L’Euro 2020 promet d’être relevé, et l’équipe de France de Deschamps avait toute l’année pour se qualifier, découvrir des pistes d’améliorations, créer des automatismes et régénérer partiellement le groupe. Résultat : ils se sont qualifiés. Retour sur une campagne de qualifications qui a passionné les Français.
Un bilan comptable satisfaisant
Une campagne démarrée en Moldavie et terminée en Albanie, difficile de faire plus glamour et plus euro-friendly. Dix matches donc, un défi à la mesure des champions du monde qui ont décroché la première place du groupe. Ce ne sera pas suffisant pour être tête de série d’un tirage déjà à moitié effectué, mais au moins ils pourront dire que l’objectif a été rempli.
Ce périple, qui s’est étalé sur cinq longues trêves internationales, a offert quelques moments plus ou moins agréables. Tout d’abord, difficile de ne pas repenser à cette horrible défaite 0-2 à Konya en Turquie, comparable à celle de Stockholm en 2017, même si tout est plus facile à accepter quand les buteurs ne se nomment pas Ola Toivonen et Jimmy Durmaz. Dans les bons moments, le bonbon Pogba-Griezmann en Moldavie ainsi que la bicyclette de Thauvin en Andorre nous ont fait sourire dans des soirées d’une heure trente pas toujours faciles. Petite pensée aussi pour le formidable maillot confectionné pour la réception des Islandais, et mis à l’honneur dans une seconde période fantasque.
Au final, les Bleus s’en tirent avec 25 points dans la besace, dont un seul devant une Turquie retrouvée. Les 25 buts marqués, un total honnête, n’effacent pas les doutes liés aux 5 petits clean sheets réalisés dans un groupe de cette faiblesse… Chez les individualités, le duo Giroud-Griezmann a fait figure de fer de lance avec respectivement 6 buts et 7 passes décisives. Toujours aussi complémentaires, en somme. Au bord du terrain, Didier Deschamps a lui fêté son 100e match à la tête de la sélection, un marqueur historique.
Des alternatives ? Quelles alternatives ?
En plus des résultats bruts, cette année 2019 était l’occasion d’observer si le groupe France allait être régénéré par son sélectionneur. Le moins que l’on puisse dire, c’est que si c’était un objectif, il est clairement inachevé. Car oui, l’équipe de France n’a que peu changé.
Toujours solidement ancrée dans un 4-4-2 construit pour pouvoir exploiter au mieux la science du jeu de Griezmann, l’EDF n’a pas été le cadre de nombreux tests. On saluera ce 3-4-3 utilisé à Tirana, qui a mis dans de meilleures conditions les latéraux français. Sera-t-il réutilisé en 2020 ? Rien n’est moins sûr. Venons-en donc aux joueurs.
Au milieu de terrain, si Kanté et Pogba sont toujours indéboulonnables, l’absence régulière du second a néanmoins indirectement accéléré le retour de Coman, suite au repositionnement de Matuidi dans le double pivot. Un retour très positif pour le Munichois, qui, en plus d’être toujours aussi déstabilisant, en a profité pour soigner ses stats avec trois buts inscrits cette année.
C’est un peu enfoncer une porte ouverte mais sans Pogba, le jeu long devient une option secondaire, tandis que la frappe de loin n’est quasiment plus envisagée, ce qui ôte un brin de variété au jeu français. De plus, il est clair que Sissoko et Tolisso n’ont pas les capacités à incarner semblablement ce rôle, mais l’ancien Lyonnais a tout de même su montrer ses qualités. Une autre chose est sûre, c’est que le jeu de Mattéo Guendouzi est largement assez vertical (et pas horizontal) pour lui trouver du temps de jeu dans cette position. On attendra aussi de revoir Ndombele, qui possède des caractéristiques qui pourraient faire du bien au milieu de terrain.
À la pointe de l’attaque, Olivier Giroud a été le fil rouge de cette année en bleu. Buteur contesté, buteur emprunté ou encore simple buteur, il a tout de même souffert de son manque de compétition et a parfois enchaîné les déviations à contretemps. Au final, cela fait six buts, du sang-froid face au point de penalty et un but contre la Turquie aussi prévisible que délicieux. Derrière lui, Ben Yedder peine à vraiment s’épanouir mais semble avoir pris une option en tant que doublure, surtout s’il continue d’exceller du côté de la Principauté.
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C’est en défense centrale qu’un changement majeur à eu lieu, avec la confirmation de Lenglet en lieu et place de son coéquipier Umtiti, la charnière centrale française restant suspendue à la hiérarchie du FC Barcelone. Impossible pour autant de savoir qui sera le titulaire en juin prochain. Ce sera peut-être même Aymeric Laporte. En attendant, Lenglet a effectué des prestations convaincantes, même si sa sérénité tant vantée a pu être contestée par instants, le but moldave ravivant par exemple les cauchemars de 1993. Rien que ça.
Dernier point à aborder : les joueurs de banc. Cette année, Ikoné est celui qui s’en est le mieux sorti dans ce rôle, au point de lui accorder une titularisation contre Andorre. Rapidement incisif lors de ses entrées et lucide dans ses échanges, il a fait bonne impression. Pour autant, cela sera-t-il suffisant pour qu’il devienne un membre régulier du groupe ? Dans ce rôle bien particulier, dépendant d’un coaching souvent tardif, un joueur comme lui doit-il souffrir de son statut en club plus qu’un titulaire ? Difficile d’émettre un constat imparable là-dessus, mais il est possible que Deschamps repense aux entrées du lillois lorsqu’il annoncera ses prochains 23. Ou bien il fera simplement rentrer Lemar à la 87e. C’est lui le boss, après tout.
L’axe, cet embouteillage…
Si elle est censée incarner l’élan de cette équipe de France post-2018, la relation entre Griezmann et Mbappé pose parfois des problèmes dans l’animation offensive. Car oui, après le sacre russe, Thomas Tuchel a libéré le natif de Bondy d’un couloir droit où Unai Emery adorait l’utiliser. Un repositionnement plus axial confirmé par DD et le désir désormais de toucher bien plus de ballons. Beaucoup trop de ballons… Les combinaisons dans les petits espaces entre les deux hommes manquent parfois de précision mais surtout, elles entravent selon les soirs l’utilisation de la profondeur par l’attaque française, qui fut une des clés de sa réussite passée. Néanmoins, la seconde période face à l’Islande peut être une base de travail référence pour les deux joueurs, qui s’étaient parfaitement entendus ce soir-là.
L’axe est donc la zone préférentielle d’attaque pour les Français, ce qui en devient presque caricatural lors de certains matches, comme la réception de la Moldavie. Dans une rencontre où les latéraux Digne et Pavard avaient été convaincants dans le timing de leurs appels, la réticence des « ailiers » Mbappé et Coman à les servir a largement participé au caractère prévisible des offensives bleues. Si Pavard subit des critiques souvent justifiées par rapport à sa précision dans son dernier geste, il faut nuancer cela par la complexité du rôle qu’il occupe. Parfois sans véritable partenaire pour dédoubler ou volontairement ignoré, la gestion de son couloir demeure compliquée. On peut même se demander si ça ne le deviendra pas encore plus face à une équipe capable de mettre la France sur le reculoir…
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Face à cette incapacité à créer des différences majeures dans le jeu, les hommes de Deschamps ont pu compter sur une efficacité bienvenue sur les phases arrêtées. Avec dix buts inscrits lors de la campagne d’éliminatoires, cela représente le total le plus important parmi les favoris engagés dans ces qualifications. Et c’est un total qui aurait pu être supérieur, si Griezmann n’avait pas manqué deux penalties consécutifs.
Cette réussite dans ce secteur est l’un des grands points positifs de cette année 2019, et l’une des seules forces qui est dans la continuité de la victoire en Coupe du monde. À ce jeu-là, Varane, Giroud voire Lenglet se sont affirmés comme des cibles privilégiées pour un Griezmann qui est désormais une référence mondiale en la matière.
À l’aube de l’Euro, une attitude en question
Au final, il est difficile de se satisfaire des prestations proposées par les Bleus, qui n’ont pas l’air transcendés plus que ça par leur statut de champions du monde. Ce n’est peut-être pas si mal, et cette attitude est cohérente avec la sérénité manifestée en première ligne par un sélectionneur plus que jamais sûr de ses forces. De toute manière, il peut se passer énormément de choses jusqu’en juin prochain, mais il en faudra beaucoup pour que la France ne soit pas favorite pour remporter un Euro déjà si proche en 2016.
Les Bleus se ficheraient donc de la pression positive liée au sacre suprême ? C’est possible. C’est une réponse qu’on peut également chercher dans la mentalité de ses leaders Lloris, Varane, Pogba ou Griezmann, loin de surjouer quelconque sentiment de supériorité face à l’adversité depuis cette après-midi pluvieuse de Moscou.
L’équipe de France n’incarne pas vraiment la peur face à ses adversaires, et il est peu probable que son chef spirituel fasse le choix de régénérer son groupe lors de la préparation à l’Euro. Est-ce risqué ? Oui sans doute, mais c’est un risque qui sera assumé jusqu’au bout. Et si l’Euro revient en France, il faudra s’incliner une nouvelle fois devant ces immenses champions du monde. D’ici-là, les jeux sont ouverts. Vivement 2020. Enfin, on verra.
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