Pourquoi Alphonso Davies et Jonathan David vont faire grandir le soccer canadien ?

Julian de Guzmán et Atiba Hutchinson. Ces deux noms ne vous disent peut-être rien mais, avant Jonathan David et Alphonso Davies, ce sont les pionniers d’un sport loin d’être populaire chez eux. Au Canada, le soccer (et non pas le football) a longtemps été la discipline destinée aux enfants ou aux femmes, la culture étant coutumière des sports d’hiver et bien évidemment du hockey sur glace. De Guzmán et Hutchinson ont été les premiers à conquérir l’Europe, le premier avec Hanovre (2002-2005) et le Deportivo La Corogne (2005-2009) ; le second avec Copenhague (2006-2010), Eindhoven (2010-2013) et le Besiktas depuis 2013. Tous deux ont goûté à la Ligue des champions et n’ont jamais cessé d’être pris pour des ovnis lorsque la nationalité apparaissait sur la feuille de match. Si l’un a pris sa retraite et l’autre va sans doute ranger les crampons d’ici peu, ce n’est pas utopiste de dire que la relève n’est pas qu’assurée mais flamboyante.

« S’ils disent que notre pays ne sera jamais un pays de football, montre-leur qu’ils ont tort »

Nike l’a d’ailleurs bien compris en devenant fin 2018 l’équipementier de l’équipe nationale du pays à la feuille d’érable. Leur spot publicitaire d’annonce de la collaboration met en scène Christine Sinclair, meilleure buteuse de l’histoire de la sélection féminine avec 186 réalisations et Alphonso Davies, sans aucun doute le plus grand espoir que n’ait jamais eu le football canadien. Tous deux clament leur devoir de faire évoluer les mentalités : « S’ils disent que notre pays ne sera jamais un pays de football, montre-leur qu’ils ont tort. »

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Et le changement, c’est maintenant. Le 16 novembre dernier, le Canada bat 2-0 son rival de toujours, les Etats-Unis. Un exploit retentissant outre-Atlantique: cela faisait 34 ans que ça n’était plus arrivé. Un 4-2-3-1 du sélectionneur John Herdman fait d’Alphonso Davies, ailier gauche de 18 ans et Jonathan David, attaquant de pointe de 19 ans, les deux grands artisans de la victoire. «C’est clairement la meilleure formation que j’ai vue depuis mon arrivée avec l’équipe et de loin. On est très forts, mais aussi très jeunes », déclare au Journal de Montréal Samuel Piette, milieu défensif des Canucks. Et pour cause ça l’est. Une seule Coupe du monde disputée dans l’histoire du pays, en 1986. Les deux jeunes hommes vont sans doute tout chambouler à l’aube des qualifications pour le Mondial 2022 et de leur Coupe du monde 2026, organisée conjointement avec les Etats-Unis et le Mexique.

Deux pépites nées en 2000 et prêtes à polir

Les parents d’Alphonso Davies sont Libériens, mais ce dernier est né dans un camp de réfugiés au Ghana en 2000. 5 ans plus tard, les Davies arrivent au Canada et le 16 juillet 2016, l’adolescent devient le troisième plus jeune joueur à jouer un match de Major League Soccer avec son équipe de Vancouver. Tout s’accélère ensuite, Davies devient le plus jeune joueur de l’histoire du Canada et le transfert le plus cher de l’histoire de la MLS en signant en janvier 2019 au Bayern Munich pour 22M$. L’entraîneur bavarois Hans-Dieter Flick a promis, malgré son jeune âge, Davies n’a pas été acheté pour jouer avec la réserve. Après un premier but contre Mayence en mars, Davies n’a que des miettes de temps de jeu. Mais ce talent allait forcément se polir aux côtés des cadors de l’écurie munichoise. Et comme la vie est faite d’opportunités, les blessures de Niklas Süle et Lucas Hernandez lors du début de saison actuelle ont donné à Flick l’idée de le replacer arrière gauche. Davies prend de l’ampleur et une image va presque faire le tour du monde. Lors de la victoire 3-0 sur la pelouse de Chelsea dans le cadre du huitième de finale aller de la Ligue des Champions, après un une-deux avec Coutinho, il se défait de trois blues avant de partir à toute vitesse offrir sur un plateau le troisième but de la rencontre à Lewandowski. Alphonso Davies comptabilise cette saison 25 rencontres et 8 passes décisives. Et pour rappel, il n’a pas encore 20 ans.

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Lui aussi est de la génération 2000 et lui aussi est arrivé au Canada quelque années après sa naissance, à New York, de parents haïtiens. Jonathan David a crevé l’écran pour les Français lors de La Gantoise – Saint-Etienne (3-2), première journée d’Europa League cette saison. Un coup de tête à bout portant et un missile sous la barre alors qu’il était excentré, les Verts ont compris après ce doublé pourquoi David était de plus en plus attractif sur le marché. Arrivé en Belgique en 2018 et donc à peine majeur, il plante 14 buts toutes compétitions confondues pour sa première saison en Europe. Cette saison, c’est 23 buts et 10 passes décisives tout en sachant que la Jupiler Pro League s’est arrêtée à la 27e journée. De quoi donner des regrets au Red Bull Salzburg et Stuttgart qui lui avaient fait passer des tests avant le KAA Gent. Sa puissance physique et sa justesse devant le but intéressent désormais Manchester United, Arsenal, Dortmund et le Barça et il pourrait donc rejoindre son pote Davies dans les Canadiens évoluant dans un grand club.

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Après avoir énuméré ces faits, il faut répondre à pourquoi Alphonso Davies et Jonathan David vont changer le football canadien ? Le premier argument est celui que comme dans chaque pays affichant d’excellents résultats dans une discipline, cela suscite inévitablement des vocations. Combien d’enfants ont débuté le football parce qu’ils voulaient faire comme Kylian Mbappé ? Si Davies et David continuent sur cette voie-là et apportent en plus des performances probantes à l’équipe nationale canadienne, comme une qualification en Coupe du Monde, ce qui serait déjà immense pour leur pays, les générations suivantes suivront le pas. Et même si le Canada ne devient pas champion du monde, il pourra potentiellement mettre son nom sur la carte de la planète football.

Crédits photo : SUSA / Icon Sport

Alexandre Delfau

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L'Equipe Ultimo Diez