C’est devenu une habitude, le mercato nous aura livré son lot de surprises, un bon nombre de critiques envoyées par Jean-Michel Aulas au PSG, et des infos bidons relayées par Yann Orhan. Mais rassurez-vous… On est au moins tranquille jusqu’au mois de janvier. Nos internationaux ont toujours la cote, et ce n’est pas Ousmane Dembélé qui vous dira le contraire. En l’espace d’un an, le jeune prodige sera passé de la réserve du Stade Rennais au Barça, en passant par le Borussia Dortmund. Le montant de son transfert vers le club catalan s’élève par ailleurs à 105 millions d’euros, hors bonus. Hallucinant quand on pense qu’il n’avait coûté « que » 15 millions l’année précédente. Nous ne sommes pas ici en ce jour pour remettre en cause les qualités de Dembouz, qui sort d’une première saison pleine et aboutie (6 buts et 12 passes décisives en Bundesliga, et des performances remarquables en Ligue des Champions), mais pour parler de son remplaçant au sein de l’effectif du Borussia Dortmund : Andriy Yarmolenko.
Arrivé le 28 août dernier en provenance du Dynamo Kiev, Andriy Yarmolenko est le nouvel ailier droit de l’équipe coachée par Peter Bosz. Le nom du joueur ukrainien ne vous est sûrement pas inconnu. Souvent évoqué lors des derniers mercatos, il était annoncé du côté d’Arsenal – comme beaucoup d’autres joueurs me direz-vous – ou encore à Liverpool. C’est finalement en Allemagne qu’il posera ses valises, dans le club qui le suit depuis une bonne paire de saisons.
Aujourd’hui âgé de 27 ans, il est presque trop tard pour lui s’il veut réaliser une carrière à la Shevchenko. En réalité, on pourra considérer son parcours réussi s’il fait au moins aussi bien que son compatriote Yevhen Konoplyanka, passé par le FC Séville et aujourd’hui à Schalke 04. Mais attention, on ne parle pas non plus d’un Dmytro Chygrinskiy (le plus gros flop de l’aire Guardiola au Barça), même si l’indemnité de transfert est identique : 25 millions d’euros.
Andriy Yarmolenko est tout de même expérimenté sur le plan européen et est l’un des piliers de sa sélection. Il a inscrit 29 buts en 70 matchs avec l’équipe nationale et a disputé plus de 340 matchs avec le Dynamo Kiev (et a inscrit 137 buts). Yarmolenko est un joueur brillant. Chaque saison, il est habitué à claquer sa petite quinzaine de buts, à délivrer ses dix passes décisives en championnat, ni plus, ni moins.
Andriy Yarmolenko sous ses nouvelles couleurs (source: bvb.de)
Progression stoppée dans un championnat dévasté
Mais ici, le « ni plus, ni moins » est problématique lorsque l’on jette un œil à la Primer-Liha, le championnat ukrainien. La Primer-Liha était considéré il y a de cela quelques années comme un bon petit championnat, où le niveau était correct sans non plus atteindre des sommets. Se battaient pour le titre le Shakhtar Donetsk, le Dynamo Kiev mais également le FK Dnipro et le Metalist Kharkiv.
Malheureusement, la géopolitique a eu raison du football en Ukraine et le niveau y est devenu relativement faible. Pour faire court, le pays est depuis plusieurs années tiraillé entre un ralliement à l’Europe ou à Moscou. Après le refus de signer un accord d’association avec l’Union Européenne, de violentes manifestations ont éclaté sur l’ensemble du territoire, et surtout à Kiev.
En 2014, le président du moment est destitué, puis remplacé par un pro-européen. Cette décision ne fait pas l’unanimité (ce serait trop simple), surtout du côté de la Crimée, une province autonome qui proclame son indépendance et annonce son ralliement à la Russie. Le pays s’engouffre alors dans une crise diplomatique de grande ampleur. D’autres régions décident également de se séparer du gouvernement en place. Une opposition armée a lieu entre l’armée ukrainienne, forcée d’intervenir, et les séparatistes, soutenus par la Russie.
Histoire d’envenimer encore plus les choses, un vol Malaysia Airlines est abattu en survolant la région du Donbass. Le bilan est lourd : 300 morts. L’armée ukrainienne accuse les séparatistes pro-russes d’avoir fait crasher l’avion, et inversement. En quelques mots, c’est la merde.
On se doutait bien qu’avec cette situation, le football ukrainien prendrait un sacré coup derrière la tête. De nombreux joueurs ne voulaient même plus remettre les pieds au pays (sept au total). Du côté du Shakhtar, le premier à quitter le navire fut l’Argentin Facundo Ferreyra. Prêté à Newcastle en 2014, il est finalement revenu au club depuis. C’est le même cas de figure pour Douglas Costa, dont la femme déclarait que son mari avait peur et qu’il ne voulait pas dire où il se trouvait au moment des tensions. En 2015, il fait également ses valises pour rejoindre le Bayern Munich, et est actuellement prêté à la Juventus. Le dernier à avoir déserté est Alex Teixeira, parti en Chine au Jiangsu Suning en 2016. D’autres sont finalement restés au club à l’image des trois autres brésiliens Fred, Ismaily et Dentinho. Du côté de Kharkiv, l’Argentin Sebastian Blanco déclarait : « Après le crash de l’avion de Malaysia Airlines, je n’ai aucune intention de retourner en Ukraine. La situation là-bas est actuellement anormale. J’ai décidé de rester à Buenos Aires ». Il signe à West Bromwich en 2014, retourne ensuite au pays et évolue aujourd’hui à Portland, aux Etats-Unis.
Pour le FK Dnipro, les choses allaient encore plutôt bien. Vous avez surement découvert le club lors de la saison 2014/2015, sous un nom imprononçable : Le Dnipro Dnipropetrovsk. Le club auteur d’un parcours héroïque et complètement inattendu, s’est retrouvé en finale de l’Europa League face au FC Séville coaché par Unai Emery. Mené par Yevhen Konoplyanka, le club termine second de sa poule, derrière l’Internazionale. Il avait ensuite successivement éliminé l’Olympiakos, l’Ajax, Bruges puis à la surprise générale, Naples en demi-finale. En finale, c’est l’ex bande à Unai qui s’impose sur le score de 3 à 2. Mais toutes les belles histoires ont une fin. Le club appartient à Igor Kolomoisky, 3ème fortune du pays, un personnage un peu louche. Sa présidence se résume à cette citation tirée du film « La Haine » de Kassovitz.
« C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de cinquante étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute il se répète sans cesse pour se rassurer : jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien. Mais l’important n’est pas la chute, c’est l’atterrissage. »
Pour lui, l’atterrissage est brutal. Il accumule les dettes et se retrouve vraiment touché par la crise ukrainienne. Il décide alors de ne plus claquer ses ronds dans la gestion du Dnipro. Pas d’argent, plus de joueurs et la star du club Yevhen Konoplyanka s’engage gratuitement chez le bourreau sévillan un mois après la finale. De même pour Jaba Kankava qui arrive au Stade de Reims et Nico Kalinic qui signe à la Fiorentina. Salaires impayés et résultats décevants, le club perd également son gardien Denys Boyko qui signe en Turquie, au Besiktas.
N’est pas Lannister qui veut, Igor Kolomoisky ne parvient pas à rembourser ses dettes colossales. Le FK Dnipro reçoit une pénalité de 12 points au classement et doit vendre la majorité de ses joueurs. L’UEFA s’en mêle et menace d’interdire le club de participer aux compétitions européennes pendant 3 ans. Cette sanction est presque inutile car le Dnipro est relégué en seconde division ukrainienne à l’issue de la saison. Pour le Metalist Kharkiv, c’est le même cas de figure sauf que le club a totalement disparu.
Le problème pour Andriy Yarmolenko n’est pas qu’il joue dans un championnat dont le niveau baisse un peu plus chaque année, mais qu’il ne parvient pas à apporter plus à son équipe malgré le contexte. Qu’est-ce que ça va donner chez un cador européen ? D’autant que ses performances en Europa League ne sont pas à la hauteur… Annoncé comme l’un des leaders de l’équipe nationale, il n’arrive pas non plus à empêcher la déroute ukrainienne lors du dernier Euro. La sélection termine dernière de sa poule, avec 0 point – Oui oui, comme l’OM en Ligue des Champions –. Sa valeur marchande et sa cote baissent. L’opinion publique ukrainienne est d’ailleurs extrêmement surprise de son transfert à Dortmund, et pour un tel montant. Le joueur peut-il encore progresser ?
La réponse est oui. Si tous les journalistes s’accordent à dire que son niveau a eu tendance à stagner au cours des dernières saisons, ils sont également d’accord sur le fait qu’il avait tout simplement besoin de changer d’air. Tous ont le sentiment qu’il est capable de faire bien mieux.
Finalement, Yarmolenko : bonne ou mauvaise idée ?
En quoi Andriy Yarmolenko est la recrue idéale pour le Borussia Dortmund ? L’ailier droit ukrainien va pouvoir miser sur sa polyvalence et son expérience pour performer à un poste où les déceptions ont été nombreuses. Ciao Emre Mor aka le « Messi Turc », transféré au Celta Vigo pour la coquette somme de 16 millions d’euros. La pépite n’aura jamais su s’imposer à Dortmund. Le club ne peut également plus miser sur Andre Schurrle, abonné VIP à l’infirmerie. En revanche, il pourra tout de même s’appuyer sur Christian Pulisic. Le jeune américain sort d’une première saison au plus haut niveau très convaincante. Il est incontestablement l’un des plus gros cracks de sa génération.
Une autre alternative existe en la personne de Jadon Malik Sancho. Arrivé cet été en provenance de Manchester City pour 7 millions d’euros, l’ailier gauche de formation peut également évoluer à droite. Pourquoi s’attarder sur un gamin de 17 ans ? Dans le jargon footballistique, il est ce qu’on appelle un crack. A 15 ans, City l’arrache à Watford contre une indemnité de 700.000 euros, rien que ça ! Meilleur joueur de l’Euro U17 avec l’Angleterre, le jeune Jadon a déjà tout d’un grand, au point de déjà partir au bras de fer avec son club pour rejoindre Dortmund. Une chose est certaine, on entendra parler de lui !
Mais aucun des joueurs cités n’a un profil ne serait-ce qu’un tout petit peu similaire à celui de Yarmolenko. Il faut dire que l’international ukrainien a un profil atypique pour jouer ailier droit. Premièrement il mesure 1m89, soit 20 centimètres de plus que Messi. La comparaison entre les deux joueurs n’a pas lieu d’être, mais s’il fallait mettre une de leur qualité commune en avant, ce serait leur pied gauche. Andriy Yarmolenko est un pur gaucher dont le style de jeu pourrait s’apparenter à celui d’Arjen Robben. Pour repiquer dans l’axe afin de trouver un angle de tir, il faut être technique ! Ça tombe bien, le ballon est loin d’être son ennemi.
Plutôt bon dribbleur, il est également très intelligent et précis sur le terrain. Capable de fulgurances, Yarmolenko peut à lui seul changer l’issue d’un match. Il peut trouver la petite faille dans une défense pour faire la passe parfaite ou tenter sa chance. Une autre qualité à souligner et qui va de pair avec sa taille, c’est sa puissance. Son gabarit lui permet de conserver plus facilement la balle.
En signant au Borussia Dortmund, Andriy Yarmolenko fait un gigantesque pas en avant dans sa carrière. Il devra d’abord s’adapter à la culture locale, à la langue et surtout au jeu pratiqué. L’Ukrainien a clairement une carte à jouer, et tant à apporter à sa nouvelle équipe. Sous contrat jusqu’en 2021, espérons pour lui qu’il contribuera au succès du Borussia Dortmund et laissera une trace de son passage en Allemagne.
Photo credits : AFP PHOTO / THOMAS KIENZLE /