[Premier League] Chelsea : Mason Mount, le good guy des Blues

Malgré ses airs de gentil garçon, Mason Mount est un véritable petit filou avec ses adversaires. À 22 ans et toutes ses dents, il s’impose comme le premier de la classe chez les Baby Blues. Alors que Chelsea vient tout juste de changer de prof principal, Mason lui enchaîne toujours les bonnes notes.

Il y a un an et demi, Ultimo Diez vous racontait l’éclosion de Mount et retraçait son parcours. Mais depuis, de l’eau a coulé sous le Tower Bridge et le jeune anglais a pris du galon. Avec bientôt deux saisons de Premier League dans les jambes, analyse du jeu de Mason Mount.

Good bye Frank…

Couvé par Frank Lampard depuis son passage à Derby County puis à Chelsea, Mount a occupé plusieurs postes sous l’ex-légende des Blues. Il faut dire qu’il n’est pas du genre à s’asseoir au fond de la classe près du radiateur. Au contraire, le garçon glisse de chaise en chaise mais est toujours le premier sur la liste d’appel. L’an passé, il a joué derrière l’attaquant en 4-2-3-1 et parfois sur le côté gauche. Cette saison, c’est principalement en 8 qu’il a exercé. Un 4-3-3 composé de Kanté en pointe basse, Kovačić relayeur droit et Mason à gauche a clos le mandat de Lampard.

Dans cette position, Mason Mount joue un peu plus haut que ses deux compères et assure un mouvement qui fait défaut à son équipe. Là où les Londoniens peinent à avancer en bloc médian, lui peut assurer la projection vers l’avant aussi bien balle au pied qu’en cherchant les intervalles. Il est très utile sur transition grâce à son jeu long précis et sa bonne lecture de la profondeur. Il était donc généralement assez sollicité et ressortait du lot tant sa mobilité avec et sans ballon aidait Chelsea à progresser.

Avec Lampard, il animait le côté gauche avec beaucoup de liberté puisqu’il était presque seul garant du mouvement de l’équipe. Les premières traces de son nouveau rôle avec Tuchel se dessinent dans le demi-espace droit. Via Sofascore

…willkommen Thomas !

Mais alors que la classe de Mr Lampard sombrait en plein décrochage scolaire, le directeur de l’école a réagi. Exit le British et bienvenue à un nouveau prof à l’accent allemand. Pas de quoi inquiéter Mason, bien décidé à rester le chouchou et qui chante déjà les louanges du nouveau venu.

Désormais, il évolue en tant que milieu offensif excentré dans le 3-4-2-1 de Thomas Tuchel. Il joue généralement à droite mais peut passer à gauche lorsqu’il est associé à Ziyech. Mason joue donc un cran plus haut qu’auparavant mais n’a pas perdu en influence. Plus près de la surface, il peut se mouvoir facilement entre les lignes où sa justesse fait souvent des dégâts. Sa position moyenne est généralement axiale, lui permettant de tourner assez proche de l’attaquant de pointe avec qui il peut combiner.

Placement moyen de Mason Mount (19) face à Southampton. Il joue assez haut et très axial, proche de Tammy Abraham. Via Sofascore

Néanmoins, dans le dernier tiers il touche principalement ses ballons dans le demi-espace droit (gauche s’il est de ce côté). C’est une zone dans laquelle il attaque très bien l’espace entre le central et le latéral. Il y est souvent servi par le piston, Reece James ou Callum Hudson-Odoi, qui peut aussi rentrer dans l’axe et lui laisser l’aile. Cela n’est pas un problème pour Mason qui est très habile pour des rentrées extérieur-intérieur balle au pied.

Si ce placement est possible, c’est en grande partie grâce au nouveau rôle de Mateo Kovačić. Le Croate, assez timide en première moitié de saison, a retrouvé sa splendeur dans un double-pivot composé avec Kanté ou Jorginho. Il gagne énormément de mètres balle au pied et permet à Chelsea de briser les premières lignes adverse. Il peut monter assez haut avec une sécurité derrière lui, surtout s’il s’agit de Jorginho qui joue beaucoup plus bas. Grossièrement, il remplace en quelque sorte le Mount numéro 8 qui devait faire avancer l’équipe avec Lampard. Mason est maintenant plutôt un décanteur dans la zone dangereuse.

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Un joueur qui va de l’avant

Mason Mount est donc adaptable à nombre de systèmes et peut jouer 8, 10, sur un côté voire attaquant de soutien. Il tire cette polyvalence d’une palette très complète et un savoir-faire avec comme sans le ballon. Quoi qu’il fasse, son but demeure le même : aller de l’avant et faire avancer l’équipe.

D’abord, ses prises de balles sont très verticales. Lorsqu’il part de loin sur le terrain, il se retourne assez vite et pousse l’adversaire à défendre en reculant. Il cherche le plus possible à s’orienter en direction du but, comme évoqué sur ses rentrées depuis l’aile où il fixe le latéral en attaquant en diagonale. Le numéro 19 des Blues perd très peu en mobilité lorsqu’il porte le ballon.

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Il se déplace presque aussi bien que lorsqu’il ne l’a pas et réalise 7,49 chevauchées avec le ballon par 90 minutes en moyenne cette saison. Cette statistique désigne le nombre de courses avec le ballon d’un joueur qui ont fait gagner 5 mètres ou plus à son équipe (les premiers 40% du terrain ne sont pas comptés). Autrement dit, Mount fait beaucoup avancer son équipe cette saison puisqu’avec 170 chevauchées réussies, il est le neuvième joueur de Premier League a en avoir réalisé le plus.

De taille plutôt moyenne (1m78 pour 70kg), Mason Mount a un profil assez fin qui lui donne l’impression d’être insaisissable. Le droitier est vif avec une bonne capacité d’élimination, notamment quand un adversaire sort vite sur lui. Sa cheville très élastique lui permet d’enchaîner rapidement une touche supplémentaire de l’extérieur du pied pour changer de direction sur un seul appui. Il est par conséquent à l’aise pour dribbler dans un petit périmètre et peut même gérer des situations de deux contre un, lorsqu’il est enfermé sur un côté par exemple.

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Il est donc difficile de lui récupérer la balle dans les pieds, faculté dont il profite à de multiples égards. Lorsqu’il est servi aux abords de la surface adverse, sa capacité de conservation lui permet de résister à la densité autour et sa lecture des appels donne souvent lieu à de bons services dans les intervalles.

Maître sans ballon

L’une des matières préférées de Mason est le jeu sans ballon. Étant très mobile, le marquer n’est pas chose aisée. Il a d’abord une facilité à se situer entre les lignes qui, couplée avec ses prises de balles, lui permet de s’orienter très vite dans le sens du jeu.

Ses courses pour attaquer la surface sont elles aussi souvent bonnes. Il a marqué plusieurs buts en partant du demi-espace gauche avec une course diagonale pour rentrer sur son pied droit. Enfin, il apprécie se situer proche du buteur pour jouer en appuis-remises, autant sur transition que dans les 30 derniers mètres.

Il est le neuvième joueur ayant reçu le plus de passes vers l’avant en championnat, dans un classement essentiellement composé d’ailiers et buteurs. L’Anglais tire parti de ce rôle de milieu offensif liant attaque et entrejeu. Il compense aussi le manque de mouvement d’un Chelsea très rigide sous Lampard et qui permute encore peu avec Tuchel.

Mount touche en moyenne 71,4  ballons par match (d’après fbref.com), 35% des autres milieux de Premier League en touchent plus. En revanche il en touche 33,1 dans le dernier tiers et seul 2% des autres milieux font mieux. Il faut tout de même nuancer cela en ajoutant que Chelsea est la troisième équipe ayant le plus la possession du Royaume. Une donnée d’autant plus vraie depuis l’arrivée du coach allemand.

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Le jeu défensif du jeune londonien est lui aussi porté vers l’avant. Avec un bon coffre et une forte activité, Mason est l’un des presseurs les plus réguliers du championnat. Il affiche 20,6 pressions par 90 minutes et se classe sur le podium de Premier League. Il commet néanmoins encore beaucoup de fautes. Déjà 42, soit le troisième plus gros vilain cette saison en Angleterre. Le bon élève aux élans bad boy ratera le retour face à l’Atletico après avoir cumulé les avertissements pour mauvaise conduite.

Une bonne patte

Une qualité qui frappe chez Mason est justement son très bon pied droit. Sa technique de tir lui permet de déclencher avec peu d’appuis et il est capable de fermer son pied au dernier moment pour masquer sa frappe. Il est aussi une grande menace sur coups de pieds arrêtés, ayant marqué 8 coups francs directs dans sa jeune carrière en 75 tentatives. Il n’en a cependant mis qu’un seul à Chelsea, partageant les essais avec d’autres bons tireurs et opposé à de meilleurs gardiens qu’au Vitesse Arnhem ou à Derby County.

L’international anglais brille aussi sur corners qu’il dépose très souvent sur la tête d’un coéquipier. Il a délivré trois passes décisives de cette façon cette saison. Pour le situer, on peut calculer son indicateur de xA (expected assists) par corner frappé. Il tourne cette saison à plus de 0,023 xA/corner. Une valeur similaire à la moyenne de bons tireurs comme Messi ou Di María ces dernières saisons. Il faut concéder que cette mesure demeure incomplète. Elle ne tient ni compte du nombre de joueurs présents dans la surface ni de la qualité des receveurs. Thiago Silva, Zouma ou Giroud performent par exemple dans les duels aériens offensifs.

Mason Mount est aussi l’un des quatre plus gros distributeurs de passes clés en championnat avec Grealish, De Bruyne et Fernandes. Seulement, si plus de la moitié des siennes viennent de corners, les trois autres font au moins 65% de leurs passes clés dans le jeu. Par conséquent, les leurs sont bien plus dangereuses que celles du Londonien. Grealish tourne à 0,12 xA/KP, Fernandes à 0,13 et KDB à 0,15. De son côté, le milieu des Blues n’est qu’à 0,09 xA/KP.

Cela fait sens car Mason est pour l’instant un joueur inférieur aux trois monstres cités, notamment en terme de créativité. Dans une logique collective, cette différence illustre aussi la difficulté de Chelsea à déséquilibrer les blocs adverses et à se créer des occasions. Les chiffres de l’Anglais sont tout de même en hausse avec sa position plus haute sous Tuchel et le garçon monte encore en puissance.

Il est encore difficile d’appréhender le plafond du jeune anglais. S’il est leader technique de Chelsea, l’équipe est relativement jeune et le recherche bien souvent. Toutefois, on peut avancer que son plancher est largement celui d’un très bon joueur de Premier League. Ses fondamentaux sûrs, doublés d’un physique mobile et d’un gros moteur, font de lui un élément précieux.

Match après match, le garçon poursuit sa progression et conquiert l’admiration de tous ses professeurs. Mais loin de se satisfaire du titre de premier de sa classe, Mason vise sans doute bien plus haut.

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