Depuis le rachat de l’OM en 2016 par Frank McCourt, le fantasme du grand attaquant refait inéluctablement surface. L’été dernier, une belle trouvaille fut à mettre au crédit des dirigeants marseillais avec Dario Benedetto. Les avant-centres et l’OM représentent une sacrée histoire d’amour et de filets. Depuis l’an 2000, les préférences divergent au sein des supporters, mais un nom semble faire l’unanimité. Celui de Mamadou Niang, dont les dribbles et les buts résonnent encore dans pléthore de têtes au stade Vélodrome. Un joueur en proie aux difficultés à ses débuts, qui a inversé la tendance pour devenir la coqueluche des aficionados de l’OM.
1998-2005 : Le dur apprentissage du haut niveau
Natif de Matam, Mamadou Niang quitta très vite le Sénégal pour s’installer au Havre. Il fit ses classes dans le club de sa nouvelle ville, mais l’histoire prit fin prématurément. Soupçonné d’avoir commis un cambriolage par les dirigeants du club, il se brouilla avec ces derniers. Il fut prié de plier bagage et de quitter le centre de formation. Un désastre pour le Sénégalais. Niang décida donc de mettre sa carrière en stand-by à seulement 18 ans : «J’ai été accusé sans preuve, regretta-t-il dans les colonnes de Libération. La police a vu que je n’avais rien à voir de près ou de loin mais c’est comme ça : quand tu viens du quartier le plus chaud de la ville, quand t’es black, t’es considéré comme de la racaille.»
Sans club, Mamadou Niang reprit du service à Saint-André-les-Vergers dans l’Aube, modeste club de DHR, sur demande de Carlos Lopez, son ancien entraîneur des 17 ans au Havre. Le formateur connaissait le talent et le potentiel du jeune attaquant sénégalais. Une demande pas anodine, puisque Carlos Lopez officiait désormais à Troyes et assistait Alain Perrin. Le deal était tout trouvé : Mamadou, en présence de son frère Faouzi qui veillait au grain, devait retrouver des sensations et l’amour du ballon. Couplé à cela, son comportement devait être exemplaire. Si ces conditions étaient remplies, il pourrait avoir la chance de rejoindre Lopez à Troyes. Après avoir retrouvé du plaisir sur les terrains, Niang put rejoindre Troyes et Alain Perrin.
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C’est donc à 20 ans que la carrière du Sénégalais débuta. Pour ses premiers pas à Troyes, il évolua progressivement avec l’équipe C puis la réserve. Grâce à des performances remarquées, il put intégrer peu à peu le groupe professionnel. Un an plus tard en 2000, Mamadou Niang foula pour la première fois les pelouses de Ligue 1. Ironie du sort, il disputa sa première rencontre contre l’Olympique de Marseille. Mais le Havrais d’adoption n’arrivait pas à se démarquer des autres et peinait à convaincre. De surcroît, un comportement remis en question par Alain Perrin, ce qui n’arrangeait nullement ses affaires. Seulement 8 buts inscrits en 3 saisons et déjà 23 printemps au compteur, le temps était venu de prendre enfin son envol.
Pour obtenir davantage de temps de jeu, le lion de la Teranga fut prêté en Lorraine et à Metz en Ligue 2, lors du mercato hivernal 2003. Niang fit alors la connaissance de Jean Fernandez, un coach ô combien important au cours de sa carrière. Pensionnaires de Ligue 2, les Messins réalisèrent une saison d’exception, décrochant la montée et se hissant jusqu’au dernier carré de la Coupe de la Ligue. Mamadou Niang n’y était pas étranger, comme le soulignait Jean Fernandez : «S’il n’était pas venu, on ne serait pas montés.» Associé à Emmanuel Adebayor sur le front de l’attaque, Niang avait marqué des points et n’avait qu’une seule idée en tête : retrouver l’élite. Ce sera le cas, mais pas avec Metz ni Troyes, qui fit l’ascenseur inverse.
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Le Sénégalais rejoignit Strasbourg en plein été 2003. Sa première saison fut honorable, en attestent ses 9 buts inscrits en 23 matches de Ligue 1. La seconde fut celle de la révélation. Il forma un duo redoutable avec Mickaël Pagis. Véritable esthète et technicien, Pagis décrochait pour organiser le jeu pendant que Niang enchaînait les courses en profondeur pour conclure les actions. Impliqués dans 27 buts en championnat, soit plus de 64% des buts de leur équipe, les deux artilleurs permirent à Strasbourg de finir à une solide 11e place et de glaner une Coupe de la Ligue.
Naturellement sollicité après une telle saison, Niang pouvait enfin exaucer son second rêve : celui de revêtir la tenue bleu et blanche de l’Olympique de Marseille. Le 2 juillet 2005, Mamadou Niang parapha un contrat de 4 ans en faveur de l’OM. Une venue qu’il dût en grande partie à Jean Fernandez : «J’en avais fait ma priorité à Marseille. J’ai tellement insisté, les dirigeants ont cédé.» Les Olympiens durent s’acquitter d’un montant avoisinant les 7M€ pour s’offrir le buteur de Strasbourg. L’heure d’écrire son histoire dans son club de cœur était venue.
2005 : Un rêve éveillé
Après une 5e place décevante, les Phocéens vouaient de grandes ambitions pour la saison 2005-06. Franck Ribéry, Lorik Cana ou encore Wilson Oruma débarquèrent pour renforcer cette équipe engagée dans la Coupe Intertoto. Le projet fut simple : se qualifier pour les phases de poules de la Coupe UEFA et finir dans le top 3 en Ligue 1, synonyme de qualification à la Ligue des champions.
Contre les Young Boys de Berne, Mamadou Niang inscrivit son premier but sous ses nouvelles couleurs en juillet 2005. Mais pour se faire une place de choix dans le cœur des supporters, il fallait marquer les esprits dans des matches importants. Donnée parfaitement enregistrée par Niang. Vint une des premières soirées magiques du Sénégalais à l’OM, celle d’un 23 août au stade Vélodrome. Finale retour d’Intertoto face au Deportivo la Corogne après une défaite 2-0 à l’aller. Après une première heure mouvementée, les Olympiens menaient 2-1 à 20 minutes de la fin. Il fallait inscrire au moins 2 buts pour l’emporter, règle du but à l’extérieur oblige. C’est à ce moment précis que Niang se fit un nom dans la cité phocéenne. Tout d’abord, en mettant l’OM sur orbite avec un but assez chanceux pour le 3-1. Puis en étant l’auteur d’un amour de but pour le 4-1. Des supporters survolés et une qualification en Coupe de l’UEFA. Oruma finissait le travail, et l’OM l’emportait 5-1. Une rencontre dans la légende, où Niang avait écrit la première page de son histoire avec son club de toujours.
Malgré des débuts idylliques, cette première saison fut relativement mitigée. Doté d’une activité folle plus souvent sur le côté gauche que sur le front de l’attaque, Mamadou Niang était critiqué pour son inefficacité devant la cage. Les prémices d’un attaquant spécial étaient visibles, mais la patience fut de mise pour laisser grandir le feu follet. Le Sénégalais était déjà un homme des grands rendez-vous. Après avoir embrasé le Stade Vélodrome contre la Corogne, il fut l’auteur du but victorieux en quart de finale de Coupe de France à Gerland (1-2). Le début d’une histoire d’amour entre les filets lyonnais et le pied droit de Niang.
Ce dernier finit meilleur buteur de l’OM en championnat avec 10 buts. Sur le plan collectif, la déception fut immense : une finale de Coupe de France perdue face au Paris Saint-Germain (2-1) et une 3e place manquée au finish, accaparée par le LOSC de Claude Puel. Un nouvel échec pour les Olympiens dans leur quête de retrouver la Ligue des champions. L’effectif avait enregistré de nouvelles arrivées, avec Mickaël Pagis en janvier et Djibril Cissé durant l’été. Jean Fernandez plia bagage, et Albert Emon le remplaça. Niang, toujours aussi polyvalent, avait pris du galon au sein du groupe et finit une nouvelle fois meilleur buteur du club avec 12 buts en Ligue 1. Auteur régulier de réalisations somptueuses, il inscrivit un but de toute beauté contre Nantes, en début de saison.
Pas avare en passes décisives, il était également très adroit dans ce registre. Signe d’un joueur complet en plein développement. Encore une fois, Niang ne dérogea pas à la règle et fit la décision dans des moments cruciaux. Dans un match rondement mené par l’OM, Niang éclaboussa de son talent la rencontre face à Lille (4-1), victoire symbolique par rapport à l’année précédente.
Mais comment évoquer la saison 2006-2007 sans parler d’une nuit d’ivresse de janvier. Marseille-Lyon, huitième de finale de Coupe de France. L’OM est mené jusqu’à la 86e minute en dépit d’une prestation plus que correcte. Avant de revoir le duo magique de Strasbourg refaire surface. Le stade entra en ébullition, les Olympiens étaient euphoriques. Collectivement, l’équipe finit en boulet de canon, et arracha une place qualificative pour la Ligue des champions. En Coupe de France, les protégés d’Albert Emon connurent une nouvelle désillusion contre le Sochaux d’Alain Perrin.
Mais à l’aube de ses 28 ans, le rôle de sergent ne lui suffisait plus. Niang aspirait à devenir le commandant de la flotte phocéenne. Ainsi vint une de ses plus belles saisons au club.
2007-2009 : La confirmation
Arrivé à l’âge de la maturité (28 ans), première participation à la Ligue des champions, Niang enfila son nouveau costume. Toujours positionné sur l’aile gauche, aux côtés de Cissé et Valbuena, Niang devint un redoutable finisseur et empila les buts à la pelle. Sous les ordres de Erik Gerets, le Sénégalais s’épanouissait pleinement dans le 11, et faisait soulever les foules. Mais la force de Niang a souvent été de décider du sort du match dans des moments déterminants. Lors de l’Olympico aller à Gerland, les Marseillais n’arrivaient pas en terrain conquis, loin de là. Après un début de saison difficile en championnat, les Olympiens couraient derrière les places européennes. Au final, il n’en fut rien. Mamadou calma les ardeurs et s’offrit un doublé salvateur (1-2).
Bis repetita au retour, dans un Vélodrome plein à craquer. Encore une fois, il inscrivit deux buts décisifs dans la course à l’Europe. Une performance de haute volée, qui permit aux Marseillais de prendre 6 points sur 6 à Lyon, une prouesse qu’ils n’ont plus réussi à renouveler.
Au terme d’une excellente saison, Niang finit second meilleur buteur de Ligue 1 avec 18 buts, et fut parmi les nominés au titre de meilleur joueur. Les Marseillais arrachèrent la 3e place au détriment de Nancy lors de la dernière journée, contre Strasbourg. Une année pleine de réussite pour Mamadou Niang, enfin reconnu à sa juste valeur. Une ascension atteinte grâce à son mental d’acier d’après Pape Diouf, président de l’époque : «C’est un garçon très fort mentalement. Les critiques l’ont aidé à surmonter.»
En phase d’apprentissage, Niang avait dû seulement prendre son mal en patience pour perfectionner ses forces et corriger ses faiblesses. Une force de travail saluée par son acolyte Mickaël Pagis au Parisien : «Nous avons connu ensemble des moments difficiles, mais Mamad’ ne baisse jamais les bras. A Strasbourg puis à l’OM quand nous avons joué ensemble, il s’est amélioré. Il est généreux. Il fait des appels sans arrêt. Il sait aussi garder le ballon et peser sur les défenses. Ce n’est pas le buteur type qui attend la balle devant. Lui, il se bat. Pour une équipe, c’est une chance.»
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La saison qui suivit fut plus compliqué. Parti sur la même lignée, Niang fut indisponible près de 10 semaines au cours de l’hiver. Une absence préjudiciable qui joua peut-être gros dans la course au titre menée par les siens face à Bordeaux. L’OM finit à 3 points des Girondins. Le palmarès toujours vide à Marseille, malgré tant de tentatives passées tout près d’être fructueuses. Niang attisait les convoitises, mais son histoire avec l’OM n’était pas encore terminée. Il n’était plus suffisant de se qualifier en Ligue des champions ou perdre en finale de Coupe de France. Le moment était venu de se muer en champions.
2009-2010 : L’année pour écrire sa légende dans son club
Après deux années de bons et loyaux services, Erik Gerets laissa sa place à Didier Deschamps. Figure historique du club, DD nomma Niang capitaine. Un geste de confiance pour le trentenaire qui était devenu un joueur respecté et aimé à Marseille. Mais des titres étaient indispensables pour changer de catégorie. Outre l’arrivée de Deschamps, l’OM de MLD sortit le chéquier et s’offrit un mercato de premier plan. Lucho Gonzalez, Stéphane Mbia, Souleymane Diawara ou encore Gabi Heinze arrivaient avec une mission très claire : remporter un 9e titre de Ligue 1.
Solidement installé sur le front de l’attaque depuis le départ de Cissé en 2008, Niang commença sur les chapeaux de roue. Montpellier, fraîchement promu, vint se déplacer au Vélodrome en septembre 2009. Match de football ou session de bizutage au programme, Niang n’avait pas laissé place au choix. Le Sénégalais mis en exergue le panel de ses qualités de dribbleurs. Un but qu’il ne dût qu’à son talent. Très adroit techniquement, puissant, rapide, avec un sens du but d’exception, couplé à une finition qui ne cessait de progresser au fil des années, Mamadou Niang représentait l’archétype d’un attaquant complet, capable d’être aussi bien au début qu’à la conclusion des actions.
Un attaquant doté de quelques coups d’éclats qui traversèrent les âges, à l’instar de ce geste de toute beauté face à Thiago Silva en Ligue des Champions.
Malgré Niang, les Olympiens n’avancèrent guère, et subirent un retour de bâton terrible à la Mosson. Défaite cuisante 2-0 à Montpellier, 34 pts en 21 journées, les voyants n’étaient pas au vert. Déjà la 5e défaite, le moment idoine pour assumer son rôle de leader et réaliser un coup de génie, cette fois-ci, en dehors des terrains. Soufflé par Gaby Heinze pour revitaliser un groupe amorphe, et en compagnie de son ami d’enfance Souley Diawara, les deux Sénégalais simulèrent une fausse dispute au sein des vestiaires de la Commanderie pour inciter les autres coéquipiers à faire de même. Le but ? Laver le linge sale en famille, et repartir de l’avant. Les résultats d’une telle opération ? 13 victoires et 2 nuls sur les 15 matches suivants, un titre de champion de France, et une Coupe de la Ligue à la clé. Les Olympiens avaient été transfigurés. Au-delà, des paroles, Mamadou avait pris ses responsabilités également sur le terrain, en inscrivant notamment le but du 2-1 dans le match du titre, contre Rennes.
18 buts, et le titre de meilleur buteur, une place dans l’équipe-type de Ligue 1 et une nomination pour le titre de meilleur joueur. Lors du dernier match de la saison face à Grenoble, Mamadou inscrivit son 100e but en Ligue 1, correspondant également à son 100e but sous la tunique marseillaise. Son dernier but avec l’OM avant son départ pour Fenerbahce.
Le sentiment du devoir accompli résidait sûrement dans son esprit à ce moment-là. Devenu le 8e meilleur buteur de l’histoire du club, Mamadou Niang avait écrit de nombreuses pages de légende à l’OM. De joueur décrié à goleador, en passant par la case capitaine, pour finir sur le toit de l’Hexagone. Des souvenirs à la pelle, qui ont marqué les supporters. Devenu un joueur historique du club, Mamadou Niang fut un acteur majeur dans la quête de rendre les lettres de noblesse à un club qui courait derrière les trophées depuis 17 ans. Malgré des successeurs aussi talentueux soient-ils, sa silhouette demeure, et fait toujours de l’ombre à ceux qui aspirent à le remplacer. Le grand attaquant, dont les supporters rêvent tant.
Crédit photo : Reportages / Icon Sport