Éternelle promesse d’un football anglais qui en a connu beaucoup avant lui, Ross Barkley avait vécu les plus belles heures de sa jeune carrière sous le maillot de son club formateur d’Everton. Mais le manque de régularité d’une formation qui peine à se montrer à la hauteur de ses ambitions avait considérablement freiné la progression du jeune anglais. Si son transfert rocambolesque à Chelsea en janvier passé a même semblé être LA fausse bonne idée du dernier mercato hivernal, « Rossi » de son surnom renaît depuis le début de saison et retrouve son football dans une équipe compétitive et aux côtés de l’excellent tacticien qu’est Maurizio Sarri. Au point de retrouver l’équipe d’Angleterre, et d’en être l’un des dépositaires de l’animation offensive…
Ces derniers mois, le moral des fans de l’équipe d’Angleterre est au beau fixe. En l’espace d’une Coupe du monde, ils se sont remis à rêver et ont redécouvert le goût de la victoire lors d’un match à élimination direct. Auréolée de ces bons résultats, l’équipe du flegmatique Gareth Southgate s’est même donné la permission de surfer sur la vague en se qualifiant pour le Final Four de la toute jeune Ligue des nations. La renaissance des Three Lions au plus haut niveau a donc été orchestrée par son sélectionneur, Gareth Southgate. Mais aussi par l’avènement d’une génération de jeunes joueurs pleins de talent et déterminés à briser l’image de loosers que se coltine leur sélection depuis maintenant bien trop d’années pour un pays aussi prépondérant sur la scène internationale. Les figures de proue de ce navire sont Harry Kane et Raheem Sterling, mais aussi Jordan Pickford ou John Stones.
Ces joueurs anglais, performants avec l’équipe nationale comme avec leurs clubs, souvent dans le haut du panier en Premier League, viennent nous faire oublier un amoncellement d’autres joueurs, annoncés comme la relève de la génération Lampard-Gerrard-Scholes, et qui n’ont jamais su relever le défi. Jake Rodwell, Stewart Downing ou Adam Johnson, pour ne citer qu’eux, sont tant de joueurs dont les promesses furent éphémères. Entre ces deux catégories de joueurs se balade un homme. Ross Barkley. Longtemps annoncé comme un immense talent en devenir, le bonhomme a connu une période à vide minée par les blessures qui aurait aisément pu l’amener à connaître la même trajectoire que celle de Jake Rodwell. Un autre milieu de terrain formé à Everton. Tiens donc.
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Le destin en a peut-être voulu autrement pour « Rossi ». En janvier 2018, après un feuilleton de plusieurs mois quant à ses envies d’ailleurs, il passe d’un maillot bleu à un autre, de celui des Toffees d’Everton, son club de toujours, à celui des Blues de Chelsea. Le contexte tendu des derniers mois d’Antonio Conte n’étant pas idéal pour relancer sa carrière, Barkley attend patiemment son tour. Et patience étant mère de sûreté, tout change pour lui cet été quand Maurizio Sarri débarque. Nouveau coach, nouvelles méthodes, et l’occasion pour le joueur d’origine nigériane de repartir de zéro, de poser de nouvelles bases et de reprendre sa carrière là où les pépins physiques l’avaient laissée.
D’espoir sur les bords de la Mersey…
Ross Barkley est né le 5 décembre 1993 à Liverpool d’un père nigérian et d’une mère anglaise. Poussé par une figure paternelle dont il ne prendra pas le nom de famille, lui préférant celui de jeune fille de sa mère, Ross commence le football tôt. Comme beaucoup de jeunes « born and raised » à Liverpool, il faut choisir entre les deux monuments footballistiques de la ville, que sont le Liverpool FC et Everton. Et c’est l’académie de ce dernier club qu’il rejoint à l’âge de 11 ans. Chez les « Toffees », Barkley grandit, et peut-être même un peu trop vite. Il fait ses gammes, gravit les échelons, si bien qu’à 15 ans, il est surclassé et joue avec les U18. En parallèle, le grand talent du jeune milieu de terrain ne laisse pas indifférent du côté de la fédération anglaise. Si bien qu’il connaît au moins 4 sélections dans chacune des équipes de jeunes de la sélection anglaise, en commençant par celle des U16 dont il était le capitaine.
Son évolution ne laisse personne de marbre au sein de son club. À commencer par une légende d’Everton, Tim Cahill. L’Australien, véritable taulier de l’effectif, déclare à l’aube de la saison 2011/2012 que Barkley est sûrement le jeune joueur le plus talentueux qu’il ait été amené à voir dans sa carrière. Un joli commentaire de la part d’un joueur à la carrière plus qu’exemplaire. Cahill déplore malgré tout (et déjà) les blessures auxquelles son coéquipier a pu faire face. Notamment cette double fracture ouverte tibia-péroné qui gâcha sa saison en octobre 2010.
La répétition des matchs et la confiance que lui donnent ses entraîneurs aidant, Ross Barkley prend du galon. Il gagne sa place de titulaire, prend le jeu d’Everton à son compte, et ravit les supporters de « l’autre club de Liverpool », heureux de voir à nouveau un gamin du coin devenir « the next big thing », quelques années après l’idole de Ross, Wayne Rooney. Ayant en commun un parcours et une polyvalence certaine, les comparaisons fleurissent. De son coach à partir de 2013, Roberto Martinez, jusqu’à la légende du football anglais Gary Lineker, personne n’est avare en compliment sur le jeune joueur et l’Angleterre se met à tomber amoureuse de son poulain. Il gagne sa première sélection avec l’équipe nationale en 2013, et fait partie intégrante des 23 joueurs anglais s’envolant pour le Brésil pour le Mondial 2014. De 2013 à 2016, soit la période pendant laquelle Roberto Martinez entraîne Everton, Barkley glane 22 sélections avec les Three Lions, bien que les résultats de l’équipe lors des compétitions internationales déçoivent. En club, il réalise sa meilleure saison comptable en 2015/2016. Il participe aux 38 matchs de son club formateur en championnat, inscrit 8 buts et distribue 9 passes décisives. Honnête pour un joueur dont la qualité première n’est pas la statistique.
… Aux feuilletons sur les bords de la Tamise
Si la saison 2016/2017 de Ross Barkley est honnête pour un joueur de son potentiel, elle signe surtout le début de la fin de son aventure à Everton, presque 13 ans après avoir rejoint l’académie du club. En mai, il se blesse aux ischio-jambiers et est out pour une durée indéterminée. Dans le même temps, il refuse de prolonger son contrat, courant jusqu’en 2018. D’après son coach, Ronald Koeman, le milieu de terrain veut quitter son club de toujours, afin de découvrir de nouveaux défis. C’est fin août, à la fin de la période des transferts, que tout semble s’accélérer pour lui. Bien qu’encore convalescent, la presse britannique annonce qu’il aurait passé sa visite médicale du côté de Chelsea, le champion en titre. Le club londonien aurait fait deux offres pour convaincre Everton de lâcher son prodige. D’après cette même presse, Barkley se serait ravisé après la visite médicale et aurait décidé de rester sur les bords de la Mersey lors du dead-line day. Souhaitant calmer cet engouement médiatique, le joueur est obligé de sortir un communiqué dans lequel il déclare n’avoir jamais passé de visite médicale, préférant attendre d’être promptement rétabli de blessure pour constater ses opportunités. Il donne donc rendez-vous à ses courtisans en janvier.
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5 mois et 0 match plus tard, Ross quitte le nid. Après 13 années de bons et loyaux services au sein du club de la ville qui l’a vu naître, l’enfant prodige prend son envol, pour enfin « step-up » et accomplir sa destinée. Courtisé par Tottenham, c’est pourtant bien du côté de Chelsea qu’il atterrit, avec une visite médicale cette fois-ci véridique et fiable. Sur le papier, le transfert pourrait faire sens. Chelsea a été couronné champion d’Angleterre 2 fois sur les 3 saisons précédentes, Cesc Fabregas vieillit et ne semble plus que partiellement intéressé par le football de haut niveau. Mais le timing interroge. Tout d’abord parce que Barkley n’a pas joué un match depuis mai dernier, soit 8 mois auparavant.
De plus, il semblait avant cela avoir atteint un plafond de verre, gênant sa progression. Mais surtout, le contexte momentané du club londonien n’a rien d’aisé. L’équipe ne semble pas pouvoir tenir le rythme imposé par Manchester City et Liverpool en championnat, et Antonio Conte, alors l’entraîneur en place, est de plus en plus contesté. Qui plus est, le manque cruel de turnover de la part de ce dernier est un argument de plus pour semer le doute dans les esprits. Pour de nombreux observateurs, ce transfert est quitte ou double. Ou Barkley nous montre qu’il a le mental allant de paire avec les qualités pour faire carrière au plus haut niveau, ou il tombera dans le presqu’oubli des clubs de seconde zone.
Son retour sur les terrains ne calmera en aucun cas les plus sceptiques de tous. De janvier à mai 2018, il ne dispute que 4 rencontres toutes compétitions confondues. Malgré un succès en Coupe d’Angleterre, Chelsea tombe en 1/8ème de finale de la Ligue des Champions et glisse à une 5ème place finale en championnat. Bien évidemment, son nouveau milieu de terrain anglais n’a pas l’occasion de briller. Plus appelé en sélection depuis l’Euro 2016, il ne fait en toute logique pas partie du voyage en Russie pour la Coupe du monde et verra ses copains aller en demi-finale sans lui.
Back on tracks
L’été 2018 est donc le moment clé afin d’inverser la vapeur et remettre sa carrière sur les rails. À Chelsea, exit Antonio Conte. Avec un nouveau staff, toutes les cartes sont rebattues. Mi-juillet, c’est un autre italien qui débarque à Stamford Bridge. Encensé pour ce qu’il a construit du côté du Napoli, Maurizio Sarri amène un vent de fraîcheur sur un effectif qui en avait cruellement besoin. Mais pas pour faire les affaires de « Rossi », le club renforce son milieu de terrain. Tout d’abord avec Jorginho (pas vraiment un concurrent direct pour Barkley du fait de sa position plus reculé sur le terrain que l’anglais), mais surtout avec Mateo Kovacic. Un danger que Barkley réussit à contourner par la force des choses. Quand les recrues ont besoin d’un temps d’adaptation et qu’en plus Kovacic rentre usé du Mondial avec la Croatie, Ross arrive lui en pleine forme, enfin laissé tranquille par les blessures, et avec une certaine connaissance de ses coéquipiers que les « nouveaux » n’ont pas forcément. Il se doit de capitaliser sur ses forces, et se le permet en étant fréquemment lancé par son nouveau coach. Même après que son coéquipier croate soit pleinement de retour, Barkley offre des prestations de qualités et retrouve un jeu qui le caractérise, costaud dans l’impact et précis en tant que seconde lame dans l’organisation du jeu.
4 – Chelsea's Ross Barkley has been directly involved in four goals in his last three Premier League games (two goals, two assists), as many as in his previous 22. Rediscovered. pic.twitter.com/dG4coq98NN
— OptaJoe (@OptaJoe) October 28, 2018
On savait Maurizio Sarri faiseur de miracles. Son excellente gestion individuelle des joueurs a transformé des joueurs en footballeurs de classe mondiale, à l’image de Dries Mertens ou Kalidou Koulibaly. Sa confiance en Ross Barkley et le football que son équipe propose sont les facteurs principaux du retour de l’anglais aux origines nigérianes au plus haut niveau. Étant très proche de prendre définitivement le dessus sur Mateo Kovacic dans la hiérarchie, Barkley se permet d’être décisif, comme lorsqu’il vient égaliser à la 95ème minute de jeu lors du récent choc contre Manchester United.
Pour couronner le tout, Ross est de retour en sélection. Enfin appelé par Gareth Southgate, il retrouve ses potes, comme John Stones, une autre pépite de l’académie d’Everton, ou Harry Kane, qui est de la même génération que lui. Sa bonne forme s’est vue récompensée il y a quelques jours de cela, avec une titularisation dans le match décisif de phase de poules de Ligue des nations, contre la Croatie. Avec une victoire 2 buts à 1, les Anglais se sont qualifiés pour le Final Four de la compétition et y retrouveront les Pays-Bas, la Suisse et le Portugal. Sauf imprévu de type blessure, « Rossi » a toutes les chances de faire partie de cette aventure, et pourquoi pas être l’un des artisans du premier titre international de l’Angleterre depuis 1966…
Crédit photo : Jose Breton / NurPhoto