OM: L’échec Balotelli, chronique d’un été difficile sur la Canebière

Un gif de Mario qui saute suivi d’un tweet qui résonne comme une bombe, « Mario Balotelli a choisi. Et c’est l’OGCNice ». 3000 retweets et l’explosion de Twitter plus tard, le GYM se réjouit d’avoir conservé un des meilleurs joueurs de Ligue 1 au nez et à la barbe de l’Olympique de Marseille. Après plus de 3 mois de négociations, les deux clubs sudistes n’ont pu se mettre d’accord concernant l’attaquant italien. Une situation complexe qui risque d’avoir des répercussions très néfastes à moyen terme sur le désormais légendaire OM Champions Project.

Un dossier rudement et salement mené

« L’OM a raté Balotelli pour 1,5 millions. » Jean-Pierre Rivère le sait très bien, cette déclaration va enflammer l’opinion publique. Comment un club de la stature de l’Olympique de Marseille, qui vient de mettre environ 35 millions pour deux jeunes joueurs, qui vient de vendre Zambo Anguissa et Rémy Cabella pour 37 patates a pu chipoter pour 1,5 millions d’euros ? La question se pose quand on sait qu’un des postes les plus défaillants la saison passée côté phocéens était celui de la pointe. Et pourtant, l’OM est passé à côté de l’opportunité tant espérée pour son projet. La non venue de Mario Balotelli du côté de la Canebière est bien plus complexe que ce que les paroles très légères du président Rivère laissent entendre. « Un dossier simple rendu compliqué par les dirigeants d’un autre club du sud » sous entendait le board niçois et pourtant, la vérité est ailleurs.

La vérité est ailleurs, Balotelli n’a pas filé entre les doigts de l’OM à cause de 1,5 millions, cette justification est beaucoup trop grosse pour être prise au sérieux. Reprenons étape par étape. Balotelli est lié à Nice jusqu’en juin 2019 et possède un bon de sortie pour quitter le club. Un accord qui existe depuis son arrivée entre le club, son agent Mino Raiola et lui-même. La donne semble pourtant claire, si un club paie la demande de Nice, Balotelli peut quitter l’Allianz Rivera. Une offre entre 5 et 10 millions aurait fait céder le club azuréen. Concernant le joueur, Mino Raiola avait fait d’énormes concessions salariales pour que Balotelli rallie la côte d’Azur. Un sacrifice qui a plu du coté de Nice, les deux parties s’estiment et se respectent énormément par rapport aux efforts consentis depuis maintenant deux ans. Mais son prochain club devra s’aligner sur ses forts émoluments salariaux. On parle d’un salaire mensuel de 650 000 euros par mois. Loin des 800 000 que le joueur souhaite avoir. La compensation aurait surement eu lieu sur la prime à la signature à verser au joueur en cas de signature.

Reste deux détails très importants qui ont dicté les négociations, la durée du contrat et la prime à verser pour Mino Raiola. L’agent italo-néerlandais veut une commission colossale, beaucoup de sources parlent de 3 000 000 dans la poche du mentor de Balotelli. Une somme énorme, mais rien d’étonnant pour quelqu’un qui a pris près de 49 millions sur le transfert de Pogba de la Juventus vers Manchester United. Concernant la date du contrat, c’est là où tout s’accélère et rend le dossier complètement illisible pour les gens qui n’ont pas accès aux chiffres du dossier (c’est à dire 99% des observateurs).

Pour essayer de faire clair, la volonté de Raiola était que Balotelli signe pour une seule saison (plus une en option), l’OM voulait partir sur 3 voir 4 années pour l’international italien. Face à l’intransigeance de Raiotelli, JHE s’est aligné aux exigences du clan mais en revanche, pas de transfert à plus de 2,5 millions d’euros. Mettre cette somme correspondrait donc à l’amortissement annuel d’un transfert à hauteur de 10 millions sur 4 saisons. Si Balotelli ne signait que pour un an, le transfert aurait paru complètement lunaire pour les finances du club. Dernier détail et pas des moindres, le fair-play financier continue à planer au dessus de la tête de la direction. Un euro de trop et la sanction tombe, la direction reste donc très vigilante sur ce point.

Mais face à la complexité d’un tel dossier, pourquoi laisser traîner des négociations sur une période aussi longue ? La saison dernière, JHE s’est pris un mur sur les dossiers Giroud et Aboubakar. Face à l’intransigeance du buteur d’Arsenal (à l’époque) et du FC Porto, l’OM a perdu un temps considérable dans l’acquisition d’un numéro 9 de renom. Pratiquement deux mois de perdu pour ensuite se rabattre sur un panic buy qui arrivera blessé et qui risque de plomber les finances du club. Le président marseillais jure avoir appris de cette épisode et fera en sorte de ne pas reproduire ce genre d’erreurs. Un an plus tard pratiquement jour pour jour, le club se retrouve dans la même situation. Sauf que le dossier Balotelli était connu de tous, et toute la ville semblait très impatiente à l’idée de voir l’international italien porter le maillot ciel et blanc. Finalement, tout a disparu au soir du lundi 20 août à 22 heures 50, un soir désormais légendaire pour l’OM Champions Project.

Une politique sportive qui titube

« Nous avons prévu d’investir des montants très significatifs dans l’acquisition de nouveaux joueurs », clair et concis, Jacques-Henry Eyraud avait prévenu pour le mercato. Et pourtant, il n’a pas menti. 20 millions sur Caleta-Car, 14 millions pour Nemanja Radonjic. Celui qui est surnommé affectueusement (ou pas) Harry Potter n’a berné personne sur ce point. « J’ai ma définition de « très significatif », ma volonté très claire est de renforcer l’équipe là où elle doit être renforcée. » L’équipe se renforce avec un des défenseurs les plus robustes de sa génération et du plus gros talent offensif serbe.

Mais l’opinion publique a toujours cette impression que tout ne tourne pas rond. Les supporters de l’OM ont attendu la deuxième quinzaine du mois d’août pour voir une seconde recrue du coté de la Canebière et encore, le supersonique ailier de l’Etoile rouge de Belgrade ne signera son contrat qu’à la fin du mois. Pareil coté départ, si le transfert de Rémy Cabella vers Saint-Etienne a mis logiquement du temps avant de se concrétiser, l’opération dégraissage prévue n’a jamais eu lieu. Tomas Hubocan, Aymen Abdennour, Saif-Eddine Khaoui, Cliton N’Jie, Gregory Sertic et Henri Bedimo sont toujours salariés de l’Olympique de Marseille. Malgré son statut acquis en Espagne, Andoni Zubizaretta fait douter sur ce point. L’ancien directeur sportif du FC Barcelone n’arrive guère à trouver des portes de sortie aux indésirables du club. Doria aura été le premier à quitter le club définitivement. Un seul vrai départ significatif, celui de André-Frank Zambo Anguissa pour 30 millions du coté de Fulham. Un transfert organisé de toutes pièces par un intérmédiaire à l’agent de l’international camerounais, Pini Zahavi, le super agent israélien qui s’étant occupé personnellement du départ du joueur.

 

 

Celui qui s’est occupé du transfert de AFZA28 a été un élément important pour débloquer le mercato marseillais. L’arrivée de Nemanja Radonjic vient aussi de lui. Le joueur appartient à son ami et associé Fali Ramadani, un transfert facilité au vu de la nouvelle proximité entre le board marseillais et le super agent de 74 ans. Face à l’attentisme des dirigeants, seul un magicien pouvait débloquer le mercato phocéen. Une situation qui parait de plus en plus récurrente chez les finalistes de la dernière Europa League. Mathieu Grégoire, journaliste pour l’Équipe l’avait très bien résumé, la lenteur des dirigeants à faire puis conclure les dossiers interroge. 3 mois pour Balotelli, plusieurs semaines pour Caleta-Car, presque 2 mois pour Aboubakar et Giroud, incapables de vendre, des dossiers qui traînent en longueur pour finalement ne pas aboutir. JHE avait prévenu, le club ne surpayera jamais. « Un joueur ne signera que si tout les voyants sont au vert » rabâche l’homme fort du club. Les critères footballistiques priment mais le joueur doit rentrer dans les clous financièrement. Le cas Balotelli était ingérable si l’on suit la politique de JHE, il était donc logique que l’OM ne s’aligne pas sur les demandes de l’une des deux parties.

Mais il existe bien d’autres problèmes à la face du monde concernant la logique de la direction. Pourquoi les mercatos donnent l’impression de n’être jamais préparés correctement ? L’été dernier, la fin en eau de boudin a laissé un sentiment mitigé chez les supporters et observateurs. L’attentisme pendant le mercato hivernal a probablement coûté la Ligue des Champions au club. Quid de celui en cours ? Un autre problème suscite la curiosité, quelle est la vraie volonté du board ? Chercher à franchir des paliers pour lutter avec le Paris Saint-Germain ou se contenter du podium ? Le propriétaire Frank McCourt jure de son coté que le club cherche à finir le plus haut possible, mais  ces propos ne font pas l’unanimité.

L’échec de Balotelli rappelle qu’il y a une réalité économique à prendre en compte, même pour un club qui a investi 150 millions en 18 mois. L’ancien homme fort des Dodgers n’est pas un mécène et n’a pas les fonds des dirigeants qataris et russes, chaque euro investi compte. Mais plutôt que de réfléchir finance, et si le board commençait plutôt à penser résultat ? S’aligner sur les demandes de Raiola et de Nice aurait probablement mis le club dans la panade et dans l’urgence avec une mission dégraissage express à mener, mais le club aurait pu prétendre à un classement final meilleur. Car oui, on peut être perdant sur le bilan financier au début d’une saison mais avec un joueur capable d’apporter exactement ce dont a besoin. A une échelle différente, lorsque la Juventus met 94,5 millions d’euros sur Gonzalo Higuain, la Vieille dame se saigne pour le buteur du Napoli. Un choix contesté car cela serait « trop d’argent » pour un attaquant de 28 ans qui en plus semble être un chokeur-né. Et pourtant, l’Argentin va permettre d’apporter aux Bianconeri des points très importants face au Napoli et à l’Inter, sans parler de son doublé significatif contre Monaco lors de sa première saison.

La Juve finira par le revendre 2 ans plus tard pour environ 50 millions. Certes la santé financière du club turinois n’avait rien à voir avec celle du club phocéen, mais le risque entrepris par une institution qui était réputée pour sa frilosité a marqué un tournant significatif dans son rapport avec le mercato était de taille. Evidemment, il n’est pas interdit que l’OM pose 25 millions sur Ben Yedder en fin de mercato et que l’argumentaire ici présent ne vale plus un clou, mais aujourd’hui, la donne est à l’interrogation et à l’incompréhension. Il reste 10 jours à la direction pour signer des nouvelles recrues, où alors il faudra plus qu’une tisane pour convaincre les supporters.

 

Crédit photo: Boris HORVAT / AFP

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« Ce que je sais de la morale, c’est au football que je le dois.»