Alors que le concept de « groundhopping » gagne du terrain en France, la pandémie et l’arrêt des matches partout en Europe aura mis un coup d’arrêt à cette nouvelle pratique. Aujourd’hui, Le retour des matches amicaux dans les stades français marque le début d’une nouvelle ère. Récit d’une rencontre bretonne entre collectionneurs de stade.
C’est un samedi presque comme les autres, et c’est un week-end de football. Si d’ordinaire, la vie des groundhoppers est ponctuée par des matches et des découvertes de villes, ce week-end-ci est surtout celui du retour au stade. Après un long arrêt, avec la suspension le 13 mars dernier de tous les championnats français, le retour en tribune est aussi celui à la vie « normale » pour les mordus de stades.
À LIRE AUSSI – Le développement du groundhopping en France
En ce samedi matin, on se retrouve à la Gare de Saint-Brieuc (22) avec 2 groundhoppers : Basile et Valentin, venu de Lille spécialement pour le match de ce soir : Stade Briochin (N) – Stade Brestois (L1). Habitués à faire des matches ensemble, on se retrouve à 3 pour une nouvelle aventure footballistique. Mais avant ça, comme il est dans l’habitude des groundhoppers, nous commencerons par nous rendre au Cap Fréhel et découvrir cette petite merveille naturelle. Le groudhopping c’est aussi ça : allier football et visites. Après un pique-nique sur la plage, une partie de football improvisée sur le sable et un verre en terrasse, direction le Stade Fred Aubert, pour une rencontre amicale prévue à 18h30.
Mesures sanitaires et supporters
Covid oblige, les spectateurs sont invités à se rendre largement en avance au stade, afin d’éviter les attroupements. Avec un billet acheté directement sur internet, une évolution qu’a été contraint de mettre en œuvre le club de Saint-Brieuc avec la pandémie, nous arrivons aux portes de l’enceinte. À l’entrée deux personnes vérifient si le port du masque est respecté, et en donnent à ceux qui n’en ont pas. Ensuite les fouilles assez brèves (palpations limitées) et la vérification des places avec le scan d’un code-barre. Au sol, entre chaque personne, un marquage afin de faire respecter les distances. Une fois dans le stade, on entend les consignes sanitaires répétées en boucle pour les nouveaux arrivants. Derrière des barrières qui mènent à la pelouse, les joueurs des deux équipes arrivent déjà en tenue, pour limiter les passages aux vestiaires.
Les spectateurs rentrants sont invités à s’asseoir le plus rapidement possible à leur place, afin que personne ne reste debout le long des mains courantes. Alors que la pluie commence à tomber, on se met vite à l’abri sous la tribune couverte d’une tôle, s’asseyant devant un autre groundhopper, Clément, venu lui de Rennes pour assister au match. Une fois assis, une personne du club vient coller des gommettes rouges sur chaque siège vide au bout de notre groupe, afin que personne ne s’y asseye et que l’on respecte les distances. On devra rester assis là jusqu’au coup de sifflet final, tout déplacement étant interdit. On commence à discuter entre groundhoppers, entre récits de voyages et de football. Ce sera le premier match depuis l’arrêt des compétitions pour trois d’entre nous, après des mois de manque si difficiles à surmonter.
Les joueurs rentrent pour s’échauffer et les supporters affluent dans les tribunes, tandis que le speaker rappelle continuellement les consignes : masque obligatoire pour les plus de 11 ans, 1 mètre de distanciation physique, 10 personnes maximum par groupe, tout le monde doit rester assis en permanence. Le public est responsabilisé : c’est un match test pour la préfecture, si tout se passe bien, on pourra avoir un retour progressif au stade pour la nouvelle saison. Notre tribune est presque remplie et on est rejoint par Dylan, un dernier groundhopper, ce qui fait un petit groupe de 5 groundhoppers pour ce match amical. La sécurité vérifie le respect du port du masque, le respect des distances. Quand notre tribune est pleine, les barrières redirigent les supporters en face, dans l’autre tribune afin que les règles sanitaires soient toujours respectées. 2 000 personnes sont attendues ce samedi-là à Saint-Brieuc pour ce match amical, et le club a vendu toutes ses places.
Un retour sur les pelouses compliqués
Le match débute par une entrée des joueurs venant de deux accès différents, un mètre entre chaque joueur une fois sur la pelouse et un check du coude avant de débuter la rencontre. Les arbitres ont aussi le sourire et semblent très heureux de retrouver les pelouses après des mois de quarantaine. Pour ce qui est du match en lui-même, on ne peut pas parler de grand football. Premier match amical pour les deux clubs, la reprise du rythme a été difficile sur le terrain. Brest a largement dominé la première mi-temps, avec une possession largement à leur avantage, puis un but à la 30e de Romain Perraud en véritable renard des surfaces. 1 – 0 pour Brest à la mi-temps, pendant laquelle tout le public est obligé de rester assis, la buvette et les sanitaires étant fermés. Ce qui laisse une drôle d’atmosphère planer sur le stade silencieux, avec la pluie qui tombe sur les tôles.
Le début de la deuxième période voit aussi le « kop » du Stade Briochin composé d’une personne au micro et l’autre au tambour, rentrer à la maison, pour un calme toujours plus grand à la reprise. Le stade est tellement silencieux qu’on aurait peur de briser ce silence en parlant à ses voisins. La deuxième mi-temps avec deux nouveaux XI de chaque côté est plus en faveur de Saint-Brieuc, qui n’arrive pourtant pas à égaliser. Tous les joueurs des deux clubs se succèdent sur le terrain, afin que chacun ait un peu de temps de jeu pour cette reprise, rendant les automatismes difficiles à trouver. Le match reste sur le score de 0 – 1 et les joueurs des deux équipes se retrouvent pour discuter, étant un « derby breton » (gros écart néanmoins entre les 2 divisions), beaucoup de joueurs se connaissent et se checkent du coude. La sortie des supporters se fait progressivement, pour respecter les distances entre les groupes.
Les mesures sanitaires ont été très bien respectées et le Stade Briochin peut se féliciter pour cette organisation qui a permis un retour au stade pour 2 000 supporters, en toute sécurité. On se réjouit de ce retour au stade qui en annonce d’autres, tant que toutes ces précautions seront prises.
Au bord du terrain, on se retrouve entre groundhoppers, afin de finir cette belle journée de football et de découverte du Nord de la Bretagne en mangeant dans une crêperie du centre-ville de Saint-Brieuc. Autour de la table 6 personnes, des centaines de récits de matches, de stades, d’ambiances et de voyages différents, avec toujours cette passion exacerbée du football qui rend ces rencontres si passionnantes…
https://twitter.com/BasileBrigandet/status/1287060224570949632?s=20
Entrevue avec Basile Brigandet, dit « Stadito »
Ayant vécu le match aux côtés de Basile Brigandet, qui tient la chaîne YouTube Stadito où il vlog une bonne partie des matches qu’il voit pour ses 26 000 abonnés, j’ai pu lui poser quelques questions, au sujet de cette reprise du football avec des supporters.
Toi qui as pu vivre d’autres rencontres post-covid, qu’as-tu pensé du dispositif mis en œuvre à Saint-Brieuc pour cette rencontre ?
Depuis la reprise de l’accueil des supporters dans les stades, j’ai eu la chance de voir 3 matches, celui-ci était mon quatrième. De la Belgique début juillet à la Bretagne, j’ai vu les différentes mesures d’accueil évoluer. Ce samedi à Saint-Brieuc, le match était d’une grande importance, puisqu’il était l’un des tout premier à se jouer devant autant de spectateurs dans l’Ouest de la France. J’ai vraiment ressenti une attention particulière et une belle mobilisation du club par la présence de nombreux bénévoles aux petits soins pour faire respecter les mesures de sécurité sanitaire dans la bonne humeur. En comparaison avec la semaine passée au Touquet, les contrôles ont été très très bien suivis. Les points forts : 100% de port du masque, du personnel présent et une vraie signalétique visuelle et sonore.
Pour toi, comment cette pandémie et cet arrêt forcé du football au stade pour les supporters impactent le groundhopping ?
Le plus grand impact pour le Groundhopping se situe dans le voyage et l’incertitude. Le groundhopper est généralement quelqu’un d’organisé, qui prévoit en avance ses voyages pour optimiser son temps mais surtout son budget. Aujourd’hui, rien de cela n’est réellement possible. Liaison parfaite entre le football et le tourisme, le GH est forcément lourdement impacté par la crise qui touche les deux secteurs. La seule bonne chose c’est que cela va peut-être permettre de développer le supportérisme local et la découverte du football amateur français.
Comment tu vois la suite pour le groundhopping et ta propre situation ?
Il y a encore quelques temps (une semaine ou deux) j’étais vraiment très optimiste sur la suite des événements et l’amélioration des jauges notamment. Aujourd’hui, la situation semble s’aggraver (au mieux stagner) et je crains que cela ne se poursuive. De mon côté, je pense que je vais en profiter pour sillonner les pelouses du football amateur dans le respect des consignes et espérer progressivement le retour à une situation sous contrôle. Je rêve de mon premier envol comme de la première fois que j’ai senti cette sensation. Libérez Stadito !