. Moi, j’adore, c’est top. J’avais qu’une envie, c’était de faire l’Euro. J’espère le faire l’année prochaine s’il a lieu.
Et vous, pour la sélection, vous avez un observateur ?
Avec la plateforme, je m’en sors. Mais quand on part en compétition, on part avec un observateur, qui regarde nos adversaires.
Vous disiez prendre des nouvelles individuellement de vos joueurs, encore plus durant le confinement, comment faites-vous ?
En sélection, il faut donner envie aux joueurs de revenir. Nous, on a un suivi de plus de cent joueurs depuis leur 16 ans dans un tableau qui répertorie pleins d’informations. Notamment sur le plan scolaire, familial, s’ils ont des agents ou non. Il y a des jeunes joueurs qui sont transférés à l’étranger et qui partent avec la famille entière pour garder un cocon et se mettre dans les meilleures dispositions. On a un suivi à la fois sur les années, mais aussi au quotidien. Aujourd’hui, ils sont tous en pro, ils savent pourquoi ils jouent ou pourquoi ils ne jouent pas. Au-delà du Covid, c’est un suivi qui est normal dans les sélections.
En temps que sélectionneur, est-ce que vous voyez de la concurrence entre certains joueurs qui auraient déjà atteint un certain niveau et d’autres encore en phase d’éclosion ?
De la concurrence il y en a. Mais quand ces joueurs sont là, ça tire le groupe vers le haut. Tout le monde à envie de les rejoindre. J’ai des joueurs qui jouent en D2 belge, et d’autres qui peuvent jouer la Ligue des champions. Il y a une différence de niveau à l’instant T, mais ça reste sincèrement très positif. Ce sont des valeurs ajoutées, ils servent plus d’exemples que ne suscitent de jalousie.
La sélection, c’est une vitrine médiatique importante pour ces jeunes talents. Peut-il y avoir certaines pressions sur vos choix ?
Il n’y a pas de pression particulière. J’ai des 20 ans, ils sont tous pro. Mais quand j’ai pris la sélection en 2018, certains d’entre eux étaient en fin de contrat stagiaire dans leur club et n’avaient pas encore signés pro. Dans ce cas-là, la fédération essaye d’aider les clubs français. Il m’est arrivé de ne pas sélectionner certains joueurs parce qu’ils n’avaient pas encore finalisé leur contrat dans leur club. Si je sélectionne, la négociation, notamment salariale, ce n’est plus du tout la même. Si le joueur n’est pas encore abrité par son club, ça crée des problèmes. Dès qu’un jeune porte le maillot de l’Équipe de France, les yeux se portent directement sur lui, obligatoirement.
Recontacté par nos soins, Jean-Luc Vannuchi n’a pas donné suite à notre sollicitation.*
Merci à la FFF d’avoir accordé cette interview, et merci à Jean-Luc Vannuchi pour son temps et sa disponibilité.
Propos recueillis par Matthias BERINGER pour Ultimo 10.
Crédits photo : Nolwenn Le Gouic / Icon Sport.