Le Paris Saint-Germain et le théâtre des cauchemars

Le Paris Saint-Germain a connu une impensable désillusion ce mercredi en Ligue des champions, à domicile face à Manchester United (2-0, 1-3). Deux ans après la folle élimination à Barcelone (4-0, 1-6), le club parisien retombe au fond du trou. L’horizon est sombre.

22h57. Le froid francilien lacère les entrailles de Presnel Kimpembe. La chaude accolade de Romelu Lukaku ne lui rendra pas le sourire. Celui qu’il affichait trois semaines plus tôt, à Old Trafford, au moment d’inscrire le premier but de sa carrière professionnelle. Un lointain souvenir. Entre score largement favorable, sentiment de supériorité et expulsion de Paul Pogba, le PSG se pensait raisonnablement à l’abri. Mais existe-t-il un club de football plus déraisonnable ? Le traumatisme s’annonce considérable pour les Parisiens, au point de lancer les débats sur le pire échec entre Manchester et Barcelone. Pourtant, la scène dont nous fûmes témoins hier n’a rien de comparable.

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Manchester, une réussite insolente

Le PSG a-t-il craqué mentalement ? Non. Les hommes de Thomas Tuchel n’ont jamais cédé à la panique, faisant preuve d’une maîtrise totale en première période. Man Utd n’a tiré que trois fois en 45 minutes pour deux buts, le troisième tir étant la frappe mal repoussée par Gianluigi Buffon qui offre le second but (30e). Il est envisageable d’évoquer un effondrement sous la pression de l’Italien et de Thilo Kehrer, auteur d’une offrande à l’attention de Romelu Lukaku dès la 2e minute. Malgré tout, Dani Alves n’a eu de cesse d’appeler au calme. Thiago Silva, lui, encourageait ses partenaires à mettre du rythme et ne pas laisser respirer MU. Des consignes respectées, donnant une dimension encore plus surréaliste au score.

Incriminer le PSG en raison des opportunités laissées à son adversaire n’a pas de sens. Car, comme dans tout match de football qui se respecte, les deux équipes ont eu leurs cartouches. Mais la réussite de Manchester United atteint une insolence historique, là où le FC Barcelone avait cumulé 20 tirs pour 10 cadrés afin de faire rompre un Paris SG qui pliait depuis longtemps. Les deux uniques tentatives des Red Devils en seconde période : la frappe de Diogo Dalot déviée de la main par Kimpembe et le penalty de Marcus Rashford (90e+4). Les minutes nécessaires à la consultation de la VAR par M.Skomina ont paru s’éterniser, une diabolique ombre rouge se refermant lentement sur le Parc des Princes. Une action quasi anodine qui débouche sur une lourde décision (contestable ?) et un verdict rendu par les dieux du football : le Paris Saint-Germain est condamnée à l’échec en Ligue des champions.

La dictature du résultat

Néanmoins, personne n’oserait estimer que le PSG a eu tout bon. Au-delà des bourdes de Kehrer et Buffon, les champions de France ont manqué de tranchant offensif et d’efficacité. Réaliste au match aller, Kylian Mbappé a été rattrapé par « la peur » qu’il rejetait. A croire que la peur elle-même s’est matérialisée et l’a fait trébucher dans son duel face à David De Gea (84e). Bien sûr, tout n’était pas à jeter dans la prestation du Français, passeur décisif pour Juan Bernat (12e). Angel Di Maria et Julian Draxler sont eux aussi responsables de la mince charge de travail conférée à De Gea.

Il est alors intéressant de se pencher sur la dictature du résultat. Les réactions et commentaires à l’encontre des failles parisiennes auraient-elles été identiques si Kimpembe avait rangé son bras ? «Il faut aussi comprendre le football comme des moments où il y a de la réussite et d’autres non, martelait Unai Emery en mai dernier au micro de RMC Sport. Ce n’est pas  »On a perdu pour ça, ou pour ça ». C’est un contexte général. Un jour, ça sera en faveur du PSG.» Nombreux insisteront sur la récurrence de ces ratés afin d’affirmer qu’il ne peut pas s’agir que d’un «simple» manque de réussite. Une opinion qui se défend et qui frôle l’évidence à la vue des faits. Cela étant, aucun signe collectif d’inquiétude n’a émané du Paris SG hier. Le résultat, choquant, ne doit pas faire oublier la mainmise sur le match. Autrement, la culture de la peur que maudit Mbappé persistera.

Ainsi, le futur du Paris Saint-Germain s’assombrit. Comment les joueurs, mais aussi leur entraîneur, peuvent-ils se remobiliser et conserver du plaisir pour conclure la saison ? Intouchable depuis ses débuts dans la capitale, Thomas Tuchel fait face à une première tempête. Unai Emery n’a jamais effacé la sienne il y a deux ans, bien qu’il faille y ajouter la perte du titre de champion de France. Il ne faudra pas longtemps avant que les premiers doutes (probablement injustifiés) concernant l’Allemand émergent. «Je ne sais pas, soufflait-il, médusé. J’ai besoin d’un ou deux jours de repos. Je vais être à la maison, sans parler, sans penser.» Il serait inconvenant d’examiner l’avenir des attaquants-vedettes, la faute à des rumeurs qui profèrent tout et son contraire. Mais ce séisme fragilise l’intégralité du club. Avec de possibles coupables à désigner.

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Le Paris Saint-Germain est en mesure de composer une liste de motifs quant à ce dramatique dénouement. Et si Neymar et Cavani n’étaient pas blessés ? Et si Kehrer s’applique un tant soit peu sur sa passe en retrait ? Et si Mbappé assassine les démons britanniques en fin de rencontre ? Et si la VAR n’était pas en vigueur ? Au micro de RMC Sport, Thiago Silva cherchait ses mots, balbutiant des « excuses » aux supporters. En revêtant la tunique rouge et bleue, lui et ses coéquipiers ont défendu la mission investie par l’état-major du club, de « rêver plus grand ». En ce mercredi 6 mars 2019, le Parc des Princes ne fut rien d’autre que le théâtre des cauchemars.

Crédit photo : Martin BUREAU / AFP

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