Manchester United : la métamorphose des diables

Depuis l’arrivée d’Ole Gunnar Solskjaer en décembre 2018, Manchester United a retrouvé le sourire et des ambitions. Derrière cela, le retour d’une culture de la gagne mais, plus encore, la renaissance d’un esprit très british qui habitait les Mancuniens durant leurs années glorieuses et qu’ils avaient perdu ces derniers temps. Derrière cela, aussi, la patte d’un entraîneur norvégien qui a fait ses gammes sur Football Manager et qui a su proposer, dès son arrivée, une approche tactique frontalement différente pour casser la dynamique négative.

Le match nul concédé par Manchester United ce weekend contre Liverpool (0-0) a dit deux choses sur la forme du club. D’une part, on a vu que la suprématie des Red Devils sur le championnat anglais n’était pas déjà revenue et que les supporters devaient rester modérés quant à leurs attentes vis-à-vis du club. Mais d’autre part, on a pu noter que Manchester United avait repris du gallon, retrouver une certaine constance et que, même avec une équipe complètement décimée, le club est parvenu à accrocher un Liverpool en très grande forme cette saison.

Ce match est intervenu à une période où l’euphorie du changement était terminée et où les premiers obstacles, comme l’a été le PSG, commençaient à poindre sur la route impériale des Mancuniens. Et c’est, en effet, à présent qu’il devient intéressant de faire le bilan des premières semaines du technicien norvégien à la tête des Red Devils.

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La première chose qui apparaît lorsque l’on évoque la renaissance de Manchester United est le retour de la victoire. Sur ce point, Solskjaer a fait fort puisqu’il a complètement chamboulé les habitudes tactiques qu’avaient les Mancuniens sous les règnes de Mourinho et de Van Gaal. On a vu, premièrement, un bloc beaucoup plus haut à la fois en phase offensive et défensive. Déjà, Manchester ne joue plus avec un seul attaquant en pointe (souvent Lukaku) qui a pour triste rôle de se débrouiller avec les ballons aériens qu’il reçoit, mais avec une attaque complète qui compte sur de nombreuses permutations, beaucoup de mouvement et surtout, une utilisation moindre du jeu dans les airs.

C’est pourquoi, on a pu très vite constater le replacement de Marcus Rashford d’un poste d’ailier à un poste d’avant-centre dans lequel il peut continuer d’exploiter ses qualités d’explosion et de vitesse sans pour autant se priver de ses aptitudes de buteur et de présence dans la surface de réparation. Aussi, Anthony Martial et Jesse Lingard ont acquis une place plus importante dans le dispositif mancunien en ceci qu’ils sont toujours titulaires et qu’ils disposent d’une certaine liberté dans leur jeu, n’hésitant pas à prendre l’axe pour participer aux constructions collectives.

Ensuite, c’est sur le plan défensif qu’Ole Gunnar Solskjaer est parvenu à métamorphoser son équipe. D’un bloc bas qui attendait son adversaire dans son camp en espérant s’en sortir grâce à des joueurs au physique imposant, on est passé à un bloc haut avec comme consigne un pressing fort. L’objectif derrière cela : récupérer les ballons haut et enchaîner avec des transitions hyper rapides en s’appuyant sur l’armada offensive pour profiter des espaces.

Au milieu de tout ça, un joueur fondamental qui, à l’image de son équipe, connait une véritable renaissance : Paul Pogba. La pioche s’est lui aussi complètement métamorphosé et retrouve depuis fin décembre le niveau de ses années juventines, la maturité en plus. Véritable relai entre la défense et l’attaque, il parvient à s’imposer dans tous les domaines, tour à tour récupérateur, passeur et buteur. Il est devenu le pilier de cette équipe. Celui par qui le danger se crée et, désormais totalement libéré, il se plaît à arroser Old Trafford de ses passes chaloupées et de ses frappes foudroyantes.

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Cependant, même si ces changements furent nécessaires dans le renversement de la dynamique négative de United, le plus grand accomplissement d’Ole Gunnar Solskjaer ne se situe pas dans le rationnel mais bien plutôt dans l’irrationnel. Car c’est là qu’il est parvenu à reconquérir les supporters mancuniens, à raviver Old Trafford, à redonner de l’enthousiasme à ses joueurs et à offrir de nouvelles ambitions à tout un peuple.

Etant l’un des héritiers de Sir Alex Ferguson, Solskjaer a provoqué un double effet sur le club. D’une part, il a lui-même prodigué des changements qu’il avait peut-être tirés du coaching de Ferguson. Et d’autre part, il y a inconsciemment, dans l’esprit des supporters, le sentiment qu’en redonnant les clés du club à un enfant de Sir Alex, on rapatrie l’esprit de l’entraineur écossais dans le vestiaire et cela, naturellement, se ressent sur le terrain et dans les tribunes.

Il y a, de plus, dans le jeu proposé par Solskjaer des éléments qui indiquent un enthousiasme footballistique. On l’a vu précédemment, le pressing, les transitions rapides, la liberté offensive… Toutes ces choses qui pourraient être autrement sont justement comme ça parce qu’elles sont porteuses d’une âme, d’un spirit singulier et propre à Manchester United.

Il n’y a finalement rien d’étonnant à cela. Lorsqu’en 2014, Ryan Giggs prend en main l’équipe mancunienne pour les derniers matchs de la saison, il annonce la couleur et dit d’emblée qu’il veut « redonner le sourire aux supporters ». Il dit surtout un peu plus tard qu’il veut « des buts, des tacles, des joueurs qui fassent lever la foule. [Il veut retrouver chez ses joueurs] la passion qui doit naturellement venir quand on est joueur de Manchester United. »

Ce que Giggs demandait en 2014, Solskjaer l’a appliqué en 2019. Et cinq ans plus tard, le peuple mancunien s’accorderait volontiers à dire que Giggs avait raison de le demander et que Solskjaer a eu raison de l’appliquer car aujourd’hui, et bien que les promesses s’amenuisent en même temps que la Champion’s League s’en va, Manchester United est redevenu un club passionné et passionnant, un club qui recommence à faire rêver, et bientôt, un club qui vaincra tout ce qu’il combattra, comme il en avait l’habitude auparavant.

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Quand les gens sont d'accords avec moi, j'ai toujours le sentiment que je dois me tromper.