FC Barcelone : Messi, motion de censure… et après ?

Après l’annonce de départ de Lionel Messi, la motion de censure contre Bartomeu et son board, puis les départs de cadres n’étant plus désirés par Koeman, le FC Barcelone entame la saison de la «revolución».

Le départ de Messi et ses répercussions

Peu de joueurs ont la portée médiatique de Lionel Messi. Et c’est donc toute la planète football qui tremble ce 25 août 2020, quand la presse espagnole révèle qu’il demande à quitter le FC Barcelone. Vu que Messi s’appelle Messi et n’est pas un garçon comme les autres (Omar Da Fonseca ne vous dira pas le contraire), il a annoncé cela au club par burofax. Peu commun en 2020, mais suffisant pour semer la zizanie pour quelques jours.

Les spéculations vont bon train sur sa volonté de quitter le club. Marre de porter l’équipe à bout de bras chaque saison ? La défaite 8-2 contre le Bayern Munich aurait été celle de trop ? Mésentente avec la direction ? Puis le côté juridique refait surface, et la possibilité contractuelle de Messi, qui le laisse libre de quitter le club chaque intersaison, est en fait révolue, puisqu’elle prenait fin le 10 juin… alors que la saison n’était pas terminée.

Beaucoup de rumeurs circulent, beaucoup de déclarations de proches qui laissent penser que cette fois, c’est fini, Messi s’en va. Vient alors la question à 700 millions d’euros : quel club peut poser une telle somme sur lui ? Le nom qui revient, c’est le Manchester City de Pep Guardiola. Et cela semble logique finalement, pour un joueur qui n’a jamais caché son admiration pour le divin chauve.

Après un test PCR manqué au club, quelques jours de repos supplémentaires que l’Argentin s’est octroyé, Lionel Messi prend la parole dans une interview accordée à Goal et explique sa décision. S’il sait qu’il ne pourra pas quitter le club si facilement, il pense tout de même que son temps au Barça est fini, que le club a besoin de renouveau et doit penser à un futur sans lui. Très calme, comme toujours, Leo semble profondément affecté par la défaite face au Bayern. Il parait aussi désolé d’annoncer cela aux supporters, mais il explique son ras-le-bol du board qui ne tient pas les promesses, et la presse qui le critique lui et son entourage quasi quotidiennement. 

À LIRE AUSSI – Tempête au Barça : une saison sportive ratée (1/2)

Et c’est évidemment la direction du Barça qui en prend le plus pour son grade. Messi réaffirme son amour pour le club et sa volonté de rester dans ce qu’il appelle «sa maison», mais explique qu’il voudrait un réel projet sportif alors que la direction «bricole». Il dit qu’il n’a «pas trouvé le bonheur» au sein du club dernièrement, mais qu’il n’a aucune volonté d’aller à l’encontre du Barça en justice… Pour terminer, il déclare que «tout au long de l’année, j’avais dit au Président que je voulais partir», mais que sans son burofax, personne ne l’aurait écouté.

Ces mots, qui s’ajoutent à la colère des supporters, font alors basculer les institutions.

La motion de censure au FC Barcelone

À l’annonce de l’envie de départ de Messi, la rumeur dit que Bartomeu mettrait sa tête en jeu si cela permet au club de retenir Leo. Sans doute la seule façon qu’a trouvée le président barcelonais pour conserver son poste. Mais finalement, il en est tout autre. Messi reste à contrecœur, et le FC Barcelone annonce dans un communiqué que les élections se tiendront en mars 2021, comme prévu. 

Ouvertement critiqué par le capitaine du club, Bartomeu fait fi des nombreuses conspuations et espère se tirer d’affaire grâce à l’obligation contractuelle de Messi. Mais il a déjà été mis en cause dans de nombreuses polémiques, et cette histoire est celle de trop pour de nombreux socios. Alors qu’il ne reste que peu d’années dans la carrière de Messi, il est inconcevable que ses dernières saisons se tiennent loin du Camp Nou. Les différents futurs candidats aux élections et les personnages importants du Barça se réunissent. Le lendemain de l’annonce de départ de Messi, ils lancent une motion de censure. Ayant d’abord pour vocation de faire rester Messi et de montrer que les supporters sont de son côté, elle servira comme pilier d’une volonté profonde de changement au sein du club. 

Mercredi 26 août à 9h du matin. Jordi Farré, qui brigue le poste de président du Barça, dépose une demande écrite de vote de motion de censure dans les bureaux du club. C’est le début d’une effervescence dans le football catalan. Des manifestations se tiennent à Barcelone et au Camp Nou pour demander la démission de Bartomeu. La justice catalane ajoute son grain de sel et ouvre une enquête sur la direction blaugrana pour diverses irrégularités. Deux jours plus tard, Victor Font et Lluís Fernández-Alà s’allient à Jordi Farré, présentant une motion de censure commune. «Une question de responsabilité et de dignité», précisent-ils. Pour que cette motion aboutisse et puisse être votée, il faut que 15% des socios la signent. Soit environ 16.000 signatures, sous un délai de 14 jours. 

À LIRE AUSSI – Tempête au Barça : autopsie du naufrage de la direction (2/2)

Bilan final le 17 septembre : la motion de censure a récolté 20.731 signatures. Un référendum aura bien lieu sur la continuité ou non de l’actuelle direction du Barça… à condition que toutes les signatures soient bien vérifiées. Le 29 septembre, un décompte des bulletins commence donc. Et ce avec une triple vérification des signatures : graphologique, par SMS et appel, pour chacun des 20.000 signataires ! Cette vigilance, qui va ralentir le processus, agace Jordi Farré qui estime que «si le club aime autant les SMS, pourquoi n’ont-ils pas demandé directement aux socios s’ils étaient en faveur de la motion ?». Le dernier décompte en date (du 30 septembre au soir) dénombre 5.795 signatures valides sur 6.810 dépouillées (766 toujours en vérification). Seulement 3,6% de signatures invalides donc. Si l’on maintient ce ratio, la motion de censure sera valide et un référendum aura lieu. Il faudrait plus de 20% de « fausses signatures » pour que la motion n’aboutisse pas…

Les chiffres sont tels, que le processus de triple validation demandé par le club a été allégé et n’est plus systématique. Les signatures sont vérifiées une par une, avec un graphologue si besoin, et si la signature est validée, le socio concerné reçoit un SMS. Certaines sont vérifiées aléatoirement par le graphologue. Le comité estime que si ce faible taux de « fausses signatures » se maintient d’ici la fin de semaine, ils n’appelleront pas les socios. Esport3, un média catalan, rapporte que la direction est sceptique et garde en tête l’option d’une démission avant même le référendum.

On devrait donc entendre parler de ce feuilleton encore un petit moment, le décompte devant prendre maximum 10 jours (si tout va bien). Si le nombre de signatures est réellement atteint, alors le club sera dans l’obligation d’organiser le référendum devant l’Assemblée des socios sous 10 à 20 jours. La motion de censure devra être approuvée par 2/3 des socios présents pour obliger la direction à remettre sa démission.

À LIRE AUSSI – Valence CF, le bateau ivre

Comme si cela ne suffisait pas, à l’annonce des 20.731 signatures, Quique Setien et son staff profitent de la fenêtre d’opportunité pour statuer de leur situation. Toujours pas régularisés par le club, toujours pas indemnisés, Setien et ses troupes sont officiellement toujours le staff à la tête du FC Barcelone. Symbole, une fois de plus, de la mauvaise gestion sportive du club. Bartomeu met ainsi tardivement un terme à leurs contrats, afin que Ronald Koeman puisse s’assoir sur le banc à la reprise.

Le nouveau projet Koeman

Courageux, Ronald Koeman a rejoint son ancien club en plein marasme. Il quitte une sélection néerlandaise parmi les favorites de l’Euro 2021, pour essayer de sauver ce Barça au bout du rouleau. Et il est attendu au tournant. Dans son interview, Lionel Messi, qui se démoralise de l’état du FC Barcelone, a un mot pour Koeman : «Il y a un nouveau coach et un nouveau projet, c’est bien.» Il assure également qu’il va rester et donner «le meilleur pour le club». Mais pour le Néerlandais, c’est loin d’être gagné.

À la tête d’un effectif vieillissant, où certains cadres ne sont plus au niveau, Koeman doit faire le ménage. Comme il a pu le faire à Valence, il met tous ses joueurs à l’entrainement et décide des têtes qui doivent sauter. Sans surprise, Ivan Rakitic et Arturo Vidal doivent aller voir ailleurs. Plus surprenant, Luis Suarez est également poussé dehors. Le numéro 9 du Barça, arrivé en 2014, s’est construit un statut de légende au sein du club, inscrivant quelques 198 buts en 283 matches. Mais, victime d’un club qui va mal, il est le bouc-émissaire d’une direction qui cherche des coupables pour mieux se racheter auprès de ses supporters (comme fut l’éviction d’Abidal).

Un peu plus en dedans au cours de ses derniers matches au Barça, comme le reste de son équipe, Suarez n’a pas le droit à la même protection que d’autres joueurs. D’autant que les dirigeants établissent une liste de clubs pour lesquels ils refuseraient de le voir partir gratuitement : le Real Madrid, le PSG, les Manchester, Naples ou encore le Bayern… Mais les dirigeants avaient omis un concurrent direct : l’Atlético de Madrid. Et c’est évidemment les Colchoneros qui se présentent pour récupérer Suarez, après le départ à la Juventus d’Alvaro Morata. Se rendant compte de son erreur, Bartomeu met son véto sur son transfert. Mais il est déjà trop tard. Luis Suarez finira par rejoindre la capitale, et sans que la direction ne puisse rien y faire.

Joueur phare du FC Barcelone, le club lui accorde tout de même une conférence de presse pour son départ, entouré par quelques actuels joueurs du Barça. Très ému de quitter «le club de sa vie», l’Uruguayen ne manque pas d’adresser un petit tacle à sa direction, qui le dégage sans la manière. Interrogé sur quelque chose qu’il aurait à se reprocher sur cette fin de parcours, il répond : «C’est à moi ? Ou à… ? (en penchant la tête vers Bartomeu à sa droite)» Bonne ambiance donc, dans un club qui se dit en pleine révolution après cet été désastreux. Pour conclure sur ce départ chaotique, Messi ira de son commentaire sur Instagram, rendant hommage à son coéquipier et ami mais exprimant une fois de plus son ras-le-bol de la gestion du club : «Tu ne méritais pas d’être jeté comme ça pour ce que tu es : l’un des joueurs les plus importants de l’histoire du club […] Mais à ce niveau, plus rien ne me surprend.» Neymar et Dani Alves viendront également soutenir les propos de l’Argentin.

Bartomeu, présent à la conférence de presse contrairement à Ronald Koeman, laisse planer le doute sur le responsable de l’éviction de Luis Suarez. L’Uruguayen est lui plus catégorique, sous-entendant dans ses adieux que c’est davantage le club qui prend cette décision que l’entraîneur. Et Koeman s’en défend ensuite : «Je ne suis pas le « méchant » dans l’histoire Suarez. Ça a été une décision du club. Je respecte beaucoup Suarez.» En coulisses, on le dit déçu par Bartomeu, qui se servirait de lui comme bouclier dans tout ce bourbier. 

Une fois ce chapitre clos, la saison peut démarrer, et elle commence par l’attribution des numéros à chaque joueur. Alors que le projet Koeman était celui du changement qui devait passer par la progression de jeunes formés à la Masia, on découvre que Riqui Puig, titulaire indiscutable en fin de saison 2019-20, aura un numéro de joueurs du Barça B : le 28. D’autres joueurs de la B comme Monchu, Cuenca, Collado, Oriol Busquets et Miranda sont invités à trouver du temps de jeu ailleurs, s’ils ne veulent pas passer la saison avec la filiale. Todibo et Rafinha sont également poussés vers la sortie.  Ansu Fati, en revanche, obtient le numéro 22, et sera donc joueur de la A à plein temps. On notera également les retours de prêts de Coutinho et Aleña.

À LIRE AUSSI – Villarreal, l’heure de s’assumer

Après des matchs amicaux plutôt satisfaisants, dont celui contre Gérone qui laissait présager de beaux débuts de saison, le club joue l’habituel trophée Gamper au Camp Nou contre Elche. Et une fois n’est pas coutume, il a fallu que ce match soit entaché par une nouvelle polémique, Riqui Puig étant invité à rester en tribunes. Voilà qui va contrarier les supporters barcelonais, largement acquis à la cause Puig. Le jeune joueur est déterminé à réussir au Barça. Il reste au club et veut convaincre Koeman. Et sa volonté sera payante, puisque lors du premier match de Liga contre Villarreal, il est convoqué.

Cette première rencontre est une promenade de santé pour un Barça qui déroule son jeu comme dans ses meilleures heures, porté par un Ansu Fati intenable. Le sous-marin jaune ne peut rien faire et s’incline 5-0. Le FC Barcelone revit, Coutinho aussi, et les nouvelles recrues entrent sur la pelouse du Camp Nou dans les meilleures conditions possibles. Trincao, Pedri et Pjanic font leurs débuts sous le maillot blaugrana, tandis que Dembélé scelle son grand retour. Un match idyllique au vu du contexte qui entoure le club, Messi capitaine du soir n’est même plus dans l’obligation de sauver son club… Et si, finalement, le Barça arrivait à traverser cette crise, au moins sur le terrain ? 

Crédit photo : SUSA / Icon Sport / Pressinphoto/Icon Sport / FC Barcelone

0