« J’aimerais mieux être le premier dans un village que le second à Rome ». Entre deux verres de vin servis lors d’un fastueux repas romain, Jules César prononçait ces mêmes mots. Le problème qu’il expose alors semble être l’opposé de celui qui hante l’Egypte et son équipe nationale de football. En effet, celle-ci a tout gagné au niveau continental, étant indéniablement la « première » dans son village. Cependant, elle aimerait le temps d’une campagne internationale devenir « seconde à Rome ». Les fervents supporters de la bande à Mo donneraient tant pour voir leur nation ne serait-ce qu’atteindre la finale d’un mondial, après presque trente ans sans y participer. Retour sur les sacres continentaux et les désillusions internationales des Pharaons, ainsi que sur leurs chances cet été.
Les sept boules de cristal
Symbole de son importance sur le continent africain, l’Egypte est la première équipe à participer à une compétition internationale, la coupe du monde de 1934, et à remporter la coupe d’Afrique des nations. D’ailleurs, l’Egypte reste l’équipe la plus titrée dans ce tournoi, avec sept victoires au total. La première victoire date de 1957, lorsque le tournoi se disputait à Khartoum au Soudan. L’Egypte l’avait alors emporté quatre buts à zéro en finale, avec un quadruplé du meilleur buteur de la compétition, titulaire en pointe, Ab-Diba. Deux ans plus tard, les Pharaons remettent ça à domicile alors que le tournoi se disputait sous forme de mini-championnat, opposant l’Egypte au Soudan et l’Ethiopie.
Ensuite, le peuple égyptien dut attendre plus de vingt-cinq ans avant que l’euphorie et la joie du succès ne viennent de nouveau emplir son cœur. C’est en 1986 que l’Egypte embrasse de nouveau la victoire. Lors de la quinzième édition qui se déroule encore à domicile, l’équipe nationale égyptienne vient à bout en finale du Cameroun, et cela par cinq buts à quatre aux tirs au but, au bout du suspens. En 1998, quelques mois avant que la France ne remporte la coupe du monde à domicile, l’Egypte marche de nouveau sur le continent africain en remportant une nouvelle CAN, cette fois face à l’Afrique du Sud.
Les trois dernières victoires continentales de l’Egypte datent du XXIè siècle. En 2006 d’abord, l’Egypte décide de faire encore une fois vibrer son peuple à la maison, en l’emportant aux tirs au but après un score vierge, comme un remake de 1986. Lors de l’édition suivante, l’Egypte renforce sa mainmise sur l’Afrique en mettant à terre le Cameroun en finale. En 2010, l’Egypte termine d’écrire l’histoire. En effet, pour la troisième année de suite l’Egypte va au bout de l’aventure et soulève le trophée, au nez et à la barbe de ses concurrents. Cette fois, c’est le Ghana qui en fait les frais, défait sur le plus petit des scores.
Le mal du pays?
Au regard de ces succès multiples, l’Egypte semble être une nation majeure du continent, une nation qui porte le football africain à travers le monde, qui le crédibilise. Cependant, cela ne se vérifie pas sur le plan comptable au niveau international. La coupe du monde en Russie ne sera que la troisième de la sélection. Alors comment cela s’explique-t-il ? La sélection ne saurait-elle se sublimer que sur le gazon du Caire? Les Pharaons ne sauraient-ils pas voyager au-delà des frontières de leur pays? Les questions que nous nous posons ici sont plus que légitimes à la lecture des statistiques de la sélection égyptienne. Sur les sept coupes d’Afrique des nations qu’elle a remporté, trois se sont déroulées à domicile.
Au-delà de ça, les seules coupes du monde que l’Egypte a connues, elle en est revenu bredouille. En 1934, puis en 1990, les Pharaons ne sont pas parvenus à passer la phase de poules, butant tour à tour sur les Pays-Bas ou encore l’Angleterre.
Il y a quelques mois, l’Egypte a prouvé ce que tout le monde savait déjà, à savoir que le peuple rouge et noir pouvait modifier l’issue d’une rencontre avant de chavirer et de passer une nuit blanche dont on se souvient pour toujours. Le 8 octobre dernier, l’Egypte s’apprête à affronter le Congo pour ce qui représente le match de la qualification au mondial 2018 en Russie. Ce soir là, le prodige Mo Salah ouvre le score et pense envoyer son pays natal à la coupe du monde. Néanmoins, à quelques minutes du terme, le Congo égalise par l’intermédiaire d’Arnold Bouka Moutou. C’est alors que la prophétie se réalise, lorsqu’au bout de cinq minutes de temps additionnel l’Egypte obtient un pénalty qui peut tout changer. Malgré la pression générale de tout un peuple soutenant son héros, Mo se charge de le transformer et d’envoyer des milliers, si ce n’est des millions de personnes au septième ciel. Pour la troisième fois de son histoire, l’Egypte s’envole vers la coupe du monde, avec plus que jamais des raisons d’y croire. Réussiront-ils cette fois-ci à passer les phases de poules?
Entre fougue et expérience
Contrairement à ce que l’on pourrait penser si l’on considère la difficile qualification de l’Egypte au mondial, l’équipe nationale nord-africaine possède un noyau dur de joueurs de grande qualité. A commencer par le gardien de but, capitaine et vétéran du groupe : Essam El-Hadary. Celui que beaucoup considèrent comme le Buffon africain garde maintenant les cages du pays depuis plus vingt-ans, ce qui lui fait un total de plus de 150 sélections. Véritable enfant du pays, il a réalisé la majorité de sa carrière en Egypte, notamment à Al Alhy.
L’autre atout de l’Egypte reste sans doute son attaque de folie, composée de joueurs ayant fait leurs preuves à de multiples reprises, et ça même en Europe. Le premier d’entre eux est le moins connu mais pas le moins talentueux. En effet, il s’agit du jeune Ramadan Sobhi, qui a quitté son pays d’enfance en 2016 pour rejoindre Stoke City, club où il a évolué à 50 reprises, pour un total de six buts. Avec l’équipe nationale, il compte déjà 20 sélections. Au milieu toujours, nous retrouvons un joueur qui lui aussi fait ses gammes en Premier League, et qui a aussi emprunté la voie menant de la Suisse au Royaume-Uni. Il se nomme Mohamed Elneny et fut recruté par l’un des entraîneurs les plus bâtisseurs, qui a décidé de prendre sa retraite cette saison : Sir Arsène Wenger. Plus au sud de l’Europe se trouve l’un des quatre fantastiques de l’attaque égyptienne en la personne de Ahmed Hassan qui, avec Braga, ne cesse d’épuiser les défenses portugaises de son mètre quatre-vingt quinze. Enfin, le dernier d’entre eux n’est plus à présenter tant il a éclaboussé l’Europe de son talent et de son style. Dernièrement, il a même reçu le titre de meilleur joueur de Premier League de l’année après avoir brisé les barrières du cercle des buteurs de génie, lui permettant de faire aussi partie de ceux qui ont marqué plus de 30 buts dans une même saison en Angleterre. Il s’agit bien évidemment de Mohamed Salah, l’homme qui a quasiment emmené à lui seul l’Egypte en Russie.
L’ultime rouage de cette machine est le Professeur de l’Egypte : Héctor Cuper. Cet Argentin est un entraîneur de talent qui a amené Valence deux années consécutives en finale de Ligue des Champions. Il est parvenu à redresser une équipe d’Egypte et une nation de football blessée par des événements terribles comme le massacre du stade de Port-Saïd en février 2012, où 74 personnes avaient été tuées dans des affrontements sanglants entre supporters. Au-delà de ça, il aura réussi à inculquer les valeurs d’abnégation, de combat et de partage sur le terrain, qui feront de l’Egypte une équipe à suivre lors de ce mondial en Russie.
Pour compléter cet article, retrouvez notre présentation de l’équipe égyptienne dans le troisième numéro de Road To Russia :
Photo credits should read : http://sport24.lefigaro.fr