La patte Klopp à Liverpool

Arrivé en bout de course à Dortmund où sa dernière saison était celle de trop, Jürgen Klopp rejoignit Liverpool au mois d’octobre 2015. Le club, lui aussi en bout de course depuis de nombreuses années, s’est métamorphosé sous la coupe du grand Allemand. Retour sur le travail du technicien à lunettes.

La saison 2014-2015 s’est clôturée et, avec elle, les maigres espoirs de titre pour Liverpool. Sevré de première place depuis 1990, le club de la Mersey avait pourtant été bercé d’illusions. C’est hélas la faute à un Luis Suárez hallucinant et qui avait emmené le club, la saison précédente, à frôler un titre dont il n’a été privé que par une glissade de son héros de toujours, Steven Gerrard.

Probablement magnifié par la saison de Suárez, Brendan Rodgers avait donné l’impression de pouvoir rendre à Liverpool ses lauriers, son rang et son antique gloire. Il n’en était rien. Si sa philosophie offensive a pu plaire à certains, les errements défensifs incessants, les remontadas par dizaines et les mercatos tout autant dispendieux que médiocres ont fini par lasser le board.

Jürgen Klopp, sitôt l’automne venu, et après avoir notamment refusé l’Olympique de Marseille, reprend en main l’équipe. Ses apports sont notables sur trois plans différents : celui du jeu, des résultats et de l’évolution de l’effectif.

Le jeu

Brendan Rodgers a tenté de nombreux schémas à Liverpool. 4-2-4, 4-1-3-2, 4-4-2, 3-4-3, 4-3-3, ce dernier ayant majoritairement retenu son attention. Il optait pour un milieu de terrain physique, axé sur la récupération du ballon plus que sur la construction du jeu, probablement pour compenser la vocation très offensive de son équipe. Les latéraux étaient amenés à jouer haut, les attaquants majoritairement dénués de travail défensif.
Ces schémas ont conduit Liverpool à marquer beaucoup (101 buts marqués en 2013-2014) mais aussi à encaisser énormément (50 buts encaissés en 2013-2014). Toute proportion gardée, les équipes de Rodgers souffraient globalement de la même difficulté que celles de Zdenek Zeman, à ceci près que la saison 2014-2015 fut bien plus molle pour Liverpool.

Roberto Firmino a excellé la saison passée dans ce pressing agressif à la récupération auquel Klopp tient tant. (Photo : liverpoolfc.com)

 

Jürgen Klopp a également tâté le terrain. Rapidement, il a lui aussi opté pour un 4-3-3 mais aux principes de jeu différents. Son « gegenpressing » a fait sa renommée et il n’a pas manqué de le reproduire à Liverpool.
Les attaquants – Firmino excellant dans ce rôle – participent à un pressing intensif et haut, l’Allemand préférant clairement imposer son tempo plutôt que de subir celui de son adversaire. La ligne défensive est elle aussi haute et les latéraux, dans la continuité de ce qui est attendu d’un latéral moderne, dédoublent sans cesse avec leurs ailiers, sans pour autant se recentrer (à la manière de ce qu’attend Guardiola). Les milieux, à la différence de Brendan Rodgers, sont des milieux créatifs et il n’a pas été rare de voir Coutinho, Wijnaldum et Emre Can être tous trois alignés au milieu de terrain. Les ailiers, enfin, sont les principaux dynamiteurs offensifs de l’équipe, Salah et Mané jouant tous deux fausse patte pour pouvoir rentrer sur leur bon pied.

Le Liverpool de Klopp a souffert, dans un premier temps, des mêmes difficultés que celui de Rodgers, à savoir un grand nombre de buts encaissés pour un grand nombre de buts marqués, mais il a progressivement su maîtriser les offensives adverses tout en maintenant un spectacle offensif constant. La saison dernière, à partir du mois de février, Liverpool n’a encaissé qu’un seul but à Anfield. Cette saison, les Reds en sont à 6 buts marqués pour 0 encaissé en 2 matches.

L’effectif

Le premier point de ce développement est axé sur le mercato :

La saison 2013-2014, prometteuse, s’est vue pourrie par un mercato très moyen. Luis Suárez, Daniel Agger, Suso, Coates, Cissokho, Moses sont partis et ont été remplacés par Rickie Lambert, Mario Balotelli, Divock Origi, Alberto Moreno et consorts.

Quelques réussites notables, comme Emre Can, Adam Lallana ou Dejan Lovren permettent à un effectif à des années-lumière du top anglais de s’échouer à une 6ème place d’une saison 2014-2015 sans saveur.

L’été venu, Glen Johnson s’en est allé, Javi Manquillo aussi. Lassé du manque d’ambition, Raheem Sterling a rejoint City. Steven Gerrard, enfin, est parti profiter, une dernière fois, du football en terres américaines.
Rayon arrivées, Roberto Firminno, James Milner et Nathaniel Clyne sont d’autant de recrues qui permettent – ou non – d’oublier l’énorme flop Christian Benteke, aussi vite reparti qu’il n’était arrivé au club (47 millions d’euros, rappelons-le).

Le mercato estival 2016 est le premier dont se charge entièrement Jürgen Klopp. Il tâche alors de remodeler l’effectif sans arme, ni haine, ni violence. Exit Benteke, Enrique, Touré, Sinclair, Balotelli, Luis Alberto, Joe Allen, Brad Smith et Jordon Ibe. Au revoir aussi Martin Skrtel, le plus fidèle skinhead du club.

Liverpool dit alors bonjour alors à Joël Matip, Loris Karius, Ragnar Klavan, Alex Manninger, Georgie Wijnaldum et surtout Sadio Mané.

Une nouvelle saison plus tard, l’Allemand continue de corriger pas à pas son effectif. Il se sépare définitivement du turbulent Sakho et du combattant Lucas Leiva. Ils laissent place à l’inconnu Andrew Robertson, au mitigé Oxlade-Chamberlain, au jeune Dominic Solanke et à un certain Mohamed Salah.

Le départ de Coutinho à l’hiver est vite compensé par la signature d’un défenseur, Virgil Van Dijk, devenu lui aussi vital au club dans un tout autre registre.

Enfin, dernière étape de la mutation de l’effectif Red, l’été 2018. Il accueille alors Naby Keita, recruté l’été d’avant mais immédiatement prêté à Leipzig. Il est immédiatement suivi de Xherdan Shaqiri, Fabinho et surtout d’Alisson.

En ce qui concerne le développement de jeunes talents :

Brendan Rodgers a totalement échoué dans sa mission de promulgation des jeunes talents. S’il a donné leur chance à Sterling et Flanagan, aucun ne s’est inscrit dans la durée avec Liverpool, le premier parce que trop talentueux pour un club en baisse d’ambition, le second parce que trop mauvais pour un club aux fortes ambitions. Il ne parvient pas à tirer le meilleur d’Oussama Assaidi ou de Joe “welsh Pirlo“ Allen. Idem pour Fabio Borini ou Dani Pacheco. Que dire, enfin, d’Alberto Moreno ? À son actif, surtout, Philippe Coutinho.

Jürgen Klopp n’hésite pas, quant à lui, à introduire des jeunes joueurs dans l’effectif. Robertson est arrivé sur la pointe des pieds au club, le voilà désormais renommé Robertson Carlos. Alexander-Arnold a quant à lui non seulement profité de la blessure de Nathaniel Clyne mais il a aussi bénéficié d’une totale confiance de la part de son coach. Klopp a su faire de Firmino, Mané et Salah, qui n’étaient jusque-là que des très bons joueurs, des joueurs de classe mondiale. Il a su, enfin, relancer formidablement un Oxlade-Chamberlain en perte de vitesse absolue à Arsenal. À suivre à l’avenir, Woodburn notamment.

Les 18 de Liverpool pour le 1er match de Klopp (octobre 2015)

Le 11  : Mignolet, Clyne – Skrtel – Sakho – Moreno, Lucas Leiva – Emre Can, Coutinho – Lallana – Milner, Origi

Banc  : Bogdan – Randall – K. Touré – Allen – Teixeira – Sinclair – Ibe

Les 18 de Liverpool pour le 1er match de la saison 2018-2019

Le 11 : Alisson, Alexander-Arnold – Gomez – Van Dijk – Robertson, Milner – Wijnaldum – Keita, Salah – Firmino – Mané

Banc  : Karius – Clyne – Fabinho – Henderson – Lallana – Shaqiri – Sturridge

Les résultats

Brendan Rodgers n’a rien remporté avec Liverpool. Il a fini 7ème, 2ème, 7ème et a laissé le club en 10ème position, après notamment un nul face à Sion en Europa League. Il n’a jamais fait mieux en coupes qu’une demi-finale contre Aston Villa en 2014-2015.

En ce qui concerne Jürgen Klopp, si la première saison en championnat fut décevante (8ème), le club est finaliste de League Cup et d’Europa League. Surtout, il livre des matches d’anthologie, notamment un 4-3 à Anfield contre le Borussia Dortmund cher au cœur de Klopp.
En Ligue des champions, pour son retour en 2017-2018, il se rend jusqu’en finale. En championnat, derrière l’impressionnant Manchester City, il termine 4ème et ne doit probablement ce recul qu’au mercato d’hiver et au départ de Philippe Coutinho.

Les principaux reproches à l’égard de l’Allemand sont d’avoir déjà perdu 3 finales avec Liverpool. Il faut néanmoins souligner que le club est en progression fulgurante sur absolument tous les points. Il est passé du statut de grand club déchu à celui de cador, tant en Ligue des champions qu’en championnat d’Angleterre. Après le Borussia, force est de constater que Jürgen Klopp a mis son cœur et son âme à ramener l’immense Liverpool d’entre les morts.

Crédits : ANDREW SURMA / NURPHOTO

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