C’est l’une des infos majeures de ce mercato estival en raison de son aspect pour le moins incongru : le transfert de Danilo Luiz da Silva aka Danilo vers la Juventus Turin en échange du crack João Cancelo et de vingt-huit millions d’euros. Un deal qui satisfait finalement tout le monde sauf la Juve. La Vieille Dame qui, soit dit en passant, fait figure de dindon de la farce, du con dans un dîner de cons lors de ce mercato. Mais le sujet ici portera sur le latéral droit brésilien qui, malgré de très importantes carences a pour l’instant un palmarès de clubs à rendre jaloux la plupart des joueurs : le FC Porto, le Real Madrid, Manchester City et donc la Juventus Turin.
A Porto, un latéral moderne amélioré
Danilo au FCP, c’était d’abord un latéral moderne de très grande qualité. Excellent balle au pied, une capacité de projection qui déstabilisait tout le couloir gauche adverse, un pied droit qui envoyait des caramels dans la surface, une vision de jeu supérieure à celle d’un grand nombre de créateurs de métier. Ces qualités lui permettent ainsi de faire office de couteau suisse successivement d’André Villas-Boas, de Paulo Fonseca et de Julen Lopetegui. Il a été en effet plusieurs fois aligné au poste de relayeur, de latéral gauche ou encore d’ailier droit. Et là où son profil différait de celui d’un simple latéral moderne, c’est en raison de ses aptitudes défensives. Il anticipait tout avant tout le monde, était toujours propre dans les relances, faisait rarement faute, n’était quasiment jamais en retard. En somme, c’était un excellent joueur qui avait le potentiel pour devenir l’un des meilleurs du monde.
Et comme l’histoire se termine toujours de la même manière avec les cracks du FCP, voilà Danilo parti vers le Real Madrid à l’été 2015 où tout le monde s’attend à le voir concurrencer Dani Carvajal. À l’époque, les observateurs étaient formels : avec Carvajal et Danilo, le Real possédait deux des cinq meilleurs latéraux du monde et devenait un des concurrents les plus sérieux à une victoire en Ligue des champions en 2015-2016. Une seule de ces deux affirmations s’est avérée vraie, inutile de préciser laquelle.
L’adversité, seul point faible mais pourtant létal
La présentation de Danilo au Real Madrid était-elle prémonitoire de son passage chez les Merengues ? Et bien il apparaît que oui au grand dam de Florentino Pérez qui avait tout de même déboursé pas moins de trente-et-un millions d’euros pour s’attacher les services du latéral droit brésilien. Soit, passons. Le fait est que Danilo arrive au Real sans être titulaire : l’équipe qui a remporté la LdC en 2014 est quasiment la même avec des joueurs quasiment tous dans le top 5 mondial à leur poste dans le onze. Comme on l’a vu, le Brésilien a parfois évolué au poste de relayeur ou même d’ailier droit avec Porto. Avec dans un milieu composé de Kroos-Modric-Isco et dont l’ailier droit est un étalon pur sang acheté la bagatelle de 100 millions d’euros, Danilo se contentera du poste de latéral droit. Ainsi, il partagera ce poste avec Carvajal sur la saison 2015-2016 (Danilo étant titularisé 28 fois et Carvajal 27) mais, malgré des performances plutôt bonnes sur ses premiers matchs, l’on voit son niveau se dégrader de match en match, finalement au fur et à mesure qu’il est placé sur le banc. Pour on ne sait quelle raison, le fait de ne pas être titularisé, au lieu de le pousser à se dépasser pour gagner une place de titulaire indiscutable, l’a fait se morfondre jusqu’à la régression. Parallèlement, il y en a un qui profitait justement de cette concurrence pour atteindre son meilleur niveau à chaque match jusqu’à devenir l’un des meilleurs latéraux mondiaux et à former peut-être la meilleure paire de latéraux de l’Histoire du ballon rond avec Marcelo : c’est Carvajal. Dès lors, dès la saison qui suit, cette alternance prend fin et l’Espagnol devient titulaire.
Son salaire important, son faible temps de jeu et le fait que Manchester City manque de (bons) joueurs sur les ailes défensivement le pousse à rejoindre les Citizens au mercato estival de 2017. Mine de rien, en présentant un niveau de jeu particulièrement bas, Danilo aura tout de même ajouté un championnat espagnol, une Supercoupe d’Europe, une Coupe du Monde des clubs mais surtout deux Champions League à son palmarès en jouant une vingtaine de matchs par saison contre des fermiers andalous et autres plombiers basques. Le casse du siècle. Le City de Pep Guardiola, qui a pour objectif de remporter la Ligue des champions à court terme, recrute donc le latéral brésilien. Jusqu’ici tout va bien pour notre ami natif de Bicas, dans l’Etat de Minas Gerais. Sauf que, retournement de situation, City décide de recruter Kyle Walker. Là où Danilo espérait faire oublier ses deux saisons tumultueuses au Real Madrid, voilà qu’un autre concurrent arrive. Avec Walker, on est évidemment loin du niveau affiché par Carvajal et la barre ne semble donc pas si haute pour Danilo. De plus, Pep tente. Défenses à 4 avec des latéraux offensifs, à 3 avec des pistons hauts ou des pistons bas… Bref, Danilo Luiz avait la place de trouver un poste qui lui corresponde. Mais non, encore une fois, il n’a pas supporté l’adversité et Kyle Walker lui est passé devant. Pour avoir un ordre d’idée, alors qu’il a joué 56 matchs pour 4 709 minutes (soit 52 matchs pleins) avec le Real, il en a joué 60 pour 3 955 minutes (soit 44 matchs pleins) avec City. Le résultat est sans appel : Danilo est devenu le back-up d’un latéral droit qui est loin d’être dans le top mondial. Comment faire alors pour retrouver son niveau d’antan ? Au Real, on croyait qu’il passait simplement par une mauvaise phase mais le problème se veut en réalité plus profond puisqu’il apparaît très nettement le problème réside dans l’adversité.
La Juve pour se relancer ?
Du côté de la Vieille Dame, la concurrence sera aussi de mise. Néanmoins, c’est Mattia de Sciglio qui aura ce rôle. L’Italien de 26 ans n’est pas un mauvais joueur en soi mais il se classe toutefois en-dessous d’un Walker et à des années-lumières d’un Carvajal. On connaît le problème qu’a Danilo avec l’adversité mais tout de même, ne pas parvenir à dépasser de Sciglio serait un terrible désaveu pour l’ancien joueur de Porto qui était considéré comme un futur top player il a de cela cinq petites années.
Quoi qu’il en soit, sa carrière reste et restera sans doute un mystère : comment un joueur que toute l’Europe s’arrachait et dont l’avenir semblait tout tracé a-t-il pu connaître une descente aux enfers individuelle de la sorte ? Certains des plus grand entraîneurs ont, à un moment ou à un autre, reconnu sa valeur et lui ont laissé ou laissent encore pour Sarri sa chance. Ces tacticiens connaissent ses capacités et c’est pour cela qu’ils tentent à chaque fois de le faire retrouver son niveau d’antan. Maurizio Sarri réussira-t-il là où Zidane et Guardiola ont échoué ? Surtout, Danilo parviendra-t-il à surmonter sa frustration de l’adversité ? Réponse dans dix mois.
Crédits photos : Paul ELLIS / AFP