L’échec de Sylvinho, de sa méthode et de ses choix

Aulas laissait à Juninho le luxe de prendre une décision. Le directeur sportif lyonnais l’a prise, en limogeant Sylvinho de son poste d’entraîneur. En 11 matchs, ce dernier a montré ses limites. Et elles sont nombreuses.

Il demandait 10 matchs avant d’être jugé. Il a été écouté. Après neuf matchs de Ligue 1 et deux de Ligue des Champions, l’aventure de Sylvinho à l’Olympique Lyonnais a pris fin. La défaite dans le derby du Rhône a condamné le coach brésilien au tempérament séduisant, mais au style de jeu vieillissant. Et pourtant, aux côtés de Juninho, Aulas et Maurice, il était censé être une figure du nouveau projet lyonnais. Un projet aux sonorités de samba Di Janeiro.

La samba brésilienne s’est rapidement transformée en une danse étrange de fin de soirée trop arrosée. Si les matchs amicaux ne sont que peu révélateurs, la presse française s’était faite un malin plaisir à tomber sur le nouveau coach de l’OL. Une sorte de message destiné à Aulas, pas avare quand il s’agit d’attaquer les médias. Pourtant, quand les choses sérieuses ont débuté, Lyon a brillé. Et les supporters, qui venaient de vivre trois ans et demi de frustration et de pauvreté dans le jeu sous Genesio, y ont cru. Surtout que le message envoyé par le Brésilien était fort. « On est en construction. Ça n’est jamais une chose facile de changer l’état d’esprit des joueurs. C’est assez étonnant, autant de changement en peu de temps, mais la route est longue, j’insiste là-dessus », avait-il déclaré, après une brillante victoire 6-0 contre Angers.

Des résultats en berne

Après deux journées et deux victoires, pour neuf buts marqués et aucun encaissé, les premiers questionnements se posent. Pourquoi Koné et Dubois, les deux latéraux, sont-ils cantonnés aux tâches défensives, dans un football moderne où les défenseurs gagnent en importance offensive ? Sylvinho avait un avis bien tranché, malgré la frustration des latéraux lyonnais : « Je ne veux pas qu’un latéral centre six fois en 45 minutes et que derrière il laisse passer 12 fois son adversaire. Tu peux peut-être centrer deux fois par mi-temps, si tu fais le bon centre ». Ainsi, en conservant constamment une ligne de 4 , les Lyonnais manquaient de solutions offensives sur les côtés et la charnière n’avait que peu d’options pour relancer le jeu vers l’avant.

Face à un Monaco en construction et un Angers sans milieu de terrain et à la défense passive, le Lyon de Sylvinho a régalé. Mais ces victoires sont, deux mois plus tard, toujours les seules de l’OL en Ligue 1. Depuis, les mauvais matchs s’enchaînent, qu’ils soient contre Brest ou le PSG. Car en plus d’avoir des résultats pas à la hauteur du soi-disant dauphin de Paris, le coach brésilien a trahi la culture du club lyonnais. Celle que Genesio avait réussi à sublimer. Celle qui offrait aux joueurs lyonnais une bonne dose de caractère au moment d’attaquer un grand match. Celle qui a permis aux Fekir, Ndombélé, Memphis, Cornet and co d’aller chercher des victoires de prestige, contre Manchester City, le PSG par deux fois, au Vélodrome ou à Geoffroy-Guichard.

Un style de jeu indigne de l’OL

Ce caractère, Sylvinho semblait l’avoir. Ancien joueur de Barcelone, il a vécu au rythme des grands matchs. C’est donc sans surprise qu’il s’est transcendé lorsque des centaines de supporters lyonnais sont venus assister au dernier entraînement avant le derby. Et pourtant, c‘est ce match-là qui fut son bourreau.

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Il avait gagné un sursis, quatre jours avant. Lors d’un match de Ligue des Champions en forme de quitte ou double pour lui, Lyon avait profité des erreurs des défenseurs de Leipzig pour s’imposer en terre allemande, et se relancer dans ce groupe G. Si la victoire était belle, la manière moins. Deux tirs cadrés dans le match, un style de jeu défensif assumé et une incapacité à ressortir le ballon proprement. Cette victoire aurait pu être un trompe l’œil pour le duo Juninho – Aulas.

Cette défaite contre Saint-Etienne n’a fait que confirmer la pauvreté du jeu et du caractère lyonnais. Outre Brest, Amiens et l’ASSE, le match qui a révélé cette misère de la façon la plus criante fut celui contre le PSG. Quand les Lyonnais de Genesio jouait crânement leur chance contre le leader incontestable et finalement incontesté du football français, ceux de Sylvinho ont défendu pendant 90 minutes. Qu’ils étaient loin les dépassements de fonction dans les gros matchs auxquels les Gones nous avaient habitué. Et c’est peut-être là le plus grand crime du natif de Sao Paulo.

Tousart privilégié, des jeunes cadors oubliés

L’autre crime de l’international brésilien (six sélections) c’est de se passer régulièrement de Dembélé, unique pur buteur de son effectif, et de Jeff Reine-Adelaide. Les deux ont pourtant fait leurs preuves. L’un était, jusqu’à ce week-end, le meilleur buteur de Ligue 1 (six buts), l’autre était l’un des meilleurs lyonnais à chacune de ses apparitions. Pourquoi se passer d’eux ? Sylvinho a privilégié Terrier lors des deux derniers matchs, afin d’avoir un autre milieu de terrain et pouvoir, ainsi, toujours défendre (il paraît).

Pour ce qui est de « JRA », l’ancien adjoint de la sélection du Brésil a semble-t-il eu un coup de foudre pour Tousart. Le milieu physique, mais peu adroit dans la relance, n’était pourtant pas dans les petits papiers de Juninho. En août dernier, le directeur sportif avait été clair concernant les besoins olympiens au poste de récupérateur : « On a besoin d’un autre profil devant la défense. Quelqu’un de fin techniquement, qui aime le ballon et qui fasse jouer son équipe, un patron ». C’est pour cette raison que Mendes et « JRA » furent recruté, pour 25 millions chacun.

Ci-dessous notre vidéo qui explique les problèmes du jeu de l’OL sous Sylvinho :

Les jeunes oubliés

Ces dernières années, l’OL doit son salut à son centre de formation. Lacazette, Tolisso, Umtiti, Fekir, Aouar, Lopes, et dans une moindre mesure Diakhaby, Ferri ou Ghezzal, ils ont tous permis à Lyon de perdurer dans le gratin national, malgré des finances en berne. Ce facteur est une fierté de l’institution, régulièrement sur le podium des meilleurs clubs formateurs d’Europe. Malgré un vivier de talent qui ne cesse de faire ses preuves, Sylvinho a oublié d’y jeter un œil. Gouiri n’a pas joué une seule minute, malgré les performances de Traoré et Cornet. Désormais titulaire avec les Espoirs, le jeune attaquant de 19 ans est censé être le prochain crack du centre de formation lyonnais, en attendant Cherki (16 ans tout juste).

Au moins, il n’a pas eu de faux espoirs, à l’inverse de Caqueret (19 ans). Capitaine des U19 l’année dernière, il est régulièrement l’évincé de dernière minute du groupe. Pire, il était annoncé titulaire contre Nantes, en lieu et place de Tousart. Mais contrarié de voir sa composition probable fuiter dans la presse, l’entraîneur change ses plans et envoie le jeune français en tribune. Encore… Pourtant, sa capacité à trouver des bonnes passes entre les lignes pourrait faire du bien à un milieu lyonnais en manque d’inspiration. Melvin Bard est lui aussi le grand oublié de l’ex-entraîneur lyonnais. Pourtant, malgré ses 18 ans, il aurait pu prendre le relais de Koné, suspendu. Mais Sylvinho a choisi de changer d’aile Léo Dubois, pourtant pas dans sa meilleure forme.

Jean-Michel Aulas a bâti ce club en long et en large. L’été dernier, il a laissé le devant de la scène à Juninho, l’ancienne gloire du club. L’échec de Sylvinho, c’est aussi celui du directeur sportif. Mais ce dernier a rapidement pris une décision. Lui aussi est un novice. Sylvinho continuera d’apprendre le métier d’entraîneur. Mais il le fera loin de Lyon, qui se retrouve en chantier. De nouveau.

Crédit photo :  Pascal Della Zuana/Icon Sport

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