[Coupe du monde] : Le Japon, Pays du Soleil s’élevant moins qu’avant…

En Asie, le football se développe seulement depuis peu et c’est d’autant plus vrai pour le Japon. Le football y devient une profession à part entière au cours des années 80. Le premier japonais à passer pro au pays est Yasuhiko Okudera en 1986. Il évoluait jusqu’ici en Allemagne. Dès lors, le pays du Soleil-Levant commence petit à petit à s’imposer sur le plan régional. Le Japon organise la Coupe d’Asie en 1992 et l’emporte par la même occasion grâce à sa star de l’époque : Kazuyoshi Miura, un international au parcours invraisemblable. Formé à Santos entre 1982 et 1986, il passe professionnel et reste au Brésil pendant 4 ans avant de rentrer au Japon en 1990. Il va ensuite en l’Europe mais brille surtout en Asie et fait grandir le football dans son pays.

En 1995 débarque sur le circuit professionnel un jeune milieu de terrain nommé Hidetoshi Nakata. Après deux saisons dans son club du Bellmare Hiratsuka (aujourd’hui appelé Shonan Bellmare), il intègre la sélection et en devient rapidement la star. Son arrivée chez les A coïncide également avec la première qualification du Japon à une Coupe du monde, celle de 1998 en France.
Vingt ans se sont écoulés depuis cette première participation à un Mondial et le Japon n’en a pas manqué un seul depuis. Les Blue Samouraïs vont participer à leur sixième Coupe du monde consécutive après s’être qualifiés le 31 août dernier grâce à une victoire face à l’Australie.

La courte histoire japonaise en Coupe du Monde

 

L’histoire du Japon en Coupe du monde n’a logiquement rien d’hors du commun. Trois défaites lors du Mondial 98 valent une disqualification aux hommes de Nakata mais c’est tout un peuple qui se découvre un engouement pour le football. Quatre ans plus tard, le Japon coorganise avec la Corée du Sud la Coupe du monde 2002. Les Coréens marquent l’histoire en atteignant le dernier carré, une première pour un pays d’Asie. Les Japonais quant à eux, s’arrachent pour sortir de leur groupe et posent un pied en huitièmes mais s’inclinent alors face à la Turquie.

En 2006, le brésilien Zico est à la tête de la sélection et l’effectif japonais commence à ressembler à quelque chose : Hidetoshi Nakata est toujours présent, il est épaulé au milieu de terrain par l’étoile montante Shunsuke Nakamura et on retrouve également quelques noms qui ne nous sont alors pas méconnus en Europe : Naohiro Takahara, Koji Nakata qui sortait de sa (mémorable) saison à Marseille, ou même Masashi Oguro qui évoluait à Grenoble. Le Japon se présente alors au Mondial avec ce qui ressemble alors à la meilleure équipe de son histoire. Pourtant, la sélection déçoit énormément.

Les Blue Samouraïs s’inclinent 3 buts à 1 lors de leur premier match face à l’Australie de Tim Cahill après avoir mené au score sur un but de Nakamura. Ils prennent un point face à la Croatie, un résultat relativement positif tant le rapport de force était à l’avantage des Croates. Enfin, nos japonais abordent bien leur dernier match face au Brésil et ouvrent même le score grâce à Tamada. Puis la machine brésilienne s’est mise en marche et claque 4 buts avec notamment un doublé de Ronaldo, un but de Juninho et un autre de Gilberto Silva. Le Japon termine dernier de son groupe et l’ambiance dans le groupe est ternie par le conflit Nakata – Nakamura (comme quoi, avoir un vestiaire qui vit bien est primordial, hein Didier !). La sélection quitte le tournoi par la plus petite des portes avec en prime une valise lors du dernier match. Hidetoshi Nakata décide de mettre un terme à sa carrière de joueur dans la foulée à l’âge de 29 ans et on voit alors mal comment le Japon pourrait se relever après ça.

Pourtant, c’est tout l’inverse qui se produit. Shunsuke Nakamura et son pied gauche dévastateur continuent de briller du côté de l’Ecosse avec le Celtic jusqu’en 2009. Il inscrit sa trentaine de buts avec le club dont des coups francs ou tirs de loin qui ont marqué l’histoire et va ensuite partir à la conquête de l’Espagne avec l’Espanyol Barcelone. On découvre de nouvelles têtes, celles de Keisuke Honda qui fait son trou à Venlo, aux Pays-Bas dès 2008, Makoto Hasebe à Wolfsburg, Morimoto à Catane ou encore Daisuke Matsui qui fait les beaux jours du Mans. Enfin, Shinji Okazaki, Atsuto Uchida et Yuto Nagatomo commencent également à faire parler d’eux, mais évoluent encore dans le championnat japonais. Tout ce petit monde sera plus tard réuni pour la Coupe du Monde 2010 en Afrique du Sud.
La transition au poste de milieu offensif est toute faite : Keisuke Honda relègue Nakamura sur le banc de touche et devient la pièce maitresse de l’effectif de Takeshi Okada. Pour la deuxième fois de sa jeune histoire, le Japon va sortir des phases de poules. Le premier match est parfaitement négocié, les Samouraïs s’imposent face au Cameroun sur le plus petit des scores grâce à un but de Keisuke Honda. La sélection s’incline ensuite face aux Pays-Bas de Wesley Sneijder, mais va surclasser le Danemark lors du match décisif avec des buts de Honda (pour changer), Endo et Okazaki. L’aventure prendra de nouveau fin en huitième de finale, après une défaite face au Paraguay lors de la séance de tirs au but.

Jamais le Japon n’a été au-delà des huitièmes, même pas en 2014.
Pourtant, lors du dernier Mondial, le Japon était composé de nombreux joueurs évoluant en Europe… Eiji Kawashima du Standard de Liège et aujourd’hui à Metz dans les buts, les défenseurs Atsuto Uchida, Hiroki et Gotoku Sakai évoluaient en Bundesliga, tout comme Hasebe, Kiyotake, Osako et Okazaki qui a rejoint Mayence en 2010. Nagatomo était lui à l’Inter et Maya Yoshida jouait à Southampton. L’arrivée en sélection de la nouvelle star Shinji Kagawa, alors à Manchester United après avoir vu sa carrière décoller à Dortmund, n’a pas permis au Japon de faire mieux qu’en 1998 et 2006.

La sélection était pourtant sur une très bonne dynamique. Takeshi Okada avait cédé le poste de sélectionneur à l’italien Alberto Zaccheroni, dont le bilan à la tête des Blue Samouraïs était jusque-là plus qu’honorable (32 victoires, 12 matchs nuls et 13 défaites). Lors de ce Mondial, le Japon termine dernier derrière la Côte d’Ivoire, la Grèce et la Colombie, ne totalisant qu’un petit point et n’inscrivant que deux buts.

La dynamique Vahid au cœur du retour en forme des japonais

 

Vahid Halilhodžić prend les rennes de la sélection en 2015, après le licenciement du mexicain Javier Aguirre pour des soupçons de corruption lors de son passage en Espagne. « Coach Vahid » comme on aime l’appeler chez nous est à l’origine du renouveau japonais. Il permet au pays de se qualifier pour une sixième Coupe du monde d’affilée. Lors des deux phases de qualification de la zone Asie, les hommes du sélectionneur franco-bosnien ont terminé à la première place. Pourtant, la fédération japonaise décide à deux mois du Mondial de se séparer de lui, jugeant que ses rapports avec les cadres de la sélection sont nocifs et destructeurs à l’approche de la compétition.

Cette même mésaventure lui était déjà arrivé en 2010 lorsqu’il officiait au poste de sélectionneur de la Côte d’Ivoire. Les rapports de l’ex coach du PSG et du LOSC n’ont jamais été cordiaux avec les médias japonais, encore moins après les récents matchs amicaux de la sélection (match nul contre le Mali et défaite face à l’Ukraine). Halilhodžić n’a jamais été un grand adepte de la langue de bois. Il reprochait à ses joueurs leur manque de « vice » et les jugeait trop gentils, trop respectueux (trop japonais en fin de compte…). « J’aimerais bien de temps en temps qu’ils soient plus agressifs, plus malins, plus vicieux » déclarait-il au mois d’avril. Son discours est mal passé auprès de ses cadres, qui n’appréciaient pas son management conflictuel, et souhaitaient un sélectionneur japonais pour le remplacer. Lui qui avait de grands projets avec le Japon en Coupe du monde, comme il a pu en avoir avec l’Algérie en 2014, n’en verra finalement pas la couleur. « Je n’oublierai jamais l’accueil qu’on a eu après la Coupe du monde à Alger. (…) J’espère qu’on va refaire la même chose avec le Japon ».

Quelques jours plus tard, on apprenait son limogeage. Il est remplacé par l’ex international Akira Nishino à seulement deux mois du début de la Coupe du Monde.

Une sélection en quasi auto-gestion

 

En l’espace de deux mois, le nouveau sélectionneur n’aura guère le temps d’imposer sa patte et on aurait tout à fait raison de croire à une nouvelle Coupe du monde ratée pour les Japonais. Parmi les 23 sélectionnés, on retrouve le noyau de cadres composé de Kagawa, Honda, Hiroki Sakai et ceux déjà présents en 2010. A ce noyau se sont entre autres ajoutés les talentueux Gaku Shibasaki et Takashi Inui évoluant tous les deux en Liga. Le premier est le milieu récupérateur de Getafe et le second est auteur d’une saison convaincante avec Eibar et vient de s’engager avec le Betis (dont la vidéo de présentation restera dans les annales…). Dans son ensemble, l’effectif reste tout de même limité et inférieur à ses concurrents (Pologne, Sénégal et Colombie) sur le papier.

Les espoirs de qualification reposent essentiellement sur l’état de forme de Shinji Kagawa, souvent décisif avec sa sélection et de Keisuke Honda. Kagawa a connu quelques galères entre son passage à Manchester sous les ordres de Sir Alex Ferguson dans un premier temps, puis David Moyes par la suite et son retour à Dortmund. Le milieu offensif japonais n’était pas plus mis en valeur sous Thomas Tuchel et Peter Bosz mais semble toutefois revivre depuis l’arrivée de Peter Stöger. En ce qui concerne Honda, il est parti à Pachuca l’été dernier après un passage peu convaincant au Milan AC et s’amuse au Mexique où il a inscrit 10 buts et délivré 7 passes décisives cette saison. Mais le doute persiste, sera-t-il au niveau pour la Coupe du monde ?

Le Japon pourra également compter sur l’expérience de ses joueurs dont la moyenne d’âge s’élève à 28 ans et 6 mois. En revanche, on regrette tout de même l’absence de sa jeune et talentueuse génération de joueurs. On pense par exemple à l’attaquant du Red Bull Salzburg : Takumi Minamino, au jeune ailier d’Arsenal prêté depuis deux saisons à Stuttgart : Takuma Asano ou encore l’ailier de Portimonense au Portugal : Shoya Nakajima, la révélation de l’année en Liga NOS. Annoncé dans le viseur de grosses écuries portugaises et européennes, l’ailier auteur de 10 buts et 13 passes dés cette saison est sans aucun doute le futur de son pays.

Quoi qu’il en soit, les espoirs de qualification sont minces. Nouvelles générations ou vieux briscards, le Japon ,qui a perdu son sélectionneur il y a peu, ne devrait pas se qualifier. Nul doute que la Fédération ne fera pas les mêmes erreurs dans quatre ans et se préparera mieux pour la Coupe du monde.

 

Crédit Photo : Martin Bureau / AFP Photo.

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