[Liga] Le bug de l’an 2000 : l’année du Deportivo La Corogne

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître. Le Barça en ce temps-là, recrutait des joueurs des Pays Bas. Quant au Real, il engageait progressivement ses Galactiques et Valence était le troisième club au sommet. Mais dans ces années-là, un autre club vient pointer le bout de son nez. Le club de la ville où la marque Zara a vu le jour (juste pour la petite anecdote), la ville qui a inspiré Picasso dans sa jeunesse. Car oui le trophée de la Liga n’a pas fait d’allers-retours seulement à Madrid ou Barcelone, bien que ce soit une certaine routine installée depuis longtemps. Il est passé par le Pays Basque avec Bilbao et la Real Sociedad dans les années 1930, 1940, 1950 et 1980, par Valence également dans les années 1940 et 1970 mais aussi au début des années 2000, puis par Séville à deux reprises en 1935 pour le Betis et en 1946 pour le FC Séville. La première année du XXIe siècle, le trophée s’arrête en Galice à La Corogne, qui vit ses plus grandes heures de football.

 

1991-1999 : le bleu de chauffe

À la fin de la saison 1990-1991, le Depor est promu en Primera Division après dix-huit ans sans avoir été dans l’élite. La première saison est décevante, Los Turcos terminant à la dix-septième place avec seulement 31 points pour un total de huit victoires, quinze nuls et quinze défaites. La saison suivante, les choses sérieuses peuvent commencer. Dix-septièmes en 1992, les Blanquiazules terminent troisièmes derrière les inévitables Barça et Real. Cela est sans doute dû au recrutement de très bons joueurs tel que Bebeto en provenance de Vasco de Gama, Adolfo Aldana, un milieu du Real et Mauro Silva, milieu défensif du club brésilien de Bragantino, club moins connu de São Paulo. Cette place sur le podium permet au club de goûter à l’Europe pour la première fois Et Bebeto est Pichichi avec 29 réalisations, trois de plus que Zamorano. Le parcours est assez honorable pour une première, le club s’arrêtant au troisième tour contre l’Eintracht Francfort après avoir éliminé Aalborg et Aston Villa. En 1993-1994 en championnat, le Depor monte d’une place et termine dauphin du Barça à égalité de points : 56 chacun et dix points d’écart avec le troisième. Malheureusement, malgré un nombre de défaite moins élevé que Barcelone, ce sont les Catalans qui finissent champions d’Espagne grâce à leur différence de buts plus grande. Une fois de plus, direction la Coupe de l’UEFA édition 1994-1995 et une fois de plus le parcours s’arrête au troisième tour face à une équipe allemande : le Borussia Dortmund. Le club galicien confirme sa bonne forme et termine de nouveau dauphin, cette fois du Real, cette saison. Il remporte en cette année 1995 sa première Coupe d’Espagne contre Valence et sa première Supercoupe d’Espagne contre le Real. Il y a cependant une petite chute à la neuvième place la saison suivante. Mais en 1996-1997, l’erreur est effacée et le club retrouve le podium, en partie grâce au recrutement de Rivaldo qui inscrit 21 buts. En 1997-1998, les Blanquiazuis retrouvent la coupe de l’UEFA mais sortent dès le premier tour contre l’AJ Auxerre. En championnat, ils rechutent de nouveau, cette fois à la douzième place. Ils ne retrouvent pas le podium à la fin de la saison 1998-1999, mais terminent tout de même sixièmes, derrière le voisin et ennemi le Celta Vigo.

 

1999-2000 : Super Depor

La saison 1999-2000 commence très bien. Les Blanquiazules enchaînent quatre matchs sans défaite avec deux victoires contre Alavés et Valladolid et deux match nuls contre le Betis et le Real. La première défaite arrive à la cinquième journée contre Numancia à domicile, au stade de Riazor. Les rencontres se suivent et le club fait une nouvelle série de quatre matchs sans défaite puis perd pour la seconde fois lors de la neuvième journée contre Valence. La dixième journée est l’un des premiers chocs de la Liga car les Galiciens reçoivent le FC Barcelone de Louis Van Gaal. L’armada batave du Barça est défaite par un compatriote du camp d’en face : le buteur Roy Makaay, qui inscrit deux buts dans le premier quart d’heure de jeu. Rivaldo, l’ancien du club, réduit la marque pour les Catalans. Score final 2-1 pour le Depor. De la première à la onzième journée, le club de Galice peine un peu à trouver sa place au classement, traînant entre la première et la septième place. Mais à partir de la douzième journée, Los Turcos ne bougeront plus de la première position. Ils s’offrent des victoires importantes comme l’Atlético qu’ils battent 3-1 à Vicente Calderón, ils remportent le premier derby de la saison contre le Celta Vigo au Riazor et écrasent le Real 5-2 en Galice. Cependant le Barça se venge et l’emporte au Camp Nou lors de la vingt-neuvième journée sur le même score qu’au match aller et le Depor perd le deuxième derby de la saison à Vigo. Mais à la dernière journée, le titre est en partance pour La Corogne pour la première fois de l’histoire du club. Los Turcos totalisent en tout 69 points pour 21 victoires, 6 matchs nuls et 11 défaites. Bien que le parcours à l’extérieur n’est pas brillant, le Depor a fait du Riazor un excellent bastion en ayant perdu seulement deux fois dans son stade.

Pour ce qui est du onze type, dans les buts il y a le Camerounais Jacques Songo’o, présent depuis trois ans. Sa défense se constitue à gauche d’Enrique Romero – qui a fait ses gammes à Valence et Majorque avant de rejoindre la Galice en 1998 – et de Manuel Pablo à droite, récemment retraité depuis 2016 et aujourd’hui dans le staff. La charnière centrale est composée du Marocain Noureddine Naybet et du Brésilien Donato Gama da Silva, arrivé de l’Atlético depuis 1993. Le milieu de terrain est un milieu à quatre avec Francisco Javier González dit « Fran », le capitaine et homme d’un seul club présent depuis 1988, le Brésilien Flavio Conceição qui rejoindra le Real après le titre, Mauro Silva l’autre Brésilien au club depuis 1992 et Víctor Sánchez del Amo surnommé Víctor. Enfin, le duo d’attaquant se compose du Néerlandais Roy Makaay – qui termine quatrième au classement des buteurs avec 22 buts marqués – et Djalminha, plutôt milieu offensif en soutien de Makaay. Quant à l’entraîneur, il s’agit de Javier Irureta, un ancien joueur connu de la Liga qui a fait ses gammes à l’Atlético Madrid et Bilbao. Sacré parcours puisque avant d’entraîner le Depor, il était sur le banc de l’ennemi le Celta Vigo, où il fut récompensé du titre de meilleur entraîneur du championnat. Il est à ce jour l’un des entraîneurs ayant le plus de matchs en Liga sur un banc (un peu plus de 600). Avec le titre remporté à La Corogne, il est de nouveau élu meilleur entraîneur du championnat. Sur le banc des joueurs, on peut noter la présence de Pauleta, qui n’a pas réussi à vraiment s’imposer en tant que titulaire suite à des blessures trop récurrentes.

 

2000-2011 : L’Europe, les coupes et les descentes

Le Deportivo La Corogne est donc fraîchement champion d’Espagne et a remporté la Supercoupe contre l’Espanyol. Fini la Coupe de l’UEFA, place à la Ligue des champions pour la saison 2000-2001. Le format n’était toujours pas celui que nous connaissons aujourd’hui. Il y avait deux phases de poules : une première composée de huit groupes où chaque premier et deuxième se qualifient pour la deuxième phase. Quant aux troisièmes, ils sont reversés en Coupe de l’UEFA. Jusqu’ici cela ressemble au fonctionnement de nos jours, sauf que les deux premiers du groupe A au groupe H ne disputent pas encore de huitième de finale. Ils jouent à nouveau dans un système de poule qui est au nombre de quatre. Les deux premiers des quatre groupes se qualifient pour la phase à élimination qui débute en quart de finale avec des matchs aller-retour.

Los Turcos entament leur première participation d’une manière fort honorable. Ils sont dans le groupe E avec le Panathinaïkos, Hambourg et la Juventus. Pour une première c’est réussi, les Blanquiazuis terminent premiers de leur groupe, invaincus, deux victoires et quatre nuls suffisent à continuer la compétition. Dans la seconde phase, le groupe B se constitue de Galatasaray, Milan et le PSG. Le Depor est à égalité parfaite avec les Stambouliotes mais la différence de buts fait que les Galiciens terminent à la première place du groupe. Place aux quarts de finale où le parcours s’arrête contre Leeds. Malgré une victoire 2-0 au match retour au Riazor, Leeds l’avait emporté 3-0 à Elland Road. En championnat, le Real termine champion d’Espagne mais le Depor termine second et revient donc en Ligue des champions pour la saison 2001-2002.

Une fois de plus, les hommes d’Irureta brillent dans la première partie de la compétition contre Manchester United, Lille et l’Olympiakos. Premiers de leur groupe devant les Red Devils, direction une nouvelle fois la seconde partie. Deuxièmes derrière le Bayer Leverkusen, futur finaliste et devant Arsenal et la Juventus, Les Blanquiazules s’arrêtent une nouvelle fois en quart de finale où ils retrouvent Manchester United, déjà grand habitué de la Ligue des Champions. Cependant, en 2002, Le Super Depor termine à nouveau dauphin en championnat, cette fois de Valence et remporte sa deuxième Coupe d’Espagne contre le Real.

2002-2003. Pour sa troisième participation seulement à la plus prestigieuse des compétitions de football, les Galiciens répondent une nouvelle fois présents. Ils remportent dans un premier temps la Supercoupe d’Espagne face à Valence. En phase de poules, le club termine second du groupe G derrière le futur vainqueur l’AC Milan et devant Lens et le Bayern surprenant dernier. Mais cette fois, il ne passe pas la deuxième phase de poule et termine dernier du groupe D de manière étonnante. La Juventus, le FC Bâle et La Corogne sont à égalité de points parfaite et ont le même nombre de victoires, de nuls et de défaites. Mais le Depor est à -1 en différence de but, ce qui n’est donc pas suffisant. Toujours stable en championnat, Los Turcos ne quittent pas le podium.

L’édition 2003-2004 prend enfin le format que nous connaissons tous, celui d’aujourd’hui. Et en France nous connaissons tous cette édition avec le parcours de Monaco. Et c’est parfait car on connaît l’issue des phases de poule. Le Depor affronte Monaco en ouverture et rentre avec une défaite cuisante 8-3 à Louis II. Les Blanquiazuis gèrent assez bien leurs matchs et terminent deuxièmes derrière Monaco à égalité avec le PSV Eindhoven qui a marqué moins de buts. Et en huitièmes de finale, les hommes d’Irureta font preuve de réalisme en s’offrant les deux clubs italiens les plus prestigieux : la Juve dans un premier temps où les Galiciens s’imposent deux fois 1-0 au Riazor comme à Turin, puis au Milan AC dans deux matchs d’anthologie. Et ce n’était pas gagné en quarts de finale. Un match aller humiliant à San Siro où les Milanais d’Ancelotti l’emportent 4-1. Mais ce petit but marqué change tout. Match retour en Galice, le Depor remonte son avance et l’emporte 4-0, filant en demi-finale. Le parcours s’arrêtent face au FC Porto du jeune José Mourinho, qui l’emporte 1-0 au cumul des scores.

La saison 2004-2005 ne sera pas une saison riche en coups d’éclat comme raconté ci-dessus. Derniers de leur poule en Ligue des champions, huitièmes en championnat, petit à petit le Depor rentre dans le rang et ne côtoie plus les sommets. Un troisième tour de Coupe Intertoto en 2008 puis plus rien. Une oscillation permanente entre la septième et la treizième place, puis vient la descente en Liga Adelante à la fin de la saison 2010-2011. Le club remonte pour la saison 2012-2013 mais redescend aussitôt, terminant dix-neuvième de Liga. Los Turcos vivent une période noire et remontent de nouveau pour la saison 2014-2015, traînant dans le bas de tableau entre la quinzième et la seizième place. La saison dernière, le Depor est encore descendu en Segunda Division, où il se bat encore pour remonter. Aujourd’hui cinquièmes de Liga Adelante, les Blanquiazules savent que la saison est longue et peut-être remonteront-ils une nouvelle fois, afin de reprendre leur titre de Super Depor, laissé au placard depuis une quinzaine d’années.

 

Crédit Photo : Patrick Hertzog / AFP Photo.

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Nissart, Scouser. Xabi Alonso est l'essence même de la classe sur le terrain comme en dehors.