Nathalie, vous avez quitté la télévision depuis presque 4 ans. 4 années durant lesquelles vous avez disparu des radars médiatiques. Pour commencer, permettez-nous de vous demander comment ça va. Est ce que cette deuxième carrière vous plaît ?
Tout va très bien, merci! Pouvoir changer de vie professionnelle, vivre de nouvelles aventures, toutes différentes mais d’une richesse inouïe, c’est plus qu’une chance, c’est un luxe. J’ai bien sûr pris beaucoup de risques en quittant Canal après 19 ans, sans aucune garantie et sans assurance de réussir les vies d’après. Aujourd’hui ma vie est beaucoup moins confortable, mais je considère que tellement de gens rêvent de changer de vie sans pouvoir le faire, que lorsqu’on peut se permettre de changer de route, il faut essayer.
Vous avez très longtemps été l’une des têtes d’affiche du journalisme sportif sur Canal, est-ce difficile de tirer un trait sur les plateaux TV pour tenter une nouvelle expérience ?
Ce qui est difficile c’est pas de quitter les plateaux télé, c’est de quitter le cocon dans lequel on a vécu et grandi pendant près de 20 ans. Canal c’était mon premier boulot, ma première maison, j’y avais mes habitudes, mes réflexes, j’étais chez moi. Il m’a fallu sauter dans le vide et abandonner ça, mais c’est moi qui l’ai choisi, on ne m’a rien imposé.
Vous avez fait la quasi intégralité de votre carrière de journaliste au sein du service des sports de Canal +, le sport et vous, c’est une véritable histoire d’amour ?

J’ai coutume de dire que lorsqu’on grandit dans une famille italienne, il y a des fondamentaux qu’on vous inculque dès l’enfance : aimer cuisiner, aimer discuter, aimer le cinéma, aimer la politique et aimer le sport. Mon trousseau est toujours en l’état…

Vous avez été la seule femme à présenter « L’Equipe du Dimanche », avez-vous conscience de la dimension mythique de cette émission pour toute une génération ?
Cette émission restera à jamais ma préférée. Elle est mythique pour chacun d’entre nous. Et moi, on m’a fait ce cadeau unique de la présenter. C’est inouï d’avoir pu s’asseoir chaque dimanche soir pour dire « Salut, bienvenue dans l’Equipe du Dimanche »! On a tous une histoire particulière avec cette émission : les supporters, les joueurs, les entraîneurs, les familles… Je suis extrêmement fière d’avoir présenté l’EDD. Et mon seul regret c’est qu’elle se soit éteinte dans l’indifférence générale. Elle avait plus de 20 ans d’existence, et elle méritait plus d’égards lorsque la page s’est tournée…
Durant deux années, vous avez été conseillère du Président Hollande, en charge des sports et de la vie associative. S’agissait-il d’une mission relative à l’Euro 2016 ou d’une mission plus vaste ?
Lorsque l’on est conseiller au cabinet du Président de la République, on gère bien sûr quelques dossiers spécifiques (dans mon cas évidemment l’Euro 2016 et la candidature Paris 2024 ont beaucoup pesé et compté) mais le champ est toujours beaucoup plus vaste. Moi, j’étais en charge des questions jeunesse et engagement également (ce qui se recoupe toujours avec les questions sportives!) et à cet égard, j’ai beaucoup travaillé avec le monde associatif, les quartiers, la jeunesse engagée dans le monde rural, la nouvelle économie etc… Les discours à la jeunesse, l’engagement du service civique, le concours de la France s’engage… tous ces dossiers étaient les miens et c’était passionnant, même si nous avons traversé de rudes épreuves et que les circonstances étaient particulièrement difficiles.
A ce titre, on parle souvent d’un sport amateur qui se meurt progressivement, avec des subventions d’Etat en baisse, des petits clubs qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts, des contrats aidés non renouvelés, des bénévoles qui se font rares… Pour vous qui avez été confrontée à ce sujet qu’est la pérennité de la vie associative, est-ce que ce déclin est une fatalité ?

La France est assez unique dans son modèle sportif. Notamment par ce maillage territorial très dense, par le poids des pouvoirs publics et surtout, par la puissance de l’engagement de ses bénévoles. A chaque fois qu’une institution internationale vient organiser en France une compétition sportive, elle repart émerveillée par les bénévoles à la française. On sait faire ça mieux que quiconque. Trop bien peut être.

L’engagement associatif est si fort dans le sport dans notre pays qu’on a tout fait reposer sur lui, sans réfléchir à l’élaboration d’un modèle plus pérenne, et surtout sans organiser ce bénévolat et le reconnaître à sa juste valeur. Nous avons beaucoup travaillé sur le statut du bénévole, la forme territoriale a eu un impact fort sur le modèle sportif, mais il faut le reconnaître : on n’est pas allé assez loin parce que lorsqu’on parle de réforme de la gouvernance du modèle sportif français, on s’expose à une incompréhension et à une peur : celle d’un sport à deux vitesses.

Or, il faut arrêter de se mentir en s’achetant des bons sentiments :  le sport est déjà  à deux vitesses. Il y a déjà un fossé énorme entre le monde pro et le monde amateur, il y a déjà des disparités énormes entre sports et entre sportifs, alors plutôt que de vouloir s’accrocher coûte que coûte à un modèle qui a vieilli et vécu, je pense qu’il faut accepter de le réformer en professionnalisant les fédérations, en prenant acte que le sport est devenu un business, et qu’à ce titre il a obéit à des lois dans un système globalisé. Que ce n’est ni grave ni sale, et qu’il faut accepter de trouver les bons leviers de compétitivité pour les plus riches tout en imposant un mécanisme de répartition plus juste et plus puissant pour les plus fragiles .

Le 8 mars est un jour particulier, le jour international du droit des femmes. Vous semblez très impliquée dans la cause féminine, cette journée vous tient-elle à cœur ?
Je ne suis pas « impliquée dans la cause féminine ». Je suis féministe. Il faut employer ce mot. Tous ceux qui sont engagés pour l’égalité, hommes et femmes, doivent assumer ce mot : nous sommes féministes. Les femmes et les militants ont perdu la bataille des idées progressivement au profit des réactionnaires qui ont tout fait pour que la cause féministe se confonde avec un militantisme hystérique et radical. Se revendiquer féministe devenait du coup parfois gênant. Combien sommes nous à avoir dit « je ne suis pas féministe mais quand même, les inégalités et le sexisme ça suffit »…
Nous, les filles des soixante-huitardes, on s’est longtemps mis en retrait du combat pour le droit des femmes, comme si nos mères et nos grands-mères avaient tout conquis, et de manière définitive. Or, on n’a rien conquis du tout, on a tout juste rattrapé certains retards insupportables dans le monde du travail ou dans le monde politique et on commence à peine à dénoncer des comportements de harcèlement. Alors oui cette journée compte. Pour toutes les femmes et tous les hommes pour qui les discriminations sont insupportables.
Vous êtes l’une des premières figures féminines du journalisme sportif français. Toutes s’accordent à dire qu’il est compliqué de se faire une place dans ce monde d’hommes, avez-vous ressenti ça à vos débuts ?

Bien sur que c’est difficile, mais tout est difficile pour une femme dans un monde à domination masculine. C’est difficile de conduire des camions, difficile d’être une cheffe en cuisine, difficile de diriger une entreprise, difficile d’être ministre, difficile de cumuler son boulot et le quotidien à la maison….

Vous avez côtoyé des politiciens et des sportifs, les deux mondes se ressemblent-ils dans leur dimension très masculine ?
Le monde politique comme le monde sportif est ultra masculin. Mais la grande différence quand même, c’est qu’un champion masculin aura toujours du respect pour une championne. Parce qu’à la fin, l’effort, et la victoire, c’est pas une question de genre, c’est une question de niaque.
Il y a beaucoup moins ça dans le monde politique. Mais les temps changent. Avoir imposé un duo paritaire lors des dernières élections cantonales, ajouté à la grande féminisation de l’assemblée nationale lors des législatives va changer profondément la politique française. Mais il il faut du temps…
L’année 2017 a été une année marquante sur le thème de l’émancipation de la parole féminine, avec notamment l’affaire Weinstein. Sans vous demander de balancer votre porc, est ce que le sport est un milieu qu’il faut encore aujourd’hui éduquer aux notions de respect de la femme ?
Oui. Et c’est valable à tous les étages! Il faut respecter le corps de la femme quand on est éducateur, coéquipier, coach, kiné, commentateur… Là aussi le travail sera long mais on est au début de cette transformation. Donc il faut être optimiste et se dire que si on n’a pas peur de dénoncer et de changer, alors on aura gagné dans quelques années.
Pour revenir aux terrains, on observe le développement du sport féminin depuis plusieurs années. Que pensez vous du foot féminin, et de sa médiatisation ?
La médiatisation, c’est compliqué. C’est toujours à la fois la cause et la conséquence. Je m’explique : si on diffuse pas un sport, il n’a aucune chance de se développer parce que le pouvoir d’attraction n’existera pas. Et en même temps, si un sport n’est pas développé, il n’a aucune chance d’être médiatisé. C’est pour ça que ce couple sport-média est assez infernal.
Concernant le foot en France, on est parti de loin. Les filles qui jouaient au foot il y a 15 ou 20 ans, c’était impossible de les voir à la télé. Il y avait un trophée décerné par an, donc 1 minute d’image, un sujet ou un portrait autour de la lauréate et basta.
C’est un pari économique le foot féminin. Celui de l’investissement personnel de quelques présidents de clubs, comme Jean Michel Aulas à l’OL . Et un choix politique quand, à la FFF, Aimé Jacquet et Michel Platini décident qu’il faut développer les sections féminines. Ça a enclenché le mouvement. Et aujourd’hui, même si on est encore loin des nordistes ou des nord américaines niveau licenciées, la France tient sa place et la Coupe du Monde 2019 amplifia le mouvement.
2019 verra justement la France accueillir la Coupe du Monde de football féminin, pensez vous que cet événement peut-être un moment charnière pour le développement hexagonal du sport féminin ?

Cette Coupe du Monde sera un accélérateur de particules pour le foot et les femmes. C’est une vitrine exceptionnelle. Les petites filles vont se trouver des figures inspirantes. Des jeunes filles du monde entier vont pendant un mois leur servir de modèles. Il n’y a que ça qui marche pour que les lignes bougent. Voir, aimer, vouloir ressembler, imiter. C’est ce qui va se passer, j’en suis sûre.

Question bonus : allons nous vous revoir un jour sur nos écrans ?
Si je reviens, ce sera pour quelques évènements et très ponctuellement …