Etre impliqué sur 18 buts en 21 matchs en championnat en n’étant ni vraiment un 10, ni vraiment un 8, ni vraiment un 9 et demi, c’est la prouesse qu’est en train de réaliser Bruno Fernandes cette saison avec le Sporting CP. Véritable maître à jouer de son équipe cette saison et nouveau capitaine désigné, il porte toute une équipe en étant au centre du jeu. Alors qu’il est probable qu’il soit en train de vivre sa dernière saison au SCP, focus sur le meilleur joueur de Liga Nos sur l’exercice 2018-2019 dont la jeune carrière est marquée par le petit à petit, le peu à peu, le pas à pas mais toujours effectué de manière réfléchie.
Un avenir incertain par-delà les Alpes
Né à Maia, la ville dans laquelle se situe l’aéroport international de Porto, Fernandes n’a pas connu la jeunesse radieuse plus commune des cracks portugais que l’on connaît aujourd’hui en étant formé dans l’un des trois grands clubs du pays. Il a en effet été repéré par Boavista durant sa petite jeunesse où il va jouer des U13 aux U19. Malgré une aisance balle au pied évidente, celui qui joue à ce moment-là numéro 10 est jugé trop frêle et manquant de volume de jeu , une qualité appréciée par les formateurs portugais qui se veulent particulièrement rigides sur le fait qu’un milieu de terrain doit être capable de jouer dans au moins deux registres s’il veut devenir professionnel. C’est le genre de problématiques que l’on se pose moins en Italie puisque le club de Novara Calcio fait preuve de flair en allant chercher le joueur de 18 ans en 2012 pour 40 000€. Il se fait remarquer en marchant sur la Serie B et s’engage du côté de l’Udinese un an plus tard, en 2013. Là encore, il va devoir se faire une place. Chose qu’il accomplit de façon plutôt satisfaisante, ce qui lui vaudra de gravir un autre échelon en étant prêté avec option d’achat à la Sampdoria en 2016.
Sa saison 2016-2017 est une saison canon. SI l’on jette un oeil à ses lignes de stats’, rien de bien impressionnant : 35 matchs, 5 buts, 3 passes décisives. Des statistiques correctes mais à relativiser. D’abord, la Samp réalise une saison sans plus avec une dixième place en Serie A, une défense friable, une attaque qui croque beaucoup et surtout un plan de jeu difficile à entrevoir (à sa décharge, Marco Giampolo, entraîneur de l’équipe qui l’est d’ailleurs toujours devait faire face à plusieurs imprévus notamment qualitatifs). C’est justement grâce à Giampolo qu’il va acquérir le volume de jeu qui lui manquait pour ne pas être qu’un simple meneur de jeu. Meneur de jeu certes de qualité, mais seulement meneur de jeu pour autant. Après sa bone voire très bonne saison, la club génois décide de lever son option d’achat. Deux jours seulement après cette levée, le signe qu’il est en train d’arriver à maturité survient, tel un message venu du ciel : un grand club portugais.
Une reconnaissance acquise en rentrant au pays
C’est donc au Sporting Clube Portugal que Bruno Fernandes signe le 2 juillet 2017 pour un peu plus de 9 millions d’euros. Alors âgé de 22 ans, il n’est pas encore tout à fait légitime car il n’a encore rien prouvé au Portugal, il est assez jeune et arrive en provenance d’un club moyen du championnat italien. Comme évoqué précédemment, il a gagné en volume de jeu. Plus que cela, il est en réalité devenu un monstre de polyvalence pouvant s’adapter à quasiment tous les systèmes possibles. C’est l’un des éléments qui permet d’expliquer pourquoi Jorge Jesus, son coach de l’époque, l’apprécie tant et joue donc énormément de matchs en tant que titulaire sur l’exercice 2017-2018. Tantôt aligné derrière Bas Dost en attaque où il est décisif au moins une fois par match, il lui arrive aussi de jouer 8 assez avancé sur le terrain, lui permettant de faire jeu. Enfin, cela est arrivé moins souvent mais c’est tout de même arrivé, il a parfois joué numéro 10 devant deux sentinelles. Résultat : 20 passes décisives et 16 buts en 56 matchs. Pas mal du tout.
Cette saison se veut plus stable du point de vue de son positionnement sur le terrain car il est principalement aligné dans un rôle de trequartista, à mi-chemin entre le rôle de 8 et celui de 10, il peut donc laisser s’exprimer sa vista et son sens de l’organisation tout en participant aux efforts. En plus de sa vision de jeu, son sens de la passe, sa grosse frappe de loin, etc dont les mérites sont largement connus, il dispose également de deux qualités dont on parle moins mais qui sont tout autant précieuses pour un milieu. Sa capacité à se projeter, d’abord, est assez impressionnante. Il est capable d’effectuer des rushs balle au pied sur plusieurs dizaines de mètre en trouvant une solution une fois arrivé en bout de course. De même, son repli défensif dès la perte du ballon est extrêmement intéressant dans le sens où c’est typiquement le genre d’efforts que la majorité des joueurs dans son genre ne font pas faire alors qu’ils sont essentiels à la stabilité du bloc-équipe. En bref, à l’heure actuelle avec le SCP, il totalise 38 buts et 31 passes décisives en 95 matchs : impliqué dans en moyenne 0,7 buts par match.
Le futur maître à jouer de la Seleção ?
Le parcours de Bruno Fernandes au sein des différentes sélections portugaises se trouve être relativement similaire à celui qu’il connaît en club notamment du point de vue du délaissement par le football portugais au début de sa carrière. Loin des Rúben Neves, André Silva, Rúben Dias, … qui sont plus ou moins de sa génération, il ne joue pas dans les sélections de jeunes dès ses 15-16 ans pour les mêmes raisons qui font qu’il n’est pas conservé par Boavista. Son ascension n’en sera que plus fulgurante. Il est appelé la même année (en 2014) consécutivement avec les moins de 20 ans puis les moins de 21 ans où il va rapidement se faire une place et donc être remarqué en Seleção. Il jouera une petite vingtaine de matchs avec les U21 avant d’être convoqué avec les A. Ici, il a plus de mal à se faire une place en raison de l’adversité mais aussi de sa versatilité qui fait que d’autres joueurs sont excellents à leur poste là où lui n’est « que » très bon. Cela s’est vu lors de la Coupe du Monde 2018. Malgré des bons matchs, le fait qu’il ait joué à des postes très variés (pouvant passer dans le même match d’ailier intérieur gauche à relayeur) ne l’a pas aidé à s’imposer à un poste précis, en l’occurrence celui auquel il joue actuellement en club.
Autre élément important : la concurrence à ce poste semble ne pas être de sa trempe, d’autant qu’il n’a encore pour l’instant que 24 ans et n’a sans doute pas atteint son peak. Son style de jeu est de plus particulièrement compatible à ce qu’est en train de devenir le football. L’on voit dès lors mal comment Fernando Santos pourrait se passer d’un trequartista que ce soit dans son habituel 4-4-2 (avec une sentinelle qui ratisse, c’est de toute façon le cas de William Carvalho, Danilo Pereira ou encore Rúben Neves) ou même un potentiel 4-3-3. Hormis Pizzi, aucun joueur de la sélection portugaise ne joue vraiment de cette manière mais Fernandes semble disposer de qualités supérieurs à celles du milieu de terrain du SL Benfica.
Alors qu’il était un paria dans son pays il y a de cela six ans, voilà que Bruno Fernandes prend maintenant sa revanche sur le football après avoir gravi les étapes une à une. Ça risque de faire mal pour la suite.
Crédit photo: MARIA JOSE SEGOVIA / NURPHOTO